• Bezonvaux : un rôle important du côté allemand

    Après la conquête du territoire de la commune, les combats se sont éloignés vers le Sud (village de Vaux et pentes nord du fort de Vaux) et l'Ouest (Douaumont, La Caillette). Au début de mars, Bezonvaux et ses environs se retrouvent largement derrière les premières lignes allemandes. Jusqu'à sa reprise par les Français à la fin de l'année, cette zone n'est plus directement concernée par les affrontements, même si elle n'est pas épargnée par les bombardements qui occasionnent des pertes en hommes et en matériels. La voie métrique d'intérêt local qui passe à l'est de Bezonvaux, la localité, les camps des environs, le bois de Maucourt et la ferme de Méraucourt reçoivent constamment des obus. Toute cette région, qui s'anime en particulier la nuit, constitue un point de passage important entre la hauteur des Caurrières et le massif d'Hardaumont, face à la Woëvre ; il s'ouvre sur le Fond des Rousses (qui donne accès au ravin d'Hassoule) et le Fond du Loup. Cette région joue aussi un rôle important à deux titres : la logistique (avec l'aboutissement de voies de chemins de fer, le ravitaillement en eau, en boissons chaudes et en repas, le traitement et l'évacuation des blessés, la mise en place de dépôts, etc.), le soutien (par le stationnement des réserves et l'appui par l'artillerie : les batteries sont positionnées essentiellement aux alentours de la ferme de Méraucourt et dans les ravins autour de Bezonvaux).
    Cette agglomération est donc traversée par les troupes qui montent en ligne dans le secteur de Vaux (village et fort) ou dans celui situé au sud ou au sud-ouest du fort de Douaumont. Le trajet habituel s'effectue d'abord par les Jumelles d'Ornes ou leurs parages et Ornes. Ensuite, par exemple pour la 21.R.D. dans l'été 1916, un des chemins de relève passe par l'ouvrage de Bezonvaux, en traversant la route Ornes-Vaux vers la ferme de Méraucourt. En mars, cette route ainsi que celle qui vient de Maucourt sont en mauvais état ; leurs chaussées sont crevées par de nombreux cratères : les ambulances automobiles sont trop lourdes et pas adaptées pour y circuler ; seules les ambulances hippomobiles ont quelque chance d'accéder jusqu'à Bezonvaux et d'en revenir. A cette époque, la localité est déjà très endommagée et des obus continuent de tomber sur les ruines. Au delà, dans la direction de Damloup, la route offre un spectacle étonnant : il y a des cadavres d'hommes et de chevaux, des chariots endommagés, des caisses ou des corbeilles de munitions, des projectiles épars, des rouleaux de fils de fer, et bien d'autres choses encore. Par ce même axe arrivent d'Azannes par Ornes des colonnes amenant des projectiles de lance-mines (Minenwerfer) qui sont stockés dans un dépôt constitué au sud-ouest de Bezonvaux. Son existence est attestée en mars par le 3e bataillon du génie , dont quatre compagnies sont engagées au nord-est de Verdun. Des centaines d'hommes, fantassins et cavaliers, viennent y chercher des munitions de légers et moyens calibres ; ils les acheminent ensuite vers le fort de Douaumont (notamment pour les quatre Minenwerfer qui y sont positionnés), veillant à observer de larges intervalles entre eux : en effet, les pertes sont importantes parmi ces porteurs sur la voie qu'ils empruntent et appellent le « chemin de la mort » (Todesweg).
    Bezonvaux se trouve à la jonction du transport des blessés sur des brancards avec des moyens hippomobiles ou ferrés. Une piste part du bois Fumin, passe par Hardaumont et aboutit à l'ouvrage de Bezonvaux jusqu'où peuvent parfois venir, à partir du village, les ambulances hippomobiles : appartenant aux compagnies sanitaires rattachées aux divisions, elles emmènent les blessés jusqu'aux postes de secours principaux. Une autre piste part du secteur de Fleury, passe par le ravin de la Fausse-Côte ou le fort de Douaumont et aboutit à la lisière ouest de Bezonvaux : cet itinéraire, partiellement utilisé par les détachements de porteurs, est appelé à partir de mai le « chemin des brancardiers » (Krankentràgerweg) ; en octobre, il devient le « chemin neutre » (Neutraler Weg), parce qu'il est arrivé que l'artillerie française ne le bombarde pas le matin de bonne heure, permettant les évacuations sanitaires sans que les brancardiers aient besoin de se dissimuler. Les blessés sont chargés soit dans des ambulances, soit sur les wagons circulant sur des voies ferrées.
