• Le " château "

    Autrefois, la plus belle maison d'un village est souvent appelée le « château ».

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Bezonvaux : le "château" au début du XXe siècle; clôture et façade est (côté grande rue ) ; façade nord. 

    Bien qu'elle ne soit pas une construction à usage de défense ou un manoir, elle se distingue par son importance et la qualité de ses matériaux. En outre, ses occupants temporaires ou permanents sont presque toujours d'un niveau social supérieur à celui des autres habitants. En principe, cette propriété a succédé à une construction plus ancienne, laquelle était un véritable château, une maison forte ou un manoir. Tel était le cas de Bezonvaux.
    L'histoire du « château » de Bezonvaux est mal connue. L'attestation la plus ancienne remonte à 1252, avec la charte affranchissant Douaumont, Bezonvaux et Beaumont. On y relève que les personnes en cause, Thiebaut II de Bar, Thierry Cressant « saigneur de Bezonvaux » et l'abbesse de Juvigny, font mention d'un « Menoir a Besonual ».

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    BEZONVAUX : le "château" et ses environs en 1829.

    Une déclaration de propriété signée en 1582 permet de savoir que ce premier château est constitué d'une tour et de plusieurs bâtiments :

    « Je Jehan de Triconville escuier seigneur de Bczonvaulx, Doulmont et Beaumont ..., recognois tenir en fief ... tour dite anciennement la tour de Besonvaulx seize audit lieu avec les batisments tenant à icelle et despendements ».

    Une attestation postérieure, un marché passé en 1742 entre François de Cognon, baron de Bezonvaux ( "Seigneur dudit lieu " ), et des entrepreneurs permet de confirmer l'existence de cette tour, laquelle avait alors besoin de travaux. Cette tour est encore mentionnée dans le texte d'une information de commodo et incommodo demandée par arrêté du sous-préfet de Verdun en date du 29 janvier 1829. L'enquête menée par un architecte fait apparaître qu'en 1787 (à l'époque, après François de Cognon, le « château » est la propriété du comte Victor de Vergnette) existe " un château avancé d'une tour" et que, "quarante ans auparavant" (vers 1788/89), il y avait un « vieux château » sur la parcelle contestée, à l'origine de l'enquête. Le commissaire enquêteur donne des éléments supplémentaires relatifs au château et à la propriété correspondante au XVIII siècle :


    "Au dire des anciens et des opposons, et par la trace de fondation abc, il paraît que l'ancien château était situé vers le terrain ABCD que la Commune est d'avis de vendre, et qu'en 1788 il fut démoli et reconstruit où on le voit aujourd'hui. Les anciens ajoutent qu'avant cette même année 1788, le chemin d'exploitation de la contrée au nord du château était dans le ruisseau, comme cela a lieu au dessus de son cours, et qu'il servait de communication avec la commune de Douaumont ; qu'enfin soit par échange (dont il ne reste pas de titre), soit de son propre mouvement le propriétaire du château pour régulariser sa cour du côté du levant, et posséder les deux rives du ruisseau, avait fait construire le mur de clôture de la cour tel qu'il existe encore, abandonnant ainsi une partie du terrain où était situé l'ancien château au levant de la cour, s'emparant de la rive gauche du ruisseau et du terrain au nord jusqu'au mur de clôture, et déplaçant le chemin d'exploitation".

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Bezonvaux : le "château"; façades nord et ouest ; à gauche, la dernière maison de la Grande Rue, appartenant à la famille Léonard.

    Le bâtiment construit à la suite de la démolition de 1788 est appelé « La Mansarde », sans doute en raison de ses combles mansardés, puis rapidement le "château" . Le recensement des biens effectué le 4 novembre 1792, à la suite de l'émigration du propriétaire, le comte de Vergnette, et conformément à la loi sur la vente de ceux des émigrés, mentionne "un château avec ses aisances qui en dépendent, un jardin, verger, potager, au total 3 jours et demi, une maison de ferme, jardin, potager, chènevière, le tiers d'un moulin à eau" . Puis, le "Registre seconde origine" , document dans lequel sont mentionnées des ventes de biens appartenant à des émigrés et des réquisitions, indique une telle opération pour ceux du comte de Vergnette au bénéfice de Messieurs Georgia de Verdun et Lajoux de Samogneux . En 1806, il est attesté que le "château" est devenu la propriété d'un certain Maucomble, avocat, qui loue un droit de chasse dans les bois communaux d'Ornes pour la période de 1806 à 1809. Entre-temps, la veuve du comte de Vergnette, Antoinette Labbé de Coussey, a entrepris des démarches pour récupérer ses biens de Bezonvaux ou obtenir une indemnisation équivalente ; l'issue de la procédure qui dure 35 ans est inconnue. Les derniers propriétaires sont, à partir de 1817, Victor, Joseph, Jules Cheneval, brasseur, ensuite sa nièce Madame Christine Cheneval Vve Trouslard, cohéritière avec sa soeur du précédent en 1902, puis seule propriétaire du bien l'année suivante. A l'époque de la Première Guerre mondiale, le « château » apparaît donc comme un corps de bâtiment une maison bourgeoise imposante, construite à la suite de la démolition de l'ancien château effectuée en 1788, avec une petite dépendance se trouvant à proximité. Ce bâtiment ne se rattache à aucun style particulier. De forme rectangulaire, il se compose d'un rez-de-chaussée surélevé sur des caves, d'un premier étage et de combles mansardés. Il est coiffé, à partir d'une corniche, d'un toit à pans inclinés ; celui-ci est recouvert d'ardoises, sauf dans la partie supérieure. Elles y sont remplacées par des tuiles mécaniques à doubles rainures, colorées en noir (actuellement, on en découvre des morceaux dans les décombres du bâtiment). De ce toit émergent quatre cheminées posées aux quatre coins. De nombreuses fenêtres éclairent l'intérieur, celles du rez-de-chaussée étant plus hautes que celles du premier étage et des mansardes. Un mur, datant de l'époque de la restructuration de la propriété (au moins vers le nord), l'entoure totalement, incluant la cour, le potager et le verger au nord ainsi que le jardin au sud. Il y a également un mur paraissant plus ancien qui part de l'extrémité ouest du corps du "château", passe derrière l'appentis à l'ouest de la cour et se termine contre le mur de clôture au nord en franchissant le ruisseau. Ce mur sépare également la propriété de la "place publique" située à l'ouest de la Grande Rue, sur laquelle il s'ouvre par une porte à double battant (une porte charretière) et une pour les piétons. Pour les fêtes et certaines réjouissances, cette place, agrandie depuis 1788 par le don à la commune d'une parcelle sur laquelle se trouvait une partie de l'ancien «château », sert d'espace de réunion à toute la population.

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Bezonvaux : le " château "; façade sud vue du Chemin de Verdun, conduisant de l'extrémité de la Grande Rue vers le Fond du Loup.