• Dans la région des Hauts-de-Meuse, les villages sont nichés sur les versants tournés vers le fleuve ou, à l'opposé, descendant en direction de la plaine. C'est le cas de Bezonvaux situé au pied des Côtes de Meuse, en bordure de la Woëvre, comme ses voisins Ornes (au Nord) et Damloup (au Sud). Le paysage des environs de Bezonvaux, constitués de hauteurs sauf vers l'Est, crevassés par des vallées et contrastant avec la plaine de la Woëvre à l'Est, est caractéristique du relief tel qu'il s'est formé au cours des différentes ères.
    En effet, la région de Bezonvaux, comme l'ensemble du département de la Meuse, fait partie du Bassin parisien dont l'élément essentiel du relief est la côte celle-ci est une brusque dénivellation entre un plateau dont l'altitude se tient vers 300-400 mètres et une plaine d'une altitude moyenne de 200-240 mètres ; au sommet de la côte, les pentes sont plus fortes et laissent parfois apparaître des escarpements de roches calcaires ; sur les flancs, elles sont moins prononcées. Ce relief résulte d'un processus d'évolution allant jusqu'au quaternaire. A l'ère primaire de même qu'à la suivante, cette région comme l'ensemble du Bassin parisien est recouverte par une mer peu profonde et les géologues classent les terrains qui se sont formés par sédimentation dans l'époque jurassique, une des quatre constituant le secondaire. Au tertiaire, trois éléments contribuent à la formation du relief de côte : la bordure orientale du Bassin parisien est affectée par la surélévation du massif vosgien, la mer qui recouvrait la région se retire puis l'érosion affecte les roches. Celles constituées de calcaire, plus résistantes, forment alors le relief des Côtes de Meuse. Avec une altitude généralement supérieure à 300 mètres (390 à Douaumont), ellesdominent la plaine argilo-marneuse de la Woëvre.

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Fossile de mollusque bivalve trouvé dans le ruisseau de Bezonvaux,
    en amont du village. 

    Certaines assises, souvent transformées en spath calcaire avec des veines siliceuses, renferment de nombreux fossiles, tel celui d'un mollusque bivalve de plus d'un kilogramme trouvé, il y a quelques années, dans le cours supérieur du ruisseau de Bezonvaux. Au quaternaire, alors que le climat est alternativement froid (périodes glaciaires) ou tempéré (périodes interglaciaires), la Meuse creuse sa vallée en fonction de la force du courant, dont la vitesse varie selon le niveau de la Mer du Nord. Actuellement, cette vallée paraît surdimensionnée car le fleuve a perdu son principal affluent : la Moselle. Le phénomène de ravinement et d'érosion se produit également un peu partout : il crée toutes les vallées et vallons visibles de part et d'autre des Côtes de Meuse.

    Ce relief de côte a un sous-sol composé de calcaires jurassiques plus ou moins marneux. Ils permettent l'infiltration des précipitations et deviennent de véritables réservoirs hydrauliques, d'où l'abondance des sources et des ruisseaux sur les pentes et en contrebas des Hauts-de-Meuse. C'est ainsi qu'en dépit des bombardements de la Grande Guerre qui ont bouleversé les sols, Bezonvaux, bâti au fond d'une vallée environnée de côtes, reste traversé par un ruisseau. II naît sur le territoire d'Ornes, au lieu-dit Source ou Fontaines de Fontenaux. Après avoir emprunté le ravin des Fontenaux, partie ouest du Fond des Rousses, son cours suit celui-ci, passant ainsi en un kilomètre et demi d'une altitude de 350 mètres à 250. Il parvient à la hauteur des premières maisons de Bezonvaux où il reçoit l'eau de la source Saint-Gilles, puis à l'extrémité orientale du village celle de la source Maltus. Continuant son chemin, il se jette dans le Ruisseau de Vaux après avoir parcouru seulement quatre kilomètres depuis son origine.


