• Automne 1914-1915 : Bezonvaux dans la 2ème position

    L'action de Maginot et les rapports qu'il rédige amènent le commandement à faire occuper Bezonvaux plus solidement, d'abord par le 44 R.I.T. puis le 164 R.I. Car, à la fin de l'été 1914, les agglomérations voisines, c'est-à-dire Maucourt, Mogeville et Ornes, passent tour à tour entre les mains françaises et allemandes. Les patrouilles adverses se rencontrent dans ces villages ainsi que dans Dieppe-sous-Douaumont, Gincrey, Morgemoulin, Foameix, Fromezey. Il est vrai que le morceau de Woëvre, enserré par la grande forêt de Spincourt, l'étang d'Amel, les bois d'Herméville, les Jumelles d'Ornes et le pied des Hauts-de-Meuse, est propice à la guerre de guérilla.

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Bezonvaux (1915) : Le Ratentout (partie sud-est du village) ; la maison des parents des parents d'Emélie Peltier, épouse de Lousi Collin ; la construction est endommagée par les éclats d'obus.


    Dans le courant d'octobre, plus souvent présents à Ornes que le mois précédent, les Allemands poussent de là des patrouilles noctures vers le Haut de la Goulette et Bezonvaux, jusqu'à l'occupation d'Ornes par deux compagnies du 3/164 R.I. Le 21, ce régiment est envoyé se mettre en place non loin de Bezonvaux : le 22, continuant d'occuper Ornes, il s'installe sur le plateau des Caurrières et le bois de Chaume.
    Le front étant stabilisé, les Français améliorent leur organisation défensive dans les environs de Bezonvaux. Le 6 novembre, le 365 R.I., guidé par le sergent Maginot et ses éclaireurs, s'empare du bois de Maucourt ainsi que des villages de Maucourt et Mogeville ; les Allemands prononcent deux contre-attaques : une sur le bois de Maucourt qu'ils reperdent, et une sur Maucourt ; celle-ci leur cause des pertes (30 prisonniers et plus de 30 tués). Le 10, un bataillon du 164e R.I. s'installe définitivement à Ornes et l'organise. Bezonvaux se trouve alors en arrière des premières lignes qui courent de la région d'Ornes vers Gincrey, Morgemoulin et Fromezey. Bezonvaux sans doute réoccupé par quelques habitants est un lieu de cantonnement pour des unités françaises, notamment en novembre-décembre lorsque le 365 R.I. est engagé à Maucourt et Mogeville puis devant Ornes. Entre-temps, deux soldats du 44e R.I.T. sont morts à Bezonvaux dans des circonstances ignorées : E. Putiot de la 6 compagnie le 1 octobre et P-F. Clausse de la 5 le 3 décembre.
    A la fin de l'automne, le front français sur la rive droite de la Meuse suit le tracé Brabant-sur-Meuse - Flabas (exclu) - bois des Caures - Ornes - Maucourt - Fromezey - Boinville - Hennemont, Marcheville (exclu) et Champion où il se raccorde avec les Eparges. Ce tracé correspond à la lère position. En arrière de ce front, le terrain tourmenté et coupé d'épaisses parties boisées présente quatre séries d'obstacles que les Allemands devraient enlever avant d'atteindre Verdun :

    1° la ligne allant de Samogneux à Bezonvaux, à travers le bois des Fosses ainsi que le bois de Chaume, et constituant la 2 position ;
    2° celle qui passe par la côte du Talou, la côte du Poivre, Louvemont, Douaumont, Vaux ;
    3° celle qui court par la côte de Froideterre, l'ouvrage de Thiaumont, Fleury ainsi que les forts de Souville et Tavannes ;
    4° la croupe occupée par les forts de Belleville et Saint-Michel.

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Bezonvaux (1915) : la Grande Rue entre l'église et la mairie, à l'est du "château", photographiée de l'Ouest vers l'Est ; au centre l'escalier conduisant à l'église ; à gauche le ruisseau

    Au cours de l'année 1915, rien de spécial n'est attesté à Bezonvaux sur le plan militaire puisqu'il se trouve dans la 2 position. A partir d'avril, des éléments du 365 R.I. y sont présents alors que ce régiment occupe le secteur de Maucourt. En août, c'est le 45 R.I.T. qu'on y voit : le 25 de ce mois, deux bataillons de cette unité et un de Gardes des Voies de Communication (G.V.C.), constituant le 1 régiment de marche intégré à la 107 brigade (107 Br.), entrent dans le secteur Mogeville - Maucourt - Bezonvaux où ils relèvent des troupes de la 72 division d'infanterie (72 Di) 2. Un mois environ après, le bataillon de G.V.C. est retiré. Le 19 septembre, le 3/36 RIT., rattaché au 44 R.I.T. depuis le 29 décembre 1914 et formant avec lui le 2 régiment de marche, est transféré au 1 régiment de marche qui prend le secteur bois de Chaume-Bezonvaux ; le 4 octobre, il est déplacé pour concourir à la défense éventuelle de l'Herbebois ; le 11 décembre, il passe à la 212 Br.T. en rejoignant les deux bataillons du 45 R.I.T.: son arrivée à Fleury (état-major, 2 compagnies) et Vaux (2 compagnies) entraîne quelques modifications dans le stationnement des compagnies de réserve de ce régiment, lesquelles sont portées à Dieppe et Bezonvaux. Dans celui-ci, le 3/136 R.I.T. positionne également une section de mitrailleuses et un détachement de pionniers d'infanterie.

    Depuis le 25 août 1914, la ligne de chemin de fer à voie métrique Montmédy-Verdun, qui traverse la commune, est fermée ; personnels et matériels sont regroupés à Verdun (il en est de même pour la ligne Verdun-Commercy, avec un repli sur cette ville). Dans l'automne suivant, après la stabilisation du front devant Ornes, Maucourt et Dieppe, l'exploitation reprend sur la section Verdun-Vaux-Bezonvaux (de même qu'elle redevient possible de Vaux à Eix et même jusqu'à Fresnes-en-Woëvre). Toutefois, Ornes à partir de Bezonvaux est devenu inaccessible. La Société Générale des Chemins de Fer Economiques reste concessionnaire jusqu'au 28 novembre 1914, date à laquelle elle passe la main aux militaires (la 10 section des chemins de fer de campagne renforcée par des éléments du génie). Le trafic permet de ravitailler les troupes occupant la Woëvre. Sur le tronçon Verdun-Vaux et au-delà vers le Nord jusqu'à la hauteur du bois du Grand Chénas (en limite sud-est de la commune de Bezonvaux), la voie est aménagée pour le déplacement de matériels d'artillerie lourde sur voie ferrée (A.L.V.F.). Les travaux correspondants ont lieu du 15 janvier au 10 février 1915 ; la voie métrique est transformée par la pose d'un troisième rail sur des traverses utilisées pour la voie normale. A hauteur du Grand Chénas est construit un embranchement qui s'enfonce dans ce bois et aboutit à un épi à deux positions. Elles sont utilisées par une batterie de 200 mm A.L.V.F. (repliée peu avant l'offensive allemande, elle sera ensuite employée sur la rive gauche de la Meuse). Elle est composée de deux obusiers de 200 mm avec affûts tous azimuths Schneider, prévus pour circuler sur voie ferrée à écartement normal. Commandés par le Pérou, terminés en 1910 et non livrés en 1914, ils sont réquisitionnés. Leur portée est de 8 500 à 10 500 mètres et ils ont pour objectifs des positions occupées par des 21 cm. Précautionneusement, ils sont amenés à double traction sur leurs emplacements : ils sont tirés par de puissantes machines à 4 essieux provenant du réseau breton qui roulent sur les rails à écartement de 1 m, alors que le convoi progresse sur la voie à écartement de 1,44 m. L'embranchement du Grand Chénas a peut-être été prolongé jusque dans le bois du Petit Chénas, puisqu'en septembre 1915 un emplacement de pièce d'A.L.V.F. (un 305 mm ST-CH), destinée à exécuter des contre-batteries contre le 38 cm du bois de Warphemont distant de 16 900 mètres, y est à l'étude.

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    La voie ferrée métrique aménagée depuis Verdun et poussée jusqu'au Grand Chénas, avec l'épi de tir de ce bois.