• L'entretien de la mémoire

    Le souvenir se perpétue surtout dans les mémoires.

    Depuis 1932, les anciens habitants de Bezonvaux sont conviés chaque année à une réunion du souvenir. Sa date est fixée - en principe - au premier dimanche de septembre, au plus près de la Saint-Gilles, patron du village : d'une certaine manière, elle pérennise la tradition de la fête patronale. L'habitude a ainsi été prise de rassembler les anciens habitants, leurs descendants et leurs amis pour une cérémonie religieuse à la chapelle-abri, suivie d'une cérémonie civile au monument aux morts (au fil des ans, l'ordre des cérémonies a été inversé). Après la disparition des anciens habitants, l'habitude devenue tradition est vivante. Le souvenir du village continue d'être perpétué à travers l'évocation du saint patron et du rappel de la mémoire des enfants de Bezonvaux morts pour la France. Il est même arrivé que la cérémonie à la chapelle prenne un tour particulier. Ainsi, le 14 octobre 1933 se sont déroulées les noces de diamant d'un couple d'anciens habitants du village : Monsieur et Madame Melkior-Richier, âgés de 83 ans. Les jubilaires avaient tenu à revenir au milieu des ruines de leur village pour célébrer le soixantième anniversaire de leur mariage. Cette fête s'est déroulée en présence de Jean-François Trouslard, ancien membre du dernier conseil municipal du village et président de la commission municipale, ainsi que de l'abbé Bonne, curé de Bras et, à l'époque, desservant habituel de la chapelle de Bezonvaux. La guerre a interrompu ces pélerinages qui ont repris en 1956, à l'initiative de Roger Collin, alors président de la commission municipale. Le souvenir de Bezonvaux subsiste encore grâce à la fidélité de ceux qui viennent s'y recueillir (ou qui y venaient encore récemment), au titre de descendants des habitants, en particulier Messieurs et Mesdames Huguette Cohet (descendante d'Adèle Ligony), Marcelle Bertrand-Collin (ancienne présidente de la commission municipale et maire honoraire, veuve de Roger Collin, ancien président) et ses enfants, Chantal Dancerelle¬Bourlon, Bernadette Miscoria-Drapier et Monique Révéani-Rajin (arrières-petites-filles de Nicolas Lahaye, tisserand, et petites-filles de ses trois fils nés à Bezonvaux, respectivement d'Emile, de Théophile - qui fut maréchal-ferrant à Fleury-devant-Douaumont - et d'Henry), Irène Grenette et André Clément (descendants de la lignée des charpentiers Grenette), Georgette Léonard (fille d'Albert Léonard), Marcel et Claude Léonard (fils de Maurice Léonard), Jean-Pierre Legrand et sa famille (descendants d'Emile Richard, instituteur, tué sur le seuil de la mairie-école en 1915), Christiane Malcurat-Mepas (petite-fille de Jean Landry, instituteur, né et mort à Bezonvaux), Pauline Marchai¬Lapointe (+) (fille d'Eugène Marchai, cultivateur à Bezonvaux, tué à La Laufée en 1916), Andrée Dury-Marchai (épouse de Lucien Marchai, ancien président de la commission municipale), Lucienne Mathieu-Migeon et ses petits-cousins Jean et Pierre Renaudin (descendants des familles Vigour et Mathieu), Colette Remoiville (fille de Désiré Remoiville, membre de la commission municipale entre les deux guerres) ainsi que des membres des familles Dupuis, Féré, Ferry, Godfrin, Macel, Mathieu, Molinet, Pultier, Watry. Evidemment, parmi les pélerins figure toujours en bonne place Madame Germaine Marchal-Péridon (fille d'Auguste Marchai, mort au bois des Chevaliers en 1916) : elle est le dernier maillon reliant ces fidèles à l'ancien village.

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Bezonvaux : le chemin de la Mémoire ; la fin des travaux d'aménagement réalisés par le chantier d'insertion ( 2003 )

     

