• La nouvelle année commence comme a fini la précédente. L'activité allemande est incessante au nord-est de Verdun, dans la région de Bezonvaux. L'adversaire y déclenche constamment des barrages par obus ainsi que par projectiles de lance-mines et tente par des coups de main de faire des prisonniers. Par la suite, cette zone n'est pas caractérisée par des luttes majeures celles que l'histoire retient. Pourtant, les hostilités continuent, marquées par des actions plus ou moins importantes, surtout du côté allemand. Une double opération marquante a lieu le 7 janvier. Ce jour-là, le III./E.I.R.23 attaque les positions françaises devant le village, appuyé par des batteries du G.Fda.R. 3. Cette action, dont le nom de code est « Patrie » (Vaterland), vise à capturer des prisonniers. Elle est décelée suffisamment tôt par les Français et échoue. La seconde partie de l'opération, baptisée « Frédéric-Auguste » (Friedrich-August), se déroule à proximité du village. Menée par le 1./E.I.R.23 et repérée suffisamment tôt par les Français, elle échoue car l'adversaire évacue ses positions avancées. Vers le milieu du mois, le R.I.R. 207 soutenu par le Fda.R. 39 mène une action baptisée «porteur de repas» (Essenholer, celui qui va chercher la nourriture) contre les positions françaises dans la région de la Croix de la Vaux. II capture des prisonniers et ne subit pas lui¬même de pertes. Les 22-23, la 33e D.L. est relevée ; la 153e D.I. prend sa place sur le même front bois des Chaumes-Bezonvaux (exclu).

    En février, on retrouve l'E.I.R. 23 au nord-ouest de Bezonvaux. II a un front de 650 mètres au sud-ouest d'Ornes, avec son aile droite sur la hauteur de la Croix de la Vaux et son aile gauche à la hauteur du chemin conduisant de ce site à Bezonvaux. Entre le 6 et le 9, la 25e D.I. est relevée à la droite de la 153e ; elle est emplacée par la 26e qui reste dans le secteur de Bezonvaux jusqu'en avril. C'est une période longue et difficile pour elle. Les coups de main adverses à peu près quotidiens imposent aux Français une vigilance soutenue. En particulier, le 139e R .1. subit plusieurs tentatives, arrêtées par le déclenchement de feux nourris. Au 121e, les conditions offertes par le secteur semblent avoir produit une forte impression:

    « L'existence y est si rude, l'atmosphère si empestée par les obus toxiques et principalement par l'ypérite, les coups de main de l'ennemi si fréquents et si violents, les bombardements si sévères, qu'il n'est pas possible de laisser les divisions plus de quarante ou quarante-cinq jours dans ce redoutable secteur de Bezonvaux. Les circonstances vont exiger que la 26e division le tienne pendant trois mois. Dès l'arrivée, tous sont frappés par l'aspect de désolation de cette région nord de Verdun. Quel inoubliable spectacle ! Quelle impression de ruine, de dévastation, d'anéantissement de toutes choses ! Des belles forêts qui couvraient la contrée, pas une trace ne reste, sauf, de-ci de là, quelques troncs d'arbres calcinés et tordus, lamentables et noirs, dont le plus haut n'atteint pas 1 mètre. Le terrain est bouleversé, d'un aspect général jaunâtre ; il est couvert de cratères jointifs, si nombreux, si serrés, qu'il est impossible de découvrir la moindre place qui n'ait pas été affouillée par un obus. Qui dira cet aspect terrifiant de désolation et de mort de ces ravins de Vaux, du Helly, du Bazil, de la Fausse Côte, de la Caillette, du Fond du Loup, du Fond des Rousses, des pentes d'Hassoule et du plateau d'Hardaumont. Ce sont partout des débris de toute sorte, fils de fer tordus et enchevêtrés, obus et grenades non éclatés, épars un peu partout et si nombreux qu'on ne peut creuser un boyau ou une tranchée sans en déterrer quelqu'un. Beaucoup de tués ont été enterrés à même le parapet, peu profondément par manque de temps ; l'érosion produite par les pluies les a peu à peu découverts. Des pieds avec des restants de souliers, ou le squelette d'une main, sortent de la paroi, semblant vouloir vous arrêter au passage ... Le secteur d'Hassoule, dévolu au régiment, est particulièrement dur ... Aucun mouvement n'est possible de jour; les ravitaillements de toute sorte ne peuvent être effectués que de nuit, à travers un terrain chaotique où hommes et mulets glissent et tombent ô chaque pas, sur les pistes systématiquement battues au canon et à la mitrailleuse, et à travers les ravins où les obus à l'ypérite entretiennent méthodiquement une atmos¬phère empoisonnée. A Bezonvaux, dont il ne reste que quelques pierres, les sections de garde blotties dans les caves à moitiés remplies d'eau ne peuvent, de jour, mettre le nez dehors ... L'ensemble de la position constitue le terrain classique des coups de main de l'ennemi, faciles à réussir en raison du peu de distance séparant les lignes adverses, de la position dominante de l'adversaire et de l'impossiblié de faire le vide dans le terrain attaqué, par suite de cette autre impossibilité qu'est la traversée du ravin des Rousses sous le violent tir d'encagement qui y est régulièrement dirigé pendant l'exécution des coups de main. II yen a régulièrement un par semaine, quelquefois deux ; ils réussissent chaque fois, a-t-on dit aux nôtres à leur arrivée dans le secteur ».

    Bezonvaux 1917-1918 : La guerre continue

    L'évolution du front aux environs de Bezonvaux du 8 au 11 novembre 1918.

     

    Le 12 février, dans les environs de la Croix de la Vaux, l'E.I.R.32 procède à une opération connue sous le nom de « Lusace » (Lausitz). Les pertes allemandes sont lourdes et un seul prisonnier est ramené. Puis du 14 au 20 se déroulent de violentes démonstrations, présentées plus tard comme étant des diversions destinées à tromper les Français sur la direction de la future grande offensive allemande. En particulier le 17, dans le même coin, un coup de main de la 228.I.D. (« distribution de nourriture », Essenausgabe), réussit grâce à l'appui du G.Fda.R. 3 : s'agissant de la même division, de la même zone et de noms de code proches, les opérations « Essenholer » et « Essenausgabe » sont peut-être liées. Plus à l'Est, devant deux bataillons du 92e R.I., le Zef tenant le quartier Hassoule et le 2 celui du village, ainsi que devant un bataillon d'un régiment voisin, les Allemands préparent manifestement une sérieuse attaque. L'artillerie française prévenue de ces indices empêche l'adversaire de sortir de ses tranchées pendant quatre jours. Le 19, la 5e/92e R.I. repousse un coup de main. Puis, le 20, les deux bataillons - en particulier le 1e sont obligés seize fois de demander un tir de barrage. Les lignes de ce dernier, après un bombardement tel qu'elles disparaissent entièrement dans la poussière et la fumée, sont attaquées à 19 heures par deux bataillons allemands. Une compagnie allemande, profitant d'un repli des Français de la première sur la deuxième tranchée, attaque le P.C. du commandant du, bataillon qui n'a le temps que de détruire ses papiers. La 1ere compagnie arrive trop tard pour délivrer cet officier ; toutefois, le 2e bataillon rétablit rapidement la situation et repousse les assaillants. Le 5 mars, alors que les secteurs de Beaumont et Bezonvaux connaissent une lutte d'artillerie, les 30. et 31.bay.I.R. exécutent une reconnaissance offensive baptisée « Hans », contre des tranchées françaises dans le secteur de la Croix de la Vaux. Il s'agit de détruire des abris et de récupérer du butin ainsi que des prisonniers. L'opération permet effectivement d'en ramener neuf. Le 17, le groupement Ornes (15.bay.I.D., 19.E.D.) exécute un coup de main appelé « basses terres » (Tiefland) en direction de Bezonvaux. Il fait suite à