• Pour les allemands, un choc, pas une catastrophe

    Si l'on considère maintenant le côté allemand, l'attaque française du 15 décembre 1916 a percé entre la 14.I.D., tenant le front entre la cote 347 et la tête du Fond du Loup, et la 39.bay.R.D., défendant le massif d'Hardaumont. Pour commencer, seule la ligne avancée est forcée : les assaillants sont même repoussés par une contre-attaque. Dans le Fond du Loup, certains sont faits prisonniers par des îlots de résistance ou des éléments en réserve sortis de leurs abris. Pourtant, l'attaque française progresse vers Bezonvaux et déborde les tranchées proches ainsi que les positions de soutien. Elle s'empare de nombreux prisonniers et récupère des canons. A ce moment, les Allemands manquent de renforts pour contre-attaquer fortement. Néanmoins, les éléments des I.R. 56 et 57 qui tiennent les ravins (Fond du Loup, ravin d'Hassoule) se défendent pied à pied ; dans la division correspondante, la 14.I.D., des artilleurs défendent eux¬mêmes leurs pièces. Après la prise de l'ouvrage de Bezonvaux, la vague des assaillants qui avance sur la pente au nord de celui-ci dépasse une galerie dans laquelle se trouve l'état-major du Ill./I.R. 56. Une grenade est lancée dans son entrée, mais les Français ne s'arrêtent pas et les quelques officiers de cet état¬major profitent de l'obscurité pour éviter la capture. Dans le secteur de la 39.bay.R.D., la position de soutien d'artillerie va devenir la 1''' ligne : pourtant, à 15 heures, cette division reçoit l'ordre de tenir une ligne passant par les ouvrages existant sur la croupe d'Hardaumont ; mais, il est déjà trop tard. Entre-temps, les 5.I.D. et 21.R.D. ainsi qu'une quantité de batteries lourdes sont alertées et doivent intervenir ; toutefois, ces formations sont trop en arrière pour le faire avant la fin de la journée. La 21.R.D. reçoit l'ordre de relever la 39.bay.I.D. Au cours de la journée, en raison de l'attaque et des bombardements, il est impossible au I./E.Fda.R. 45 de rester à l'est de Bezonvaux. Avec beaucoup de difficultés en raison du terrain chaotique, les canons sont sortis de la boue par les chevaux aidés par les servants. Leur évacuation s'effectue avec d'autres pertes en hommes et en chevaux.

    La perte de l'ouvrage de Bezonvaux, les échelons hiérarchiques allemands ne l'apprennent que dans la soirée. Le général Chasles von Beaulieu, qui commande le groupement Hardaumont rassemblant les 14.I.D. et 39.bay.R.D., ordonne à la première division de couvrir la position d'artillerie et d'infléchir son aile gauche à hauteur du Fond du Loup pour soutenir la seconde en la flanquant. Celle-ci doit tenir une ligne au nord-est de l'ouvrage de Bezonvaux et la prolonger de chaque côté pour établir la liaison avec les divisions voisines. Le 16, le commandement du groupement Hardaumont estimé que la position de couverture de l'artillerie doit être tenue, sauf pour la 39.bay.R.D. dont les restes commencent déjà à se replier vers celle du bois des Fosses (Fosses-Wald-Stellung), située entre Ornes et Bezonvaux. Ce mouvement est d'ailleurs ignoré de l'état-major du groupement et des divisions voisines. Dès 9 heures du matin, le village de Bezonvaux tombe aux mains des Français et ceux-ci continuent en direction du Nord-Ouest. Pendant ce temps, l'aile gauche de la 14.I.D. est encerclée ; elle est détruite en dépit d'une résistance acharnée. Vers midi, les parties de la division situées plus à l'ouest de la position de couverture de l'artillerie peuvent se replier vers la position du bois des Fosses. Le mouvement est exécuté à la faveur d'une tempête de neige. Pendant ce temps, d'autres éléments français nettoient complètement le bois de Chaume et capturent de nombreux Allemands. Vers midi aussi, Beaulieu qui examine la situation prescrit de reformer un front continu depuis l'ouest d'Ornes jusqu'à l'aile droite de la 4.I.D. du groupement Vaux, à l'est de la ferme de Méraucourt. L'ensemble du groupement Hardaumont se retrouve alors dans la position du bois des Fosses. La première ligne entre le nord de Bezonvaux et la Croix de la Vaux se fixe dans des trous d'obus, les éléments de tranchée étant rares et partiellement détruits. Le R.I.R. 80 est engagé en première ligne dans la nuit du 16 au 17. Préalablement, il a été remis à hauteur grâce à un renfort de 350 hommes provenant du dépôt de recrues de sa division : la 21.R.D. Le Ill./R.I.R. 80 se met en place dans la position du bois des Fosses et partiellement le long du talus de la voie ferrée métrique, pendant que deux compagnies s'installent dans la position d'Ornes (Ornes-Stellung), au nord¬ouest de ce village, à l'est d'une compagnie de l'I.R. 369. Pendant ce temps, les positions d'artillerie de la zone Ornes-Maucourt sont reculées. Il ressort des deux jours de lutte que les Allemands ont été surpris par le procédé d'attaque français. En collant aux barrages, les vagues d'assaut sont arrivées de suite à la lutte rapprochée, souvent même avant que leurs adversaires aient eu le temps de sortir de leurs abris, où les grenades incendiaires ont créé la panique et vaincu les résistances ébauchées. Les percées réalisées d'emblée dans les parties peu résistantes du front ont permis de déborder et de manoeuvrer par les ailes les résistances frontales intermédiaires. En outre, si le 24 octobre l'attaque française est parvenue au contact des batteries ennemies, le 15 décembre elle réussit par son avance - en particulier dans la région de Bezonvaux - à entamer sérieusement et à disloquer la ligne d'artillerie. En ce qui concerne les pertes allemandes, une source 28 les évalue, pour la période du 11 au 20 décembre, à 14 000 hommes, dont 13 500 pour les15 et 16 : ce nombre ne paraît pas correspondre à la totalité des tués, blessés, disparus ou prisonniers. La même source affirme que celles des Français du16 novembre au 20 décembre auraient atteint 21 000 (celles de la 37e D.I. opposée à la 14.I.D. étant particulièrement importantes).

    1916 : Bezonvaux dans la bataille de Verdun

    Attaques françaises de l'automne 1916 : ligne atteinte le 3 novembre et percées des 15-16 décembre.