  • Sur le site de Bezonvaux, la présence de l'homme est certainement tardive, supposition qui ne peut être ni étayée ni contredite puisque aucune fouille n'y a jamais été effectuée. L'existence d'une « villa » dans une zone défrichée par les Gallo-Romains n'est qu'une hypothèse plausible. Si l'on s'en tient au raisonnement historique fondé sur des vestiges, il faut se contenter d'énoncer que ce village se situe dans une région où la présence humaine est ancienne et qui a connu un peuplement à différentes époques.
    Par exemple, sur un site localisé à Cumières, sur la rive gauche de la Meuse, distant d'une douzaine de kilomètres de Bezonvaux, l'habitat et la nécropole correspondant à une tribu vivant au début du néolithique sont découverts en 1877. L'inventeur en est Félix Lienard, conservateur du musée de Verdun, qui note toutes les caractéristiques physiques de ces ancêtres, en déduit leurs comportements et, grâce aux objets trouvés près de leurs restes, détermine leur façon de vivre. Sans entrer dans le détail de ces recherches, il semble probable que ces nomades déjà évolués, ayant creusé des abris dans le sable au bord du fleuve et également une fosse sépulcrale dans laquelle ils placent leurs morts, savent construire des radeaux. Ils peuvent traverser la Meuse à la recherche de gibier dans la forêt couvrant les Hauts-de-Meuse et ainsi chasser les derniers rennes, qui remontent vers le Nord en raison du réchauffement climatique.
    Autre exemple : plus tard, d'autres hommes, ceux de l'âge du fer, aménagent des tombes sous la forme de tumuli, à un jet de pierre de Montzéville, village situé à une quinzaine de kilomètres de Bezonvaux.
    Apparemment, il faut attendre le début de notre ère pour trouver dans les environs directs du site de Bezonvaux des traces humaines, celles correspondant à la civilisation gallo-romaine. Pour permettre les déplacements entre les grandes villes, des voies sont construites par l'occupant romain. L'une d'elle relie Senon, gros bourg gallo-romain, à Lochères, centre important de la Gaule occupée, situé près de la voie menant à Reims ; à hauteur de l'actuel lieu-dit Les Chambrettes, cette route croise celle venant de Marville. Un autel gaulois aurait été édifié près de ce qui fut le village d'Haumont. Ses anciens habitants racontaient qu'avant la Grande Guerre, il était possible d'en apercevoir les restes ; d'ailleurs, le musée de la Princerie de Verdun possède une statuette définie comme étant un objet de culte trouvé près de cet autel. Il est probable que les grandes invasions ont fait disparaître beaucoup de ce qui aurait pu constituer des indices matériels de la civilisation gallo-romaine. Cette disparition est imputable à d'autres actions. Par exemple, en 1775 Dom Cajot, un érudit verdunois, écrit que « la mémoire s'étoit maintenue à Verdun, d'un temple consacré aux Dieux Sylvains situé entre Douaumont et Damloup ». Or, quelques temps auparavant, des ouvriers effectuant des travaux à Douaumont, où est attestée l'existence d'un oppidum, mettent au jour une statue de Priape, dieu romain de la fécondité et de la fertilité, ainsi que quelques objets cultuels. Le curé de ce village, voulant faire disparaître un vestige rappelant un culte païen, ordonne leur destruction.
    Bien plus tard, en 1881, lors de la construction du fort de Vaux, des sépultures franques sont découvertes. On trouve des fibules, des plaques de ceinturons et plusieurs armes.