l'action a Vaterland » qui s'est déroulée le 7 janvier et a lieu en même temps qu'une autre baptisée « 344 », organisée entre la cote 344 et Beaumont par la 29.I.D. « Tiefland » a pour but de détruire des installations françaises. Les groupes de choc, appartenant à l'E.l.R. 24 et à des unités du génie, réussissent une pénétration de 600 mètres dans le dispositif français, jusqu'au milieu de Bezonvaux, presque jusqu'à la 3e ligne française et réussissent leur mission, ramenant également 63 prisonniers. « 344 » est aussi un succès. Mars est surtout caractérisé par une importante opération de diversion baptisée « lever de soleil » (Sonnenaufgang), préparatoire à la grande offensive qui doit se déclencher le 21 dans la Somme. Le 20, après une préparation d'artillerie de 9 jours menée par 60 batteries, pendant laquelle une proportion importante d'obus à gaz est tirée, quatre divisions allemandes (19.R.D., 29.I.D., 228.I.D. bay.15.I.D.) procèdent à une attaque sur le front entre Samogneux et Bezonvaux. Dans le secteur de la division bavaroise au sud d'Ornes (Caurrières-Bezonvaux), l'opération menée par les 30. et 31.bay.I.R., se traduit par une avancée de 1 100 mètres de large sur 600 de profondeur. Les Bavarois réussissent à progresser jusque dans le Fond des Rousses, capturant 10 officiers et 229 hommes ; leurs pertes semblent faibles : 8 morts, 3 disparus et 54 blessés. Rien que pour la 11e D.l., il y a 2 800 gazés et cette grande unité doit être relevée. Le 21, la 20e D.I. prend le secteur entre le bois de Chaume et Bezonvaux, étendu à gauche le 26 jusque vers Beaumont. Le bois des Caurrières que tient le 25' R.l. est un chaos. Dès l'arrivée des unités relevantes, l'artillerie allemande déclenche un bombardement qui ne laisse aucun répit aux nouveaux occupants des premières lignes françaises. Avril débute le avec « Hans Il », recommencement de l'action menée le 5 mars. Les 30. et 31.bay.l.R. opèrent à 20 heures une percée dans les lignes adverses face à la Croix de la Vaux : 27 Français sont faits prisonniers et de nombreux abris sont détruits. A la Zef 25e R.I., il a fallu se résoudre à combattre au corps à corps, mais cette unité a réussi à rétablir elle-même sa ligne, Ce mois voit surtout la mise en oeuvre, à l'ouest de Bezonvaux, d'une arme redoutable utilisée seulement une soixantaine de fois une fois en Italie et le reste sur le front ouest entre avril et août 1918 : le lanceur de projectiles à gaz Mle 1917 (Gaswerfer 17). Il s'agit d'un cylindre d'acier dont une extrémité est obturée et enterrée dans le sol ; l'autre permet de projeter entre 1 300 et 1 600 mètres une bombe pesant une trentaine de kilos et chargée principalement avec du phosgène ainsi qu'avec un mélange de chlore et de chloropicrine. L'emploi de cette arme de saturation est préparé sous la forme de rassemblements de plusieurs centaines de tubes. Cette concentration a pour conséquence que, lors du déclenchement d'un tir, un nuage à forte teneur de produits toxiques se forme instantanément sur la zone d'impact des projectiles. Ainsi, le 14, les Allemands en tirent simultanément 1 200 dans les secteurs français correspondant aux 15.bay.I.D. et 19.E.D. opération ayant reçu le nom de code de « pluie d'avril » (Aprilregen) . Les cylindres sont positionnées dans le ravin au nord de la Croix de la Vaux. Leur bombardement s'abat sur le Fond des Rousses et les batteries françaises situées au-delà. Puis, le 17, l'E.I.R. 32 attaque les positions tenues par le 25C R.I. dans le secteur de la Croix de la Vaux. L'appui est assuré notamment par les lance-mines légers du I./I.R. 351, la M.W.K. 164 ainsi que 12 autres Minenwerfer. Il y a aussi une violente concentration d'obus à gaz sur les batteries françaises de barrage. Les assaillants disposent de quelques lance-flammes. L'attaque subie par