    En ce qui concerne celles-ci, aucune parvient directement à Bezonvaux. A l'est du village et le contournant se trouve encore le tracé de l'ancienne voie métrique d'intérêt local reliant Verdun à Montmédy. De cette ville, elle est utilisée par les Allemands, depuis le début de 1915, jusqu'à Damvillers et, de manière aléatoire, Azannes, voire après février jusqu'au sud d'Ornes, jusqu'à une halte portant le nom de code de « Cameroun » (Kamerun). Elle sert à acheminer des munitions jusqu'à celle-ci d'où l'appellation de « voie des munitions » (Munitionsbahn) qui lui est donnée par certaines unités, les blessés étant chargés à Azannes. Un peu au nord de l'agglomération, après avoir traversé la route Ornes-Bezonvaux, court une voie de 0,60 m se dirigeant vers l'Ouest, poussée jusque là en mars : elle se divise alors en une sorte d'épi comprenant quatre tronçons : un se dirigeant jusqu'à l'entrée du Fond du Loup, un s'arrêtant sur la pente entre ce ravin et celui d'Hassoule, un se terminant à l'entrée de ce dernier ravin et le dernier s'enfonçant jusque dans le Fond des Rousses. En mai, les bombardements français mettent hors service cette voie. A la fin d'août, quelqu'un a l'idée de la faire remettre en état jusqu'à hauteur de l'entrée est du village : le travail est réalisé en quelques heures par les sapeurs de chemin de fer. Il y a aussi une autre voie venant de l'Est qui arrive au nord du ravin des Huguenots (entre Bezonvaux et la ferme de Méraucourt). Cette voie s'arrête juste à l'ouest de la route se dirigeant vers Damloup, après l'avoir franchie au sud de Bezonvaux. Les trains circulant sur les voies de 0,60 m sont tirés par une motrice fonctionnant au benzol, d'où le nom de Benzolbahn donné aux convois. Ils transportent également des munitions et ramènent des blessés. Sur la voie venant du Nord-Est a été créée une halte baptisée «Togo» par le 23e régiment bavarois d'artillerie de campagne (23.bay.Fda.R.). A partir de là, les wagons sont poussés à la main ou tirés par un cheval (ce que les Allemands appellent un Fôrderbahn).
    Bezonvaux est aussi un point de ravitaillement. Les cuisines roulantes peuvent y parvenir ou s'installer à proximité. Par exemple, lorsque les I. et II./I.R.155 ainsi que la compagnie de mitrailleuses sont ramenés à l'ouvrage de Bezonvaux le 27 février, les cuisines roulantes sont poussées jusqu'au village et de la nourriture chaude est distribuée aux hommes ; elles y reviennent le 29. Début mars (6-7 mars), l'I.R. 132 combattant à La Caillette a ses arrières à proximité de Bezonvaux et le ravitaillement du régiment vient du sud du village. Sur les pentes au nord de celui-ci a été aménagé un camp pour les unités de soutien (Bereitschaftlager) : le « camp du Nord » (Nordlager). Le 15 août 1916, on y trouve une installation pour préparer les repas au profit du II/1.R. 364 qui est en ligne vers le Nez de Souville ainsi que des détachements de porteurs. Ceux-ci sont encore attestés à cet endroit le 2 septembre. Dans l'agglomération, les fontaines continuent de fonctionner en dépit des bombardements. Aucune mesure particulière n'est prise pour qu'elles continuent à être utilisées. Elles facilitent donc le ravitaillement en eau, ce qui est un souci pour le commandement.
    Les ravins proches de Bezonvaux conduisent vers l'Ouest et le Sud (ou inversement) ; ils favorisent le cheminement dans un sens comme dans un autre des troupes, ainsi que le transport voire le portage des matériels. En outre, ils servent à positionner des soutiens ou des réserves et à concentrer de l'artillerie. Dahs les limites de la commune, ces ravins sont ceux qui sont énumérés ci-après.
    Le ravin de la Chartonne, appelé par les Allemands « ravin de l'aile » (Flügel-Mülde), débouche sur la route Ornes-Bezonvaux, entre les deux villages et à 1 000 mètres au sud du premier, à une altitude de 257-260 mètres. A cet endroit et aussi à l'est de la route, un point d'appui de l'I.R. 369, portant le nom de code d'« Adalbert », y est localisé à la fin de 1916 et encore à l'automne 1917. Ce ravin est parcouru, dans sa partie supérieure, par un tronçon de tranchée baptisée en septembre 1917 par le Gr.R. 109 la « tranchée des haies » (Heckengraben) : elle évoque une importante pièce de terre entourée de haies, située sur le versant sud de la hauteur au nord de Bezonvaux et le ravin de la Chartonne particulièrement visible sur les clichés, cet espace a été appelé par l'I.R. 369 « le carré de haies » (Heckenviereck). Ce ravin donne accès à la côte de Beaumont à qui les Allemands ont donné le nom de « hauteur de Frédéric» (Friedrichshôhe), qui se prolonge vers l'Ouest et culmine à 331 mètres. Sur cette hauteur, à laquelle on peut accéder par deux autres ravins (ceux du Pré-Nord et des Lièvres), zigzague la limite entre les communes d'Ornes (située au Nord) et de Bezonvaux (au Sud).
    Le Fond des Rousses (Brûle ou Brüll-Schlucht) est le ravin qui part de Bezonvaux vers l'Ouest. Il est dominé par la Friedrichshôhe, puis il est hors de la limite communale entre Bezonvaux et Douaumont par le bois des Caurrières qui touche la limite communale de Bezonvaux mais n'est pas inclus dans son territoire. Il est appelé pendant quelque temps et uniquement au sein de l'I.R.87 le « ravin des cuisines » (Kuchenschlucht). Effectivement, on y trouve celles des unités qui y stationnent : un jour, le projectile d'un obusier français tombe à proximité d'une cuisine roulante, la renversant, dispersant les aliments en train
    de cuire et volatilisant le malheureux cuisinier. Au début de ce ravin, il y aurait eu un poste de secours, aux lisières ouest du village (à moins qu'il s'agisse de celui aménagé dans les caves du « château »). Le ravin est emprunté par les porteurs montant vers Douaumont et les relèves de troupes montant en ligne vers ce secteur, ou en revenant. C'est aussi un lieu de stationnement pour des réserves. Y sont attestés notamment le R.I.R.120 (15 mars), l'état-major du I./R.I.R.120 avec 2 compagnies (26 mars), une partie de l'I.R. 135 (8 août), la 5./I.R.14 (22-27 août), le le' bataillon ou plusieurs compagnies du 13.bay.I.R. (13 juin-8 août). Lorsque les colonnes de munitions peuvent dépasser le carrefour de la route Ornes-Damloup/Bezonvaux-Maucourt, elles s'aventurent jusqu'à ce ravin bien qu'il soit frappé par les bombardements adverses. Dans l'été, le 23.bay.Fda.R., dont les lère 3e et 5e batteries appartenant au groupement Martin 22 ainsi que celui-ci se trouvent dans ce ravin, essaie de transporter les munitions sur le dos de chevaux équipés de bâts. Le point de départ est la halte du chemin de fer appelée «Togo ». L'expérience est arrêtée car il est impossible de compter sur l'arrivée certaine des trains.Le Fond du Loup, appelé généralement par les Allemands « ravin de Bezonvaux » (Bezonvaux-Schlucht), baptisé aussi par l'I.R. 87, au printemps, le « ravin sans nom » (Namenlose-Schlucht, qui part de la lisière sud-ouest du village, est orienté Nord-Ouest/Sud-Ouest. Lorsque les Allemands l'occupent, ils y trouvent une batterie française détruite ; ils y installent sur la pente sud une batterie d'obusiers de 15 cm. Elle est anéantie par une série de salves tirées par l'artillerie française, ce qui fait dire à un soldat ayant séjourné dans ce site pendant quelques jours, au cours d'un repos de son unité : « oeil pour oeil, dent pour dent » (Wie du mir, so ich dir) 23. Le chemin Bezonvaux-Douaumont emprunte le fond du ravin puis son flanc oriental. A l'ouest du village se trouve le « camp de Bezonvaux » (Bezonvauxlager), un Bereitschaftlager pour les réserves du secteur Fumin-Souville : ce camp a été baptisé ainsi par les I.R. 41 et 364 en août. Le 18 de ce mois, compte tenu d'une menace générée par une attaque française dans le secteur de Souville, une compagnie supplémentaire àdouze groupes y est créée par ce dernier régiment à partir de ces détachements et portée vers l'avant. Dans le même ravin existe aussi le « camp nord du Kronprinz » (Kronprinz-Nord-Lager) : c'est également un Bereitschaftlager dont l'appellation a été conférée par le R.I.R. 67 en mai.

    Le ravin du Pré-Sud, appelé « ravin des cuisines » (Kuchenschlucht), situé à l'est de l'ouvrage de Bezonvaux et ne comportant qu'une faible dénivelée, débouche sur la Woëvre à proximité de la ferme de Méraucourt. Il donne accès au bois d'Hardaumont ainsi qu'aux ouvrages implantés sur sa partie sud. Un camp appelé par les Français le camp de Brême y a été aménagé ; il comporte des cuisines fixes : seuls les approvisionnements sont apportés ; la nourriture et du café chaud y sont préparés et des porteurs assurent le transport à partir de là vers les premières lignes. Dans l'axe de ce ravin, à l'est de la route Ornes-Damloup et au début de la plaine de la Woëvre existe le petit ravin des Huguenots.
    Un autre ravin, sans appellation en français mais baptisé « ravin Feldberg » (Feldbergschlucht) par les Allemands, débouche au sud de l'ouvrage de Bezonvaux, entre le ravin du Pré-Sud et celui du Muguet. Compte tenu de sa faible dénivelée, il est difficile de le distinguer sur le terrain et il est peu mentionné dans les historiques.
    Le ravin du Muguet, appelé « ravin du milieu » (Mittelschlucht), permet d'aboutir aux petits ouvrages de Josémont et de Lorient, c'est-à-dire un peu plus à l'ouest que celui d'Hardaumont. Ces deux ouvrages ont été construits sur le territoire de la commune de Vaux. Sur le versant sud de ce ravin, à l'ouest de la route Bezonvaux-Damloup, existe un Bereitschaftlager : le camp de Coblence.
    Le ravin de la Plume « ravin du Sud » (Süd-Schlucht) est en grande partie sur le territoire de la commune de Bezonvaux, mais pas la ferme détruite de la Plume, plus à l'Est. Dans ce ravin, qui permet d'accéder à la hauteur couronnée par l'ouvrage d'Hardaumont (lequel est également sur la commune de Vaux), se trouve le camp de Cologne.
    La configuration des lieux, avec le versant oriental des Hauts-de-Meuse, et l'existence de tous ces ravins aux alentours de B-ezonvaux entraîne que cette zone est favorable à la mise en place d'unités d'artillerie. Dès le 29 février, la concentration de batteries dans les environs de la localité est très importante. Elles sont positionnées principalement dans le ravin d'Hassoule (notamment sur les pentes tournées vers l'Ouest), dans le Fond du Loup (en particulier à la sortie sud), mais aussi dans les ravins de la Chartonne, des Huguenots, du Muguet et de la Plume. Leurs munitions arrivent à partir d'Azannes, du camp Gersdorff (Guersdorfflager) et d'un dépôt implanté près de la ferme Sorel. A partir d'Azannes, elles sont transportées par la voie d'intérêt local jusqu'à la halte portant le nom de code de
    « Cameroun » (Kamerun), puis chargées sur des chevaux de bât ou des colonnes légères qui les acheminent jusqu'aux positions. Depuis le Gersdorfflager, elles sont amenées par des colonnes légères et d'artillerie. De la ferme Sorel, elles viennent par la voie de 0,60 m qui arrive à proximité de Bezonvaux par l'Est. Le tableau placé en Annexe IV, présentant les groupements (pas les unités isolées) d'artillerie de campagne installés dans la région de Bezonvaux en 1916, donne une idée de cette concentration.
    A proximité de Bezonvaux, il y a aussi de l'artillerie lourde. Ainsi, dans ce secteur en octobre 1916, sont attestées deux groupes d'obusiers lourds (I.JFussart.R.4 près de la ferme de Méraucourt, I.J1.bay.Fussart.R. près du village), une batterie de 15 cm (1./Ldw.Fussart.Btl. 14 près de la ferme de Méraucourt), une batterie de 10 cm (2.f Fussart.R. 17 dans un bois proche de cette ferme) ; les trois autres batteries du secteur sont dans le bois Chénas et dans le bois de Chaume (donc hors du territoire communal).

    1916 : Bezonvaux dans la bataille de Verdun

    Deux vues de " Bezanvaux " (bezonvaux) parmi celles de positions enlevées par les Allemands devant Verdun ( début mars 1916 )  : Une flambée dans l'âtre d'une maison pas encore détruite; une rue avec des murs encore debout, barrée par une barricade. Dessin de M.Frost, Der Krieg 1914-19 .