  • Bezonvaux trouve son origine dans le nom Bose, dérivé du germanique bôse (méchant). Cette étymologie conduit d'abord au souvenir d'un comte austrasien qui a vécu vers le milieu du Vie siècle : Gontrand Bose dit Boson. Celui-ci possède, entre autres, des territoires dans le Nord-Meusien, il est le conseiller du souverain franc régnant sur la Bourgogne : Gontran. Par ailleurs, il est l'ami d'Agericus, évêque de Verdun, connu sous le nom de saint Airy. Avec trois complices, Gontrand Bose trahit le roi Gontran et, en dépit de l'intercession de saint Airy, il est mis à mort.
    Trois cents ans plus tard apparaît la famille des Bosonides, une lignée issue des Bosons. A celle-ci appartient la reine Richilde décédée en 910 à Metz, seconde femme d'un petit-fils de Charlemagne, Charles le Chauve (823-877). Elle est la sœur de Richard le Justicier (mort en 921), dont un fils, Raoul (mort en 936), est duc de Bourgogne et roi de France (923-936) et un autre, Boson VII (mort en 935), est comte de Haute-Bourgogne et aussi abbé laïc de Moyenmoutier ainsi que de Remiremont. Ce dernier, allié tantôt au roi de France, tantôt à celui de Germanie, revendique des terres situées en Lôtharingie, dont il a hérité de sa tante. Il a aussi des griefs contre Dadon, l'évêque de Verdun : il le rend responsable de la bataille perdue le 13 août 900 sur la Meuse, face à des vassaux coalisés contre lui et soutenus par des prélats français ainsi que de la mort de son allié, le roi germain Zwentibolt. En 917, après avoir installé des troupes sur l'ancien oppidum gallo-romain de Douaumont, il attaque et incendie partiellement Verdun et sa cathédrale, détruisant toutes les archives, y compris le manuscrit du traité de 843. A cette époque, il fait construire un « manoir » sur le site de Bezonvaux, peut-être sur les ruines de la « villa » gallo-romaine, ce qui lui permet de quitter l'oppidum sans s'en éloigner. De là viendrait le nom de Bezonvaux : Bosonis villa (la villa de Boson), devenu Bosonval par croisement avec Bosonis vallis (le val de Boson) puis Besonval et enfin Bezonvaux.


  • Le nom de Bezonvaux apparaît pour la première fois en 1096 dans une bulle du pape Urbain II sous la forme « Bosonis-villa ». Dans ce document, le pape confirme la donation totale à l'abbaye bénédictine sise à Juvigny-sur-Loison de plusieurs territoires dont ceux de trois villages : Bezonvaux et ses dépendances (« Bosonis-villa cum appendiciis suis »), Beaumont et Douaumont. La propriété de ces territoires, attribuée initialement aux Bosons, puis partagée beaucoup plus tard par moitié entre cette communauté et le comte de Bar, est confisquée par le pape pour être transférée en entier à celle-ci, fondée en 874 par la reine Richilde.


  • La bulle d'Urbain II, mentionnée précédemment, étant devenue caduque, Douaumont, Bezonvaux et Beaumont repassent conjointement à l'abbaye de Juvigny et à un seigneur dont le fief se transmet ensuite successivement à d'autres. Sous la féodalité et l'Ancien Régime, Bezonvaux relève donc de deux autorités : l'abbesse de l'abbaye de Juvigny et les membres de familles nobles dont les prérogatives sur leur apanage sont matérialisées par l'existence d'une construction à but de résidence et de défense : un petit château ou une mifaison forte. Sont également attestés dans différents textes les noms d'occupants de cet édice, peut-être des vassaux des propriétaires. Pour compliquer cette répartition des biens et des droits, le moulin du village se retrouve partagé entre trois copropriétaires. Cette complexité parfois incompréhensible ne prendra fin qu'à la Révolution.

    L'opération à l'origine de la situation décrite ci-dessus se rattache initialement au mouvement d'émancipation qui commence avec l'abolition du servage demandée par l'église catholique et la vente de biens ou la cession de droits par des chevaliers obligés de réunir de fortes sommes pour partir en croisade. Dans la région, cela se traduit en 1182 par la mise en oeuvre d'un acte connu sous le nom de « Loi de Beaumont ». Il va être appliqué progressivement après entente entre les seigneurs et les autorités religieuses. C'est ainsi que, dans les archives de l'abbaye de Juvigny, se trouve une charte de 1252, signée par le comte de Bar Thiébaut II (1240-1297), le seigneur de Bezonvaux Thierry Cressant et l'abbesse de Juvigny. Elle est rédigée en français : c'est avec celle affranchissant Ornes (1251) un des premiers actes écrits dans cette langue, le latin étant utilisé jusqu'alors. Son texte mentionne notamment :

    « Je Thiebaus, Cuens de Bar fas conoisant a tos ke l'Abbasse de ly couens de Jevigny et Messire Thiery Cressons sunt acordei ... à moj de fore neuue ville a Douaumont, a Besonual et a Beaumont ».

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Page de Nécrologe de Saint-Paul

    Bezonvaux est ainsi affranchi de la tutelle qu'exerçaient sur lui ses copropriétaires : l'abbesse de Juvigny et le seigneur ; désormais, ceux-ci et les habitants du village qui ne sont plus des serfs ont des droits réciproques, à charge cependant pour ces derniers d'acquitter des impôts et des taxes. Quant au seigneur, outre son manoir (« Menoir a Besonual ») avec ses dépendances, il se réserve des « jours » (journaux) de terre, des prés et des bois ; il défend ses droits et intérêts ainsi que ceux de la « ville » (le village affranchi ou « neuue ville ») et des « bourgeois », perçoit des loyers pour le louage de biens, d'installations et de matériels, paie sa part de dimes et héberge en cas de besoin les « bourgeois » dans son petit château moyennant une redevance. Le territoire qui n'appartient ni à l'abbaye ni au seigneur est partagé entre les « bourgeois » et les serfs affranchis. C'est également de cette époque que remonte l'organisation municipale, avec un maire, des maires adjoints et des échevins. La fin de la charte porte la formule suivante :

    « Et par ke ces choces soient fermes et estaubles je signe ces lettres de mon sael, et donei à l'Abbasse et au couent deuant dite ; ky furent fectes en l'an lj milliares courrait par Mil ans et cc et cinquante clous ans, au mos d'Aoust ».

    Le premier coseigneur de Bezonvaux attesté à côté de l'abbesse de Juvigny est donc Thierry Cressant. Sous la forme « Thierici ... Crissant de Besonval », il est mentionné dans le « Nécrologe de Saint-Paul » rédigé par les moines de l'abbaye Saint-Paul de Verdun à la date du 21 janvier 1271, jour de la mort de l'intéressé. En effet, celui-ci est inhumé dans leur imposante église conventuelle, « la Vieille Saint-Paul », où une des chapelles latérales est réservée aux seigneurs de Bezonvaux. En 1552, les bâtiments conventuels dont l'église, construits en dehors de l'enceinte fortifiée de Verdun, sont démolis sur ordre d'Henri II, dans le cadre des précautions prises en vue d'un éventuel siège par l'armée impériale (l'emplacement de « la Vieille Saint-Paul » est localisable grâce à une plaque apposée contre le mur d'enceinte du lycée Vauban, à l'angle nord-est de la rue des Cosaques).

    Entre-temps, Bezonvaux est le chef-lieu d'une prévôté dépendant de l'abbaye de Juvigny, mais aussi du comte de Bar puisque le village est indus dans le Barrois non mouvant (partie de ce comté ne relevant pas de la suzeraineté du roi de France). La seigneurie de Bezonvaux est encore attestée par un épisode d'un de ces conflits marquant l'histoire agitée de Verdun : les « Archives de la noblesse », ont conservé pour 1309 le souvenir des frères Hue et Thierry, écuyers de Bezonvaux, qui ravagent les environs de Verdun. Poursuivis par les citadins de celle-ci, ils se réfugient dans la maison forte d'Ornes où ils sont capturés. Ils sont remis en liberté après qu'ils aient juré de cesser leurs brigandages et de ne pas exercer de représailles.