les Français ne les surprend pas. A 20 heures, lorsqu'elle se déclenche, les groupes d'assaut allemands se heurtent au barrage français et aux feux d'infanterie. L'allongement de ce barrage ayant été obtenu, les Allemands sont contre-attaqués et refoulés en laissant des pertes. Le but de l'opération « or du Rhin » (Rheingold) était de ramener du matériel et des prisonniers : 38 Français ont été effectivement capturés. Toutefois, rien que pour le 25e R.l., le bilan de l'attaque est d'une cinquantaine d'adversaires mis hors de combat (une trentaine de morts et une vingtaine de prisonniers dont beaucoup de blessés) et la récupération de 2 lance-flammes Un autre tir de projectiles à gaz, avec le nom de code de « fleur d'arbre » (Baumblüte), est effectué le 19 dans les mêmes conditions par l'artillerie allemande et des Gaswerfer : même emplacement de ceux-ci, mêmes divisions allemandes concernées, même zone visée. Les deux attaques par lanceurs ont causé des pertes sensibles aux Français. Mai reste agité. Les et 2 de ce mois, la 29e D.I. occupe le secteur entre Bezonvaux et Damloup. Le 3e R.I. monte en ligne vers Bezonvaux, le le`/3e R.I. dans le quartier Village. Tout au long de ce mois, le 165 R.I. profite du terrain bouleversé et de la situation relativement calme, pour aguerrir par de hardis coups de main ses jeunes recrues qu'il veut amalgamer avec les plus anciens. Il harcèle l'adversaire auquel il parvient à faire des prisonniers. Par exemple, à la tête d'un groupe de 9 hommes, un sergent se porte, en plein jour, en avant des tranchées tenues par sa compagnie. Il s'agit d'enlever un détachement allemand qui s'est glissé à proximité d'un poste français. Sans perte dans son groupe, ce sous-officier capture 7 prisonniers (1 officier, 1 sous-officier et 5 hommes) et récupère une mitrailleuses légère. Le 27, alors que 40 divisions allemandes attaquent les lignes françaises entre Noyon et Reims et les enfoncent sur le Chemin des Dames, une action d'envergure frappe la 33e D.I. voisine de la 29 qui tient le secteur de Bezonvaux. Menée par la 15.bay.I.D., elle commence par une préparation d'artillerie exécutée par 106 pièces appartenant aux 7.bay.Fda.R. et Fda.R. 46. L'opération baptisée « Skuld » (nom d'une déesse) vise surtout les 11` et 20e R.I. sur le front Beaumont-bois de Chaume et elle réussit. Il y a aussi une tentative destinée à faire des prisonniers dans la zone de la Croix de la Vaux. Les assaillants subissent de fortes pertes, notamment en raison du feu des mitrailleuses de leurs adversaires. Ceux-ci se sont retirés sur la seconde ligne, y attendent l'assaut puis contre-attaquent, en particulier le 2/11e R.I. qui oblige les assaillants à regagner leurs lignes en laissant de nombreux cadavres sur le terrain. Néanmoins, les Allemands ont récupéré 38 prisonniers. Le 11e R.I. compte aussi 5 tués, 20 blessés et 243 intoxiqués. Les batteries françaises d'artillerie sont également très éprouvées, certaines d'entre elles n'ayant plus qu'un homme en état de combattre sur dix. Le lendemain, toujours sur le front de la 15.bay.I.D., se déroule «Skuld II », opération sur laquelle il n'y a pas d'informations. Dans la nuit du 29, une action d'envergure est menée par la 123.1.D. : portant le nom de code d'« Emprunt de guerre » (Kriegsanleihe), elle a pour but de pénétrer dans les positions françaises du Fond des Rousses, de récupérer des prisonniers et de détruire des installations. Elle réussit et les Allemands capturent 16 hommes. Le 3 juin, le front de la 29e D.I. est étendu à gauche jusque vers la ferme des Chambrettes (avec le 1e`/3e R.I. dans le bois des Caurrières). Le 11 juillet, le R.I.R. 252 transfère à l'état-major de l'I.R. 177, dont le P.C. est aux Jumelles d'Ornes, le commandement du secteur Havel. Celui-ci correspond à une partie du front relevant du groupement Vaux et s'étend approximativement du versant oriental des Jumelles d'Ornes au nord jusqu'à la route Bezonvaux¬Maucourt et au sud de ce village. Le 12, la 29e D.I. étend son front jusque vers Beaumont. Devant Bezonvaux, il n'y a pas alors d'engagements importants, simplement, les 15, 17 et 18, de vifs bombardements. Pour l'I.R.177, le service comprend, de jour, l'occupation de postes et, de nuit, l'exécution de quelques patrouilles : dans la nuit du 16/17, une parvient jusqu'au village de Bezonvaux qu'elle trouve inoccupée ; dans celles des 17/18, 18/19 et 19/20, d'autres reconnaissent la ferme de Méraucourt : au cours de la dernière, un prisonnier est capturé sur un détachement adverse. Le 20 août, la 18e D.I. entre en ligne entre le sud de Beaumont et Damloup. Son secteur est étendu à gauche, le 10 septembre, jusque vers Samogneux et réduit à droite, douze jours plus tard, jusque vers Bezonvaux. Son 32e R.I. a un front qui s'étend sur près de 4 kilomètres du ravin Hadime (cote 320) à gauche, à la cote 267 près de Bezonvaux, à droite. Deux bataillons assurent la défense immédiate sous la forme de petits postes : ceux-ci, éloignés les uns des autres, sont à l'effectif d'une section ou d'une demi-section. Compte tenu de leur isolement, ils font l'objet de tentatives de coups de main que leur vigilance fait échouer. En revanche, les patrouilles françaises ramènent souvent des prisonniers et les sentinelles recueillent fréquemment des déserteurs. Néanmoins, le secteur est jugé calme (ce régiment ne perd que 32 morts en trois mois) : des passages à la douche sont organisés dans le camp des carrières d'Haudromont et il est possible d'aller percevoir du « pinard » dans une cantine régimentaire organisée dans le ravin du Helly. Lorsque la 29e D.I. est relevée les 22/23 août, les hommes emporte le souvenir d'une zone calme où les pertes ont été relativement minimes : par exemple, 14 tués, 82 blessés en quatre mois au 3e R.I. Le séjour au front, consacré essentiellement à aménager des positions dans un paysage désertique au sol ravagé, calciné, creusé de milliers d'entonnoirs, a été monotone, d'autant qu'il n'a été coupé que par des périodes de repos» passées dans des sapes humides creusées dans les ravins un peu en arrière. En septembre arrive la 1Oe D.1.C. qui effectue la relève entre le 6 et le 9 et va rester dans la zone à l'est de Douaumont jusqu'à l'armistice. La situation n'y est pas trop difficile en dépit de bombardements sévères, ainsi qu'en témoigne l'agent de liaison Lambert du 33e R.I.C.:

    « ... Evidemment, ce Verdun-là ne pouvait se comparer avec le Verdun de 1916. Tout de même, les bombardements que nous subissions n'étaient pus une plaisanterie. C'est ainsi qu'un jour toute ma section a dû être évacuée à la suite d'un arrosage à l'ypérite ; seuls, un copain et moi, avons passé à travers. Etant agent de liaison, j'ai parcouru un peu tout le secteur. Plusieurs fois, j'ai failli me perdre la nuit car, au retour, je ne retrouvais plus mon chemin, les bombardements ayant changé l'aspect du sol entre l'aller et le retour ... » .

    Le 7, le 2e133e R.I.C. remplace un bataillon du 66e R.I. au C.R. Duprat. Le 9, le 1ef133e R.I.C. prend les lignes au C.R. Bezonvaux(-village), le 3e le C.R. Fort (de Vaux). En face, le 11, l'I.R. 177 organise à partir de la position Havel un coup de main sur une française en cours d'aménagement près de l'ouvrage de Bezonvaux. L'entreprise baptisée « Hermann » échoue parce que les Français se retirent de l'élément de tranchée assaillie. Le 12, à 18 heures, le 33e R.I.C. attaque en direction de Dieppe ainsi que des bois du Grand et du Petit Chénas. Un des bataillons du 32e R.I. est chargé de tâter l'ennemi dans la région du bois de Chaume, en direction d'Ornes. La préparation d'artillerie dