• Août 1914 : Bezonvaux entre dans la guerre

    Le 2 août, le 44ème régiment d'infanterie territoriale (44e R.I.T.)  est mobilisé à la caserne Miribel à Verdun, occupée en temps de paix par le 151ème régiment d'infanterie (151ème R.I.). Parmi ceux qui rejoignent ce régiment se trouve André Maginot, député de la Meuse, ancien sous-secrétaire d'Etat à la Guerre et futur ministre : il y a été affecté avec son grade (soldat de 2ème classe) à sa demande. Arrivé à Verdun ce jour-là, il se présente à son unité le lendemain. Le 3, les compagnies 1 à 6, après avoir été habillées rapidement, sont envoyées à Bras et Douaumont. Cinq autres suivent de près et sont portées à Douaumont également ainsi qu'à Fleury-devant-Douaumont. La mise sur pied de la 12 compagnie n'est pas connue.
    Le 44ème R.I.T., à l'effectif d'environ 3 000 hommes, occupe et surveille un secteur qui va de la Meuse à Damloup, en incluant les forts de Vaux et Douaumont. La mission impose donc une dispersion des 12 compagnies : les hommes bivouaquent dans les bois de Saint-Pierremont (en face de la côte de Louvemont), Albin et Chauffour, des ravins (notamment celui des carrières d'Haudromont), ou cantonnent dans les villages de Douaumont et Vaux (y compris dans le cimetière au sud de cette localité transformé en point d'appui), dans les forts de Douaumont et Vaux, les ouvrages de Thiaumont et de La Laufée ainsi que la batterie de Damloup. Le poste de commandement (P.C.) du régiment est au fort de Douaumont.
    Entre-temps, des détachements de militaires en tenue de campagne traversent la commune. Ce sont des unités de couverture qui vont prendre position vers la frontière. Le village connaît d'autres mouvements de troupes en raison de la mise en place, le 6, de la 16ème  brigade qui renforce la 87ème sur une ligne de défense Damvillers-Ornes, alors que la III armée débarque dans les gares de Consenvoye et Charny. Le 14ème régiment de hussards, arrivé à Damvillers également le 6 et cantonné le 10 à Azannes, patrouille dans le secteur. Pendant ce temps, la main d'oeuvre disponible vieillards, hommes non mobilisés, femmes, enfants continue péniblement de faire la moisson.
    Le 11, André Maginot quitte le quartier Miribel au sein d'un détachement commandé par un capitaine et rejoignant le reste du 44ème R.I.T. Quelques jours plus tard, c'est-à-dire vers la mi-août, il fait partie d'une compagnie de ce régiment envoyée de Douaumont sur un point haut dominant la Woëvre, entre le ravin d'Hassoule et le Fond du Loup, pour s'y mettre en position. Maginot témoigne ainsi dans ses « Carnets de patrouille » :

    "Le boqueteau :
    Le boqueteau est un petit plateau d'une centaine de mètres carrés, couronné par un bouquet d'arbres. De là son nom. 11 est en bordure du chemin conduisant de Douaumont à Bezonvaux. Dominant la plaine qu'encerclent les Hauts-de-Meuse, la position constitue un observatoire d'où la vue embrasse tout le pays meusien à trente kilomètres à la ronde. Panorama grandiose qui s'étend presque jusqu'à la frontière et dans lequel on aperçoit Maucourt et Mogeville, les environs d'Etain puis Amel, Orne, et Senon qui surgissent de la Woëvre par les temps clairs, la forêt de Spincourt et, derrière, dans le lointain, la masse sombre des bois qui se dessine dans la direction de Bil!y et de Mangiennes".

    Cette compagnie est chargée de mettre en état de défense, dans le délai d'une semaine, l'emplacement qu'elle occupe, au cas où, obligées d'évacuer la plaine, les unités françaises auraient besoin de se retrancher sur les hauteurs et de barrer la route aux Allemands. La même mission est confiée à d'autres formations, par exemple le 164ème R.I. et le 3ème bataillon du 36ème  R.LT. (3ème/36ème R.I.T.). Ce bataillon, arrivé à Verdun le 7 août en étant détaché d'un régiment territorial étranger au camp retranché, participe aux travaux de mise en défense de celui-ci : ses 11ème et 12ème compagnies s'installent dans le sous-secteur Douaumont-Hardaumont-Vaux, tandis que les 9e et 10e sont dans celui de Tavannes. Le 164ème  R.I., venu de Verdun qui est sa garnison, réalise des travaux d'organisation du terrain entre le 8 et le 25 : le 1er bataillon sur la hauteur d'Hardaumont avec une compagnie près de Bezonvaux, le 2ème réparti entre la ferme de Dicourt, celle de Bourvaux, Damloup et la tête du ravin de Vaux, le 3ème dans les baraquements de Souville plus une compagnie au fort de Douaumont.
    Pour revenir à l'élément aménageant le « boqueteau », il doit d'abord s'occuper de son installation, car rien n'a été prévu dans ce but. A l'aide de paille et de pieux, les hommes construisent des gourbis où, à défaut de confort, ils espèrent au moins trouver un abri suffisant contre la fraîcheur nocturne et les intempéries. Maginot se loge, avec deux autres députés mobilisés, Chevillon et Abrami, dans une hutte à proximité de celle du capitaine. Cette hutte, un cuisinier l'a appelée le « Palais Bourbon » et a collé, sur ce qui lui sert de porte, un écriteau portant cette indication.
    Au « boqueteau », le 22 août, Maginot est le témoin d'un spectacle poignant. II voit passer, venant de la direction de Bezonvaux, les populations qui fuient la partie envahie de la Woëvre. Quelques heures après, il assiste au défilé d'une théorie interminable de blessés légers, de pauvres diables aux visages douloureux et livides, aux têtes bandées, aux bras en écharpe, s'appuyant sur la crosse de leur fusil en guise de béquilles, ainsi que des chariots réquisitionnés et transportant d'autres blessés. A la même époque, la 67ème D.I. effectue un mouvement offensif vers Senon et Amel, en particulier le 24 ; elle combat vers Eton et la ferme de Longeau, puis se replie dans la région de Bezonvaux d'où elle part pour Haudainville et Les Paroches.