    Il faut arriver aux XV-XVI éme siècles pour trouver une autre trace notable de Bezonvaux à travers l'histoire de la famille de Triconville. Au début du XV siècle, Jean de Triconville épouse Henriette de Bezonvaux. De leur union naît vers 1512 Henry de Triconville, qui se marie avec Jeanneton de Nonencourt, laquelle donne ensuite naissance à un enfant, également appelé Jean. En 1582, celui-ci, époux d'Anne de Vicrange, rachète à plusieurs particuliers une partie de son fief, y compris le petit château (ou la maison forte) connu sous l'appellation de Tour de Bezonvaux, avec ses bâtiments et dépendances. A propos de ce Jean de Triconville, lieutenant du comte de Salm, écuyer demeurant à « Besonval », l'« Etude de la Criminalité en Lorraine » relate un événement le concernant. Le 16 février 1561, il part avec sa femme pour aller voir sa fille au monastère de Marienthal. Il dîne à Petit-Failly ; puis « ayant mis sa famille en chariot », il s'apprête à monter à cheval quand arrive un nommé Gérard Channy, habitant le Chesne-Pouilleux, qui le provoque à l'épée. Celle de Triconville étant dans le chariot, celui-ci prend le pistolet pendu à l'arçon de sa selle et invite Channy à le laisser passer ; a mais se voyant chargé à grand coup d'épée », il recule jusqu'à la porte de la cuisine et finit par faire feu. Channy est tué sur place et Triconville s'empresse de s'enfuir. Plus tard, à sa requête, il est autorisé à revenir dans le Barrois. On retrouve sa trace en 1588 : le 25 avril de cette année, il signe une déclaration 1S qu'il adresse à Charles, « grand duc de Lorraine ». Il y sollicite une aide pour couvrir les dépenses engagées dans la guerre contre les ennemis de la sainte foy en religion catholique qui nous menacent ... journellement ». Charles propose un arrangement qui permet au demandeur de bénéficier de nouveaux droits, donc de nouvelles rentrées d'argent. L'affaire est relatée en 1757 par Dom Calmet clans sa « Notice de la Lorraine » :

    « La seigneurie de Bezonvaux, avec celle de Beaumont Et Douaumont, était anciennement du domaine des ducs de Lorraine. Le grand-duc Charles en vendit un tiers en toute propriété, Et engagea les deux autres tiers, à faculté de rachat, à Jean de Triconville, ne s'en réservant que les droits de fief, de ressort Et de souveraineté Et de garde au château de Saulecy. Les lettres patentes sont du 27 avril 1588. ... septembre 1589. Et 4 avril 1591. Les Dames de Juvigny revendiquerent un tiers dans cette seigneurie, qui leur fut adjugé par une sentence du baillage de S. Mihiel, du 5 mars 1590. Le duc Charles, pour indemniser Jean de Triconville, lui assigna une rente de 31.5 francs sur la recette de Saulcy. Ces trois villages qui auparavant étaient de la châtellenie de Saulcy, en furent en même temps distraits, et mis en la châtellenie d'Etain au mois de septembre 1589 ».

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Plan de l'église conventuelle de Verdun appelée " La vieille Saint-Paul ", avec l'emplacement de la chapelle des seigneurs de Bezonvaux.


    Dans le même paragraphe traitant de Bezonvaux, Dom Calmet mentionne le lien existant entre ce village et Etain : 

    « Bezonvaux, Bezonis-Villa, village du diocèse de Verdun à deux lieux d'Etain, aujourd'hui annexe de Beaumont Saint-Gilles est le patron de la paroisse, c'était autrefois la mère-église ; mais du temps de M. de Béthune, évêque de Verdun, Beaumont a été érigé en cure, comme étant un lieu plus peuplé. Bezonvaux est le chef-lieu de la prévôté de ce nom, du baillage d'Etain, cour souveraine de Lorraine ».

    Cette évocation permet de retrouver Jean de Triconville qui devient prévôt de cette bourgade en 1591 : il obtient la garde des portes de l'enceinte, commande les six escouades de la milice communale et fait creuser des fossés. De son mariage avec Anne de Vicrange, l'intéressé n'a qu'une fille, « Louyfe de Triconville, heritiere de Befonuaulx, mariée à Nicolas Colore de Linden ». Faute d'héritier mâle et de transmission du nom, la famille de Triconville disparaît au Mille siècle.
    Derrière elle apparaissent les noms de Didier de Champion (1655), Bernard Bouvette (1661) et François Hezelin (1668), écuyers résidant à Bezonvaux.

    Arrivent alors les barons de Coussey et Dom Calmet poursuit ainsi son paragraphe relatif à Bezonvaux :

    « Les seigneurs sont M. le baron de Coussey et les Dames de l'abbaye de Juvigny. On y compte environ 30 habitants ».

    La lignée des de Coussey remonte à un seigneur portant le nom d'Apte et originaire du royaume de Bohème. Il s'attache au service du duc de Lorraine Charles III en 1585 et prend le nom de Jean Labbé. Il est définitivement reconnu gentilhomme en 1612. Ses descendants sont très appréciés par les ducs de Lorraine et obtiennent de hautes fonctions dans le duché. Claude-François Labbé, né en 1694 et portant le titre de comte de Coussey, est récompensé par un autre fief : il reçoit la seigneurie de Bezonvaux. On sait qu'après avoir terminé ses études de droit à l'université de Pont-à-Mousson, il est d'abord nommé conseiller honoraire au baillage de Nancy en 1719. Il devient plus tard secrétaire d'Etat du duc de Lorraine Français ill. En 1723, il épouse Marie-Anne Boucler, dont le père, portant le titre de baron, est un haut magistrat. Il est probable que les habitants de Bezonvaux n'ont jamais aperçu le comte de Coussey dans leur village, car cette noblesse de robe fréquentant la cour de Lorraine n'a certainement aucune raison de se rendre à Bezonvaux. Sans doute n'était-ce pas le cas de certains habitants de Coussey. Si l'on se réfère à une tradition qui s'est longtemps transmise dans cette localité, les mères d'enfants peu sages les menaçaient de les envoyer à Bezonvaux. Peut-être des hommes de confiance d'un des barons ou des domestiques avaient-ils gardé un mauvais souvenir d'un séjour dans ce village meusien.
    Les avant-derniers coseigneurs de Bezonvaux appartiennent à la lignée des de Cognon. On y trouve successivement Jean Cognon, bourgeois de Verdun anobli en 1617, Geoffroy de Cognon, né en 1611, écuyer, François de Cognon, maintenu noble en 1697 et Henri de Cognon, enfin les avant-derniers coseigneurs de Bezonvaux : François de Cognon, écuyer, seigneur d'Haraucourt (dont la présence est attestée à Bezonvaux en 1740 par un incident dont il est l'acteur et qui est rapporté ci-après) et son fils François Henri de Cognon, écuyer, seigneur d'Haraucourt. Le dernier propriétaire est le comte Victor de Vergnette d'Alban, marié à Antoinette Labbé de Coussey (fille de Claude¬François Labbé de Coussey). En 1788, le comte Victor de Vergnette «a donné la place devant de château (de Bezonvaux) à vie pour que la jeunesse ait un endroit pour des jeux et des réjouissances ». Major de la cornette blanche puis lieutenant-colonel dans la même unité (régiment du colonel général de cavalerie), il choisit d'émigrer à une date ignorée (de manière certaine, après juin 1790) et, en septembre 1792, on le retrouve au siège de Verdun. Au cours de cette opération, il est reçu plusieurs fois au château d'Ornes par Nicolas Coppin qui en est l'admodiateur, lequel accueille aussi dans les mêmes circonstances un autre émigré, son beau-frère Jacques Toussaint, ancien officier des hussards de Lauzun. Ces contacts valent ultérieurement à Coppin des ennuis avec les autorités, ce qui hâte sans doute sa mort.

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Le château de Bezonvaux au XVIIe siècle : aspect probable reconstitué d'après différentes attestations (dessin de G. Hincourt )