    Il y a aussi celle et ceux pour qui la visite de Bezonvaux, une ou plusieurs fois par an, est un pèlerinage indispensable : Madame Jeannine Robinet (fille d'un des militaires tués à Bezonvaux en juin 1940), épouse de Claude Léonard (mentionné précédemment), Messieurs Michel Gille (petit-fils de Nicolas Gille, le compagnon de patrouille du sergent Maginot, disparu au bois des Hayes le 9 novembre 1914) et Jean Serré (fils du lieutenant Serré, du 132e R.I.F., fait prisonnier le 15 juin 1940 près de Bezonvaux). Tous ces pélerins sont pour la plupart meusiens, mais ils habitent aussi dans les Landes, le Loir-et-Cher, les Pyrénées-Atlantiques, la Seine-et-Marne, les Vosges ainsi qu'en Charente-Maritime, en Meurthe-et-Moselle, etc. Depuis plusieurs années, le souvenir de Bezonvaux, étendu à ceux qui ont combattu sur le territoire communal, est également entretenu grâce aux commémorations organisées par l'unité héritière du 132e R.I.F. Le 132e bataillon cynophile de l'armée de terre et aux prises d'armes organisées par différents corps de troupe, notamment le 1e-2e régiment de chasseurs occupant le quartier Maginot à Thierville. Surtout, depuis 2001, un effort de valorisation de tout ce qui peut soutenir la mémoire est en cours. Ainsi, dans l'hiver 2001-2002, des travaux sont effectués près de la chapelle-abri construite à la place de l'église. L'exécution en est assurée par un chantier d'insertion dépendant de l'Association Nationale du Souvenir de la Bataille de Verdun et supporté par le Mémorial de Verdun. Les racines et les troncs pouvant disloquer ce qui subsiste des ruines sont coupés. Les soubassements de bâtiments sont repérés ; leurs matériaux identifiés pour éviter leur dispersion lors d'activités forestières sont même, à certains endroits, consolidés. Le 1e' `septembre 2002, à l'occasion de la commémoration annuelle, des plaques portant les noms des tués de juin 1940 sont apposées sur le monument aux morts de Bezonvaux. L'année suivante, dans les mêmes circonstances, c'est la disparition du soldat Nicolas Gille, compagnon du sergent Maginot dans l'équipée du bois des Hayes, qui est mise en exergue : son nom est ajouté sur le monument aux morts et la Médaille de Verdun est remise à titre posthume à son petit-fils. En même temps que les premiers travaux est lancé un projet visant à aménager le sous-bois sur une partie de l'ancienne localité. Piloté par l'Office National des Forêts et la Communauté de Charny, il est réalisé au cours de l'été 2003.

     

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Bezonvaux : au début du Chemin de la Mémoire, la Croix des Rogations reconstituée  à partir des vestiges retrouvés dans les ruines ( 2003) 

     

    Il permet au public de suivre sans danger un Chemin de la Mémoire, conçu comme un sentier d'interprétation. Le long de celui-ci, une présentation sous la forme de panneaux restitue la géographie des lieux et montre les activités d'autrefois. Son tracé emprunte celui de la Grande Rue qui passait entre l'église et la mairie et se terminait à l'ouest devant le « château ». Cette voie longe les ruines correspondant aux maisons, parmi lesquelles on distingue encore des encadrements de portes et de fenêtres, des « pierres à eau 26», etc. En outre, le souvenir de l'ancien village est relié à celui d'André Maginot : dans ce but et grâce à la générosité de la Fédération Nationale qui porte son nom, un monument est érigé non loin de l'endroit où commence le Chemin de la Mémoire. Il permet de localiser approximativement l'emplacement du café/bureau de tabac où cet homme politique, alors mobilisé, ainsi que son détachement de volontaires ont cantonné pendant plusieurs mois, au début de la guerre, et rappelle leurs exploits de patrouilleurs. Ce monument et le Chemin de la Mémoire sont inaugurés le 5 septembre 2004. Pour finir, trois actions sont entreprises en 2005. La première consiste à mettre en place, dans les ruines du village, un panneau explicatif à l'emplacement du lavoir Saint-Gilles. La seconde concerne l'ouvrage à 750 mètres de l'ancienne localité. II est débroussaillé au cours de cette année et ses restes seront valorisés ultérieurement grâce à un projet en cours de financement, permettant notamment un accès sécurisé pour les visiteurs. Ces vestiges seront alors intégrés officiellement dans le dispositif accessible au public du Musée de plein air, organisé sur une partie de l'ancien champ de bataille de Verdun. La troisième est une démarche pouvant conduire à la mise en oeuvre d'une procédure d'inscription dans le classement complémentaire des sites de la Zone rouge de Verdun, conformément à la loi du 2 mai 1930. La mesure concernerait une zone réduite de l'ancien village de Bezonvaux, ayant une surface de 3 hectares, et l'ouvrage de Bezonvaux, avec une de 2 hectares. Ce classement compléterait utilement et pérenniserait les opérations de valorisation et d'entretien menées sur les deux sites mentionnés ci-dessus.

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Bezonvaux : un exemple de vestige retrouvé dans les ruines et placé en bordure du Chemin de la Mémoire ( 2006 )