• Bezonvaux et ses habitants jusqu'a l'évacuation definitive

    A l'été 1914, avec la menace que constitue l'arrivée des envahisseurs, une partie des habitants de Bezonvaux quitte le village. Ceux-ci ont vu passer les fuyards venant des agglomérations de la Woëvre et, quelques semaines plus tard, apprennent le sort de leurs voisins d'Ornes. Par cette évacuation volontaire, ils pensent éviter les mauvais traitements que réserve parfois l'armée allemande à la population des localités qu'elle occupe.Il n'existe aucune information sur ces départs. Les premiers ont dû s'effectuer assez tôt puisque, officiellement, la date de suspension des services administratifs de Bezonvaux est le 15 août 1914. De ces replis vers l'intérieur du pays dans la Meuse ou plus loin, il est loisible de donner trois exemple . La famille Vigneront est signalée à Bar-le-Duc où, le 8 septembre suivant, est attesté le décès de Gaston, âgé de 9 ans et natif de Bezonvaux, fils d'Eugène le maréchal-ferrant et de Margueritte Marchal. Il y a aussi la petite Germaine née en 1913 (le dernier enfant venu au monde avant la guerre). Son père, Paul Marchai, est mobilisé et sa mère, enceinte de 7 mois, abandonne son domicile en août sur un chariot tiré par deux chevaux. La grand-mère est du voyage. L'attelage va jusqu'à Naives-devant-Bar où la famille s'installe pour la durée de la guerre. Paul Marchal, soldat au 120 RIT., sera tué le 8 avril 1916 au bois des Chevaliers (est de Lacroix-sur-Meuse). Pour ne pas dépendre que des aides, sa veuve acceptera l'offre d'un marchand de vin en gros, originaire de Mangiennes, qui a un commerce à Bar-le-Duc ; elle transportera des tonneaux pour les cafés de cette ville et les cantines militaires. Troisième exemple : sans doute dès l'été ou l'automne 1914, une partie de la famille Lahaye s'établit à Dugny où meurt Nicolas, âgé de 72 ans, ancien tisserand, le Pr janvier 1916.En septembre 1914, Bezonvaux doit être désert car Maginot ne fait aucunement mention de la présence de civils dans ses « Carnets de patrouille ». Pourtant, il y a encore des habitants : essayant de survivre dans leurs maisons, ils sont là parce que leurs moyens ne leur permettent pas de vivre ailleurs ou bien ils souhaitent surveiller leurs biens. Ils resteront d'ailleurs jusqu'à l'évacuation définitive de février 1916. Parmi eux figurent Auguste Trouslard, Charles Marchai âgé de 62 ans et Claude Marchal, tous les trois cultivateurs. Un décès est attesté le 11 septembre, celui de Madame Vve Marie Simon, née à Vaux, domiciliée à Bezonvaux et morte à 85 ans. Les témoins, qui déclarent ce décès à Jules Léonard (conseiller municipal, officier d'état-civil par délégation du maire), sont Emile Dupuis, 54 ans, manoeuvre, gendre de la défunte, et Jean-Louis Melkior, 63 ans, manoeuvre. Un peu plus tard, un autre civil séjourne à Bezonvaux : le garde-champêtre d'Ornes. En effet, à la suite d'un accrochage avec les 56 et 59e bataillons de chasseurs à pied (B.C.P.), qui leur a coûté une dizaine de morts, les Allemands ont enlevé comme otages la majeure partie des habitants d'Ornes qui étaient restés jusqu'alors ; cet épisode se situe sans doute le 9 octobre au soir ; le reste de la population s'est réfugié à Verdun, à l'exception du garde-champêtre qui demeure avec les patrouilleurs de Maginot à Bezonvaux.

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Les frères Marchal, peut-être en 1915 : à gauche Auguste né en 1882 à Ornes, cultivateur à Bezonvaux, soldat au 19e B.C.P, mort le 29 juin à la Laufée ( secteur de Tavannes à lest de Verdun) ; à droite Paul, né en 1877 à Ornes, cultivateur à Bezonvaux, soldat au 120e R.I.T, mort le 9 avril 1916 au bois des Chevaliers ( est de Lacroix-Sur-Meuse )


    A partir des premiers départs d'août 1914, le maire, Pierre Savion, n'est apparemment pas présent au village : il a dû le quitter entre le 9 (date de la dernière pièce qu'il signe) et le 15 (date de cessation des services administratifs). Dorénavant, les actes sont émargés par deux conseillers municipaux : Auguste Trouslard et Jules Léonard. Le 26 septembre, Emile Richard, né en 1865 à Mangiennes, instituteur de la commune et secrétaire de mairie à temps partiel, demande au sous-préfet de Verdun qu'une délégation en vue de régler les affaires locales soit donnée à un des conseillers municipaux restés au village : il cite Auguste Trouslard et Charles Marchal, en précisant que le premier a obtenu plus de voix que le second aux dernières élections municipales ; sa correspondance ne mentionne pas Jules Léonard. Le sous-préfet, reprenant les arguments présentés, transmet la requête au préfet de la Meuse qui, le 29, délègue provisoirement Auguste Trouslard dans les fonctions de maire.

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Félicie Remoiville, veuve de Paul Marchal, dans les années d'après-guerre.


    La présence de ces civils derrière le front n'est pas sans risques. Ainsi, Emile Richard est frappé le 3 janvier par les éclats d'un obus qui tombe dans la rue, alors qu'il sort de la mairie (il succombe à ses blessures le jour même) ; un jeune homme, Maurice Léonard, a failli être atteint par le même projectile alors que lui s'y rend pour effectuer les démarches afférentes au recensement des jeunes appartenant à la classe 1915.Un autre habitant est mortellement touché par un obus le 15 mai : Emile Dupuis, né en 1860 à Douaumont et déclaré comme journalier. Il est porté à son domicile, mais ses lésions sont graves et il meurt. Son fils Justin, âgé de 12 ans et natif de Bezonvaux, a été blessé par le même projectile. Il est évacué par les soins de l'autorité militaire sur un hôpital de Verdun et fait l'objet, de la part d'Auguste Trouslard, d'une requête de placement à l'Assistance publique (il décédera à Bar-le-Duc en 1921). Au milieu de ces tristes événements, la vie continue : une naissance est enregistrée, celle d'Emilienne Féry, fille de Prosper Féry on ignore si celui-ci était présent au moment de l'accouchement et d'Herménie Pultier son épouse, domiciliée au village au moment de la naissance.

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Madame Germaine Marchal-Péridon, fille de Paul marchal et de Félicie Remoiville. Née à Bezonvaux et y ayant habité jusqu'à la première évacuation, elle est actuellement la dernière native du village encore vivante.

     Devant la menace allemande qui se précise au début de 1916, l'évacuation de la population habitant la région nord-ouest/nord-est de Verdun est décidée par les autorités civiles et militaires. Les derniers habitants de Bezonvaux quittent leurs maisons à une date inconnue : pour certains villages proches des lignes, l'opération est attestée le 12 février. En tout état de cause, le premier convoi de réfugiés quitte la gare de Verdun le 11 au soir.

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Maurice Léonard, né en Bezonvaux en 1895 et recensé au village den 1915 en vue d'être mobilisé, est incorporé cette année-là au 165e R.I. Blessé au genou et versé au 32e R.A.C, il participe à la reprise du fort de Douaumont le 24 octobre 1916. Décoré de la Croix de guerre, la citation de l'ordre du régiment, qu'il obtient à la date du 7 septembre 1918, a le libellé suivant : " Jeune conducteur d'un dévouement et d'une bravoure remarquables, a exécuté dans des circonstances critiques à Verdun, au chemin des Dames, dans la Somme, de nombreux ravitaillements de jour et de nuit. Vient encore de se signaler pendant les attaques des 18,19 juillet, et des 1,20 et 22 août 1918 en faisant preuve du plus bel entrain et de la plus grande endurance dans des moments particulièrement difficiles." Beaucoup plus tard, à la vieille de  ses cent ans, il est décoré de la Légion d'honneur. Il est décédé à l'âge de 101 ans .