• 1918 "A l'Est rien de nouveau ..."

    La nouvelle année commence comme a fini la précédente. L'activité allemande est incessante au nord-est de Verdun, dans la région de Bezonvaux. L'adversaire y déclenche constamment des barrages par obus ainsi que par projectiles de lance-mines et tente par des coups de main de faire des prisonniers. Par la suite, cette zone n'est pas caractérisée par des luttes majeures celles que l'histoire retient. Pourtant, les hostilités continuent, marquées par des actions plus ou moins importantes, surtout du côté allemand. Une double opération marquante a lieu le 7 janvier. Ce jour-là, le III./E.I.R.23 attaque les positions françaises devant le village, appuyé par des batteries du G.Fda.R. 3. Cette action, dont le nom de code est « Patrie » (Vaterland), vise à capturer des prisonniers. Elle est décelée suffisamment tôt par les Français et échoue. La seconde partie de l'opération, baptisée « Frédéric-Auguste » (Friedrich-August), se déroule à proximité du village. Menée par le 1./E.I.R.23 et repérée suffisamment tôt par les Français, elle échoue car l'adversaire évacue ses positions avancées. Vers le milieu du mois, le R.I.R. 207 soutenu par le Fda.R. 39 mène une action baptisée «porteur de repas» (Essenholer, celui qui va chercher la nourriture) contre les positions françaises dans la région de la Croix de la Vaux. II capture des prisonniers et ne subit pas lui¬même de pertes. Les 22-23, la 33e D.L. est relevée ; la 153e D.I. prend sa place sur le même front bois des Chaumes-Bezonvaux (exclu).

    En février, on retrouve l'E.I.R. 23 au nord-ouest de Bezonvaux. II a un front de 650 mètres au sud-ouest d'Ornes, avec son aile droite sur la hauteur de la Croix de la Vaux et son aile gauche à la hauteur du chemin conduisant de ce site à Bezonvaux. Entre le 6 et le 9, la 25e D.I. est relevée à la droite de la 153e ; elle est emplacée par la 26e qui reste dans le secteur de Bezonvaux jusqu'en avril. C'est une période longue et difficile pour elle. Les coups de main adverses à peu près quotidiens imposent aux Français une vigilance soutenue. En particulier, le 139e R .1. subit plusieurs tentatives, arrêtées par le déclenchement de feux nourris. Au 121e, les conditions offertes par le secteur semblent avoir produit une forte impression:

    « L'existence y est si rude, l'atmosphère si empestée par les obus toxiques et principalement par l'ypérite, les coups de main de l'ennemi si fréquents et si violents, les bombardements si sévères, qu'il n'est pas possible de laisser les divisions plus de quarante ou quarante-cinq jours dans ce redoutable secteur de Bezonvaux. Les circonstances vont exiger que la 26e division le tienne pendant trois mois. Dès l'arrivée, tous sont frappés par l'aspect de désolation de cette région nord de Verdun. Quel inoubliable spectacle ! Quelle impression de ruine, de dévastation, d'anéantissement de toutes choses ! Des belles forêts qui couvraient la contrée, pas une trace ne reste, sauf, de-ci de là, quelques troncs d'arbres calcinés et tordus, lamentables et noirs, dont le plus haut n'atteint pas 1 mètre. Le terrain est bouleversé, d'un aspect général jaunâtre ; il est couvert de cratères jointifs, si nombreux, si serrés, qu'il est impossible de découvrir la moindre place qui n'ait pas été affouillée par un obus. Qui dira cet aspect terrifiant de désolation et de mort de ces ravins de Vaux, du Helly, du Bazil, de la Fausse Côte, de la Caillette, du Fond du Loup, du Fond des Rousses, des pentes d'Hassoule et du plateau d'Hardaumont. Ce sont partout des débris de toute sorte, fils de fer tordus et enchevêtrés, obus et grenades non éclatés, épars un peu partout et si nombreux qu'on ne peut creuser un boyau ou une tranchée sans en déterrer quelqu'un. Beaucoup de tués ont été enterrés à même le parapet, peu profondément par manque de temps ; l'érosion produite par les pluies les a peu à peu découverts. Des pieds avec des restants de souliers, ou le squelette d'une main, sortent de la paroi, semblant vouloir vous arrêter au passage ... Le secteur d'Hassoule, dévolu au régiment, est particulièrement dur ... Aucun mouvement n'est possible de jour; les ravitaillements de toute sorte ne peuvent être effectués que de nuit, à travers un terrain chaotique où hommes et mulets glissent et tombent ô chaque pas, sur les pistes systématiquement battues au canon et à la mitrailleuse, et à travers les ravins où les obus à l'ypérite entretiennent méthodiquement une atmos¬phère empoisonnée. A Bezonvaux, dont il ne reste que quelques pierres, les sections de garde blotties dans les caves à moitiés remplies d'eau ne peuvent, de jour, mettre le nez dehors ... L'ensemble de la position constitue le terrain classique des coups de main de l'ennemi, faciles à réussir en raison du peu de distance séparant les lignes adverses, de la position dominante de l'adversaire et de l'impossiblié de faire le vide dans le terrain attaqué, par suite de cette autre impossibilité qu'est la traversée du ravin des Rousses sous le violent tir d'encagement qui y est régulièrement dirigé pendant l'exécution des coups de main. II yen a régulièrement un par semaine, quelquefois deux ; ils réussissent chaque fois, a-t-on dit aux nôtres à leur arrivée dans le secteur ».

    Bezonvaux 1917-1918 : La guerre continue

    L'évolution du front aux environs de Bezonvaux du 8 au 11 novembre 1918.

     

    Le 12 février, dans les environs de la Croix de la Vaux, l'E.I.R.32 procède à une opération connue sous le nom de « Lusace » (Lausitz). Les pertes allemandes sont lourdes et un seul prisonnier est ramené. Puis du 14 au 20 se déroulent de violentes démonstrations, présentées plus tard comme étant des diversions destinées à tromper les Français sur la direction de la future grande offensive allemande. En particulier le 17, dans le même coin, un coup de main de la 228.I.D. (« distribution de nourriture », Essenausgabe), réussit grâce à l'appui du G.Fda.R. 3 : s'agissant de la même division, de la même zone et de noms de code proches, les opérations « Essenholer » et « Essenausgabe » sont peut-être liées. Plus à l'Est, devant deux bataillons du 92e R.I., le Zef tenant le quartier Hassoule et le 2 celui du village, ainsi que devant un bataillon d'un régiment voisin, les Allemands préparent manifestement une sérieuse attaque. L'artillerie française prévenue de ces indices empêche l'adversaire de sortir de ses tranchées pendant quatre jours. Le 19, la 5e/92e R.I. repousse un coup de main. Puis, le 20, les deux bataillons - en particulier le 1e sont obligés seize fois de demander un tir de barrage. Les lignes de ce dernier, après un bombardement tel qu'elles disparaissent entièrement dans la poussière et la fumée, sont attaquées à 19 heures par deux bataillons allemands. Une compagnie allemande, profitant d'un repli des Français de la première sur la deuxième tranchée, attaque le P.C. du commandant du, bataillon qui n'a le temps que de détruire ses papiers. La 1ere compagnie arrive trop tard pour délivrer cet officier ; toutefois, le 2e bataillon rétablit rapidement la situation et repousse les assaillants. Le 5 mars, alors que les secteurs de Beaumont et Bezonvaux connaissent une lutte d'artillerie, les 30. et 31.bay.I.R. exécutent une reconnaissance offensive baptisée « Hans », contre des tranchées françaises dans le secteur de la Croix de la Vaux. Il s'agit de détruire des abris et de récupérer du butin ainsi que des prisonniers. L'opération permet effectivement d'en ramener neuf. Le 17, le groupement Ornes (15.bay.I.D., 19.E.D.) exécute un coup de main appelé « basses terres » (Tiefland) en direction de Bezonvaux. Il fait suite à l'action a Vaterland » qui s'est déroulée le 7 janvier et a lieu en même temps qu'une autre baptisée « 344 », organisée entre la cote 344 et Beaumont par la 29.I.D. « Tiefland » a pour but de détruire des installations françaises. Les groupes de choc, appartenant à l'E.l.R. 24 et à des unités du génie, réussissent une pénétration de 600 mètres dans le dispositif français, jusqu'au milieu de Bezonvaux, presque jusqu'à la 3e ligne française et réussissent leur mission, ramenant également 63 prisonniers. « 344 » est aussi un succès. Mars est surtout caractérisé par une importante opération de diversion baptisée « lever de soleil » (Sonnenaufgang), préparatoire à la grande offensive qui doit se déclencher le 21 dans la Somme. Le 20, après une préparation d'artillerie de 9 jours menée par 60 batteries, pendant laquelle une proportion importante d'obus à gaz est tirée, quatre divisions allemandes (19.R.D., 29.I.D., 228.I.D. bay.15.I.D.) procèdent à une attaque sur le front entre Samogneux et Bezonvaux. Dans le secteur de la division bavaroise au sud d'Ornes (Caurrières-Bezonvaux), l'opération menée par les 30. et 31.bay.I.R., se traduit par une avancée de 1 100 mètres de large sur 600 de profondeur. Les Bavarois réussissent à progresser jusque dans le Fond des Rousses, capturant 10 officiers et 229 hommes ; leurs pertes semblent faibles : 8 morts, 3 disparus et 54 blessés. Rien que pour la 11e D.l., il y a 2 800 gazés et cette grande unité doit être relevée. Le 21, la 20e D.I. prend le secteur entre le bois de Chaume et Bezonvaux, étendu à gauche le 26 jusque vers Beaumont. Le bois des Caurrières que tient le 25' R.l. est un chaos. Dès l'arrivée des unités relevantes, l'artillerie allemande déclenche un bombardement qui ne laisse aucun répit aux nouveaux occupants des premières lignes françaises. Avril débute le avec « Hans Il », recommencement de l'action menée le 5 mars. Les 30. et 31.bay.l.R. opèrent à 20 heures une percée dans les lignes adverses face à la Croix de la Vaux : 27 Français sont faits prisonniers et de nombreux abris sont détruits. A la Zef 25e R.I., il a fallu se résoudre à combattre au corps à corps, mais cette unité a réussi à rétablir elle-même sa ligne, Ce mois voit surtout la mise en oeuvre, à l'ouest de Bezonvaux, d'une arme redoutable utilisée seulement une soixantaine de fois une fois en Italie et le reste sur le front ouest entre avril et août 1918 : le lanceur de projectiles à gaz Mle 1917 (Gaswerfer 17). Il s'agit d'un cylindre d'acier dont une extrémité est obturée et enterrée dans le sol ; l'autre permet de projeter entre 1 300 et 1 600 mètres une bombe pesant une trentaine de kilos et chargée principalement avec du phosgène ainsi qu'avec un mélange de chlore et de chloropicrine. L'emploi de cette arme de saturation est préparé sous la forme de rassemblements de plusieurs centaines de tubes. Cette concentration a pour conséquence que, lors du déclenchement d'un tir, un nuage à forte teneur de produits toxiques se forme instantanément sur la zone d'impact des projectiles. Ainsi, le 14, les Allemands en tirent simultanément 1 200 dans les secteurs français correspondant aux 15.bay.I.D. et 19.E.D. opération ayant reçu le nom de code de « pluie d'avril » (Aprilregen) . Les cylindres sont positionnées dans le ravin au nord de la Croix de la Vaux. Leur bombardement s'abat sur le Fond des Rousses et les batteries françaises situées au-delà. Puis, le 17, l'E.I.R. 32 attaque les positions tenues par le 25C R.I. dans le secteur de la Croix de la Vaux. L'appui est assuré notamment par les lance-mines légers du I./I.R. 351, la M.W.K. 164 ainsi que 12 autres Minenwerfer. Il y a aussi une violente concentration d'obus à gaz sur les batteries françaises de barrage. Les assaillants disposent de quelques lance-flammes. L'attaque subie par les Français ne les surprend pas. A 20 heures, lorsqu'elle se déclenche, les groupes d'assaut allemands se heurtent au barrage français et aux feux d'infanterie. L'allongement de ce barrage ayant été obtenu, les Allemands sont contre-attaqués et refoulés en laissant des pertes. Le but de l'opération « or du Rhin » (Rheingold) était de ramener du matériel et des prisonniers : 38 Français ont été effectivement capturés. Toutefois, rien que pour le 25e R.l., le bilan de l'attaque est d'une cinquantaine d'adversaires mis hors de combat (une trentaine de morts et une vingtaine de prisonniers dont beaucoup de blessés) et la récupération de 2 lance-flammes Un autre tir de projectiles à gaz, avec le nom de code de « fleur d'arbre » (Baumblüte), est effectué le 19 dans les mêmes conditions par l'artillerie allemande et des Gaswerfer : même emplacement de ceux-ci, mêmes divisions allemandes concernées, même zone visée. Les deux attaques par lanceurs ont causé des pertes sensibles aux Français. Mai reste agité. Les et 2 de ce mois, la 29e D.I. occupe le secteur entre Bezonvaux et Damloup. Le 3e R.I. monte en ligne vers Bezonvaux, le le`/3e R.I. dans le quartier Village. Tout au long de ce mois, le 165 R.I. profite du terrain bouleversé et de la situation relativement calme, pour aguerrir par de hardis coups de main ses jeunes recrues qu'il veut amalgamer avec les plus anciens. Il harcèle l'adversaire auquel il parvient à faire des prisonniers. Par exemple, à la tête d'un groupe de 9 hommes, un sergent se porte, en plein jour, en avant des tranchées tenues par sa compagnie. Il s'agit d'enlever un détachement allemand qui s'est glissé à proximité d'un poste français. Sans perte dans son groupe, ce sous-officier capture 7 prisonniers (1 officier, 1 sous-officier et 5 hommes) et récupère une mitrailleuses légère. Le 27, alors que 40 divisions allemandes attaquent les lignes françaises entre Noyon et Reims et les enfoncent sur le Chemin des Dames, une action d'envergure frappe la 33e D.I. voisine de la 29 qui tient le secteur de Bezonvaux. Menée par la 15.bay.I.D., elle commence par une préparation d'artillerie exécutée par 106 pièces appartenant aux 7.bay.Fda.R. et Fda.R. 46. L'opération baptisée « Skuld » (nom d'une déesse) vise surtout les 11` et 20e R.I. sur le front Beaumont-bois de Chaume et elle réussit. Il y a aussi une tentative destinée à faire des prisonniers dans la zone de la Croix de la Vaux. Les assaillants subissent de fortes pertes, notamment en raison du feu des mitrailleuses de leurs adversaires. Ceux-ci se sont retirés sur la seconde ligne, y attendent l'assaut puis contre-attaquent, en particulier le 2/11e R.I. qui oblige les assaillants à regagner leurs lignes en laissant de nombreux cadavres sur le terrain. Néanmoins, les Allemands ont récupéré 38 prisonniers. Le 11e R.I. compte aussi 5 tués, 20 blessés et 243 intoxiqués. Les batteries françaises d'artillerie sont également très éprouvées, certaines d'entre elles n'ayant plus qu'un homme en état de combattre sur dix. Le lendemain, toujours sur le front de la 15.bay.I.D., se déroule «Skuld II », opération sur laquelle il n'y a pas d'informations. Dans la nuit du 29, une action d'envergure est menée par la 123.1.D. : portant le nom de code d'« Emprunt de guerre » (Kriegsanleihe), elle a pour but de pénétrer dans les positions françaises du Fond des Rousses, de récupérer des prisonniers et de détruire des installations. Elle réussit et les Allemands capturent 16 hommes. Le 3 juin, le front de la 29e D.I. est étendu à gauche jusque vers la ferme des Chambrettes (avec le 1e`/3e R.I. dans le bois des Caurrières). Le 11 juillet, le R.I.R. 252 transfère à l'état-major de l'I.R. 177, dont le P.C. est aux Jumelles d'Ornes, le commandement du secteur Havel. Celui-ci correspond à une partie du front relevant du groupement Vaux et s'étend approximativement du versant oriental des Jumelles d'Ornes au nord jusqu'à la route Bezonvaux¬Maucourt et au sud de ce village. Le 12, la 29e D.I. étend son front jusque vers Beaumont. Devant Bezonvaux, il n'y a pas alors d'engagements importants, simplement, les 15, 17 et 18, de vifs bombardements. Pour l'I.R.177, le service comprend, de jour, l'occupation de postes et, de nuit, l'exécution de quelques patrouilles : dans la nuit du 16/17, une parvient jusqu'au village de Bezonvaux qu'elle trouve inoccupée ; dans celles des 17/18, 18/19 et 19/20, d'autres reconnaissent la ferme de Méraucourt : au cours de la dernière, un prisonnier est capturé sur un détachement adverse. Le 20 août, la 18e D.I. entre en ligne entre le sud de Beaumont et Damloup. Son secteur est étendu à gauche, le 10 septembre, jusque vers Samogneux et réduit à droite, douze jours plus tard, jusque vers Bezonvaux. Son 32e R.I. a un front qui s'étend sur près de 4 kilomètres du ravin Hadime (cote 320) à gauche, à la cote 267 près de Bezonvaux, à droite. Deux bataillons assurent la défense immédiate sous la forme de petits postes : ceux-ci, éloignés les uns des autres, sont à l'effectif d'une section ou d'une demi-section. Compte tenu de leur isolement, ils font l'objet de tentatives de coups de main que leur vigilance fait échouer. En revanche, les patrouilles françaises ramènent souvent des prisonniers et les sentinelles recueillent fréquemment des déserteurs. Néanmoins, le secteur est jugé calme (ce régiment ne perd que 32 morts en trois mois) : des passages à la douche sont organisés dans le camp des carrières d'Haudromont et il est possible d'aller percevoir du « pinard » dans une cantine régimentaire organisée dans le ravin du Helly. Lorsque la 29e D.I. est relevée les 22/23 août, les hommes emporte le souvenir d'une zone calme où les pertes ont été relativement minimes : par exemple, 14 tués, 82 blessés en quatre mois au 3e R.I. Le séjour au front, consacré essentiellement à aménager des positions dans un paysage désertique au sol ravagé, calciné, creusé de milliers d'entonnoirs, a été monotone, d'autant qu'il n'a été coupé que par des périodes de repos» passées dans des sapes humides creusées dans les ravins un peu en arrière. En septembre arrive la 1Oe D.1.C. qui effectue la relève entre le 6 et le 9 et va rester dans la zone à l'est de Douaumont jusqu'à l'armistice. La situation n'y est pas trop difficile en dépit de bombardements sévères, ainsi qu'en témoigne l'agent de liaison Lambert du 33e R.I.C.:

    « ... Evidemment, ce Verdun-là ne pouvait se comparer avec le Verdun de 1916. Tout de même, les bombardements que nous subissions n'étaient pus une plaisanterie. C'est ainsi qu'un jour toute ma section a dû être évacuée à la suite d'un arrosage à l'ypérite ; seuls, un copain et moi, avons passé à travers. Etant agent de liaison, j'ai parcouru un peu tout le secteur. Plusieurs fois, j'ai failli me perdre la nuit car, au retour, je ne retrouvais plus mon chemin, les bombardements ayant changé l'aspect du sol entre l'aller et le retour ... » .

    Le 7, le 2e133e R.I.C. remplace un bataillon du 66e R.I. au C.R. Duprat. Le 9, le 1ef133e R.I.C. prend les lignes au C.R. Bezonvaux(-village), le 3e le C.R. Fort (de Vaux). En face, le 11, l'I.R. 177 organise à partir de la position Havel un coup de main sur une française en cours d'aménagement près de l'ouvrage de Bezonvaux. L'entreprise baptisée « Hermann » échoue parce que les Français se retirent de l'élément de tranchée assaillie. Le 12, à 18 heures, le 33e R.I.C. attaque en direction de Dieppe ainsi que des bois du Grand et du Petit Chénas. Un des bataillons du 32e R.I. est chargé de tâter l'ennemi dans la région du bois de Chaume, en direction d'Ornes. La préparation d'artillerie dure près de deux jours quand, le 13 septembre, à 5 heures, les 5e et 7e132e R.I. débouchent des lignes françaises et arrivent à atteindre la tranchée des Renards ; elles entrent en contact avec les troupes envoyées en contre-attaque, se dégagent par un combat à la grenade et, leur mission remplie, retournent à leurs positions de départ avec 18 prisonniers. Ces opérations, menées avec vigueur d'un côté comme de l'autre, prouvent que les Allemands tiennent encore fermement cette partie de leur front. Le 14, d'autres engagements ont lieu à l'initiative du 33e R.I.C. : un sous-lieutenant est blessé au cours de l'un d'entre eux. Toutes ces actions sont pénibles ; en outre, certains blessés doivent rester sur le terrain pendant plus de vingt-quatre heures avant d'être relevés. Le 25 septembre, vers minuit, le 2e133e R.I.C. exécute un coup de main sur le village de Dieppe, à 2 500 mètres en avant des lignes françaises. Un officier est blessé, un autre tué. L'opération est exécutée sous un véritable arrosage de tirs de mitrailleuses ; elle réussit et permet la collecte de précieux renseignements. Pendant les nuits du Zef au 2 et du 2 au 3 octobre, le 53e R.I.C. relève le 33e R.I.C dans le quartier Bezonvaux-Vaux et prend position de la manière suivante : le 3e bataillon dans le C.R. Bezonvaux, le Zef dans le C.R. Duprat et le 2e dans le C.R. Fort. Le colonel commandant le régiment assume le commandement du quartier depuis le P.C. Normandie. L'historique de l'unité mentionne:

    « Le séjour en ce secteur, qui reprend son activité des grands jours de Verdun, est caractérisé par les reconnaissances offensives des bataillons et la réaction violente de l'artillerie ennemie. Les pertes sont nombreuses, surtout par intoxication ».

     Du 8 au 14 octobre, la 18e D.I. tient les lignes entre Bezonvaux et Damloup. A sa gauche, dans les nuits du 23 au 24 et du 24 au 25, le 53e R.I.C. est relevé ; à son 3e bataillon succède un du 33e R.I.C. ; le 2133e R.I.C. occupe le C.R. Bezonvaux, le Zef le C.R. Albain et le 3e le C.R. des Chambrettes. Le commandant du sous-groupement Douaumont est au P.C. Attila. Les tirs à obus toxiques de l'artillerie allemande deviennent très fréquents et entraînent de nombreuses évacuations. Le 28 apparaît chez l'adversaire la 106.Lst.l.D., une des divisions austro-hongroises envoyées en 1918 sur le front ouest. Ses Lst.I.R. 6 et 32 sont affectés à deux divisions allemandes : les 32.I.D. et 37.I.D. Ces deux régiments montent au front pour être placés côte à côte. S'agissant du Lst.I.R.6, il renforce le dispositif allemand au nord de Bezonvaux. II s'installe entre les Jumelles d'Ornes et celui-ci : il tient un secteur entre sa sortie orientale et la lisière nord du bois de Maucourt. Ses avant-postes sont à l'est de la route Bezonvaux¬ferme de Méraucourt ; sa ligne principale de résistance est à l'ouest de la route Gremilly-Maucourt, ainsi qu'à l'ouest et au sud de cette localité. La'106.Lst.I.D. est relevée à partir de la fin du mois par la 32.I.D. En particulier, le 29, une moitié de l'I.R. 102, appartenant à cette division, s'installe à la place d'un bataillon du Lst.I.R. 6 dans la position de couverture d'artillerie du sous-secteur Havel-Nord.

    Le 1er novembre, l'évolution de la situation amène le commandement allemand a renoncer à l'emploi de la grande unité austro-hongroise. Dans la nuit du 3 au 4, un bataillon de l'I.R. 102 relève le reste du Lst.I.R. 6 dans la position Havel-Centre ; les états-majors régimentaires finissent de se passer les consignes le 4 à 9 heures. Le 5 à 5 h 45, les 22e et 23e133e R.I.C. effectuent un coup de main sur poste ennemi et font un prisonnier. Le 6, un nouveau coup de main effectué avec succès par une section de la 18e compagnie permet d'en ramener un autre. Le 8, le régiment reçoit un plan d'opérations prévoyant la participation de la 10e D.I.C. au mouvement en avant général dans la direction du Nord-Est puis ultérieurement de l'Est. Les ordres sont transmis dans la soirée. En attendant l'exécution du démarrage, un certain nombre de reconnaissances, dont trois sur le front du régiment, doivent tâter la 1 ligne allemande. Cette dernière étant supposée évacuée, les reconnaissances offensives ont pour but de s'y installer si la résistance est faible. Il est prescrit dans la nuit du 8 au 9 de gagner comme base de départ, aux premières lueurs du jour, une zone à l'est du village, ce qui peut se faire sans encombre. Le 9 avant 9 heures du matin, les bataillons du 33e R.I.C. sont en place comme prévu. Pendant ce temps, les reconnaissances ont lieu : à gauche, deux sections de la 1ère compagnie abordent la tranchée de la Chartonne ; elles la trouvent occupée fortement et échangent avec les Allemands grenades et coups de fusil, puis se replient sans pertes en combattant. Au centre, deux sections de la 19e compagnie occupent l'objectif en délogeant les Allemands, peu nombreux. Une contre-attaque les en chasse et le détachement se replie dans les positions françaises pour 11 heures ; le sous-lieutenant qui le commande le dernier dans la retraite - ne revient pas. A droite, une reconnaissance de la 21e compagnie se dirigeant vers Maucourt essuie des tirs et ne peut pas continuer : elle est même encerclée et décimée ; les survivants sont capturés, y compris le commandant de l'unité. La section envoyée pour couvrir cette opération face au bois du Petit Chénas disparaît sans laisser de traces : selon des renseignements, d'une part une compagnie américaine devait se trouver dans le Grand Chénas, d'autre part ce bois, Dieppe et peut-être le Petit Chénas étaient donnés comme évacués par les Allemands. Les six soldats, dont les restes sont retrouvés en 1924 près du moulin de Bezonvaux, correspondent certainement à une partie des pertes subies par le 33e R.I.C., entre ce village, Maucourt et Dieppe, deux jours avant l'armistice.

     

    Bezonvaux 1917-1918 : La guerre continue

    Le bois des Caurrières ( janvier 1918 ). Douaumont dégagé se trouvait en deuxième ligne. Notre ancien secteur de 1916 était devenu méconnaissable. La terre morte, trouée, ravagée, avait un aspect lunaire, et des bois touffus, seuls subsistaient quelques trous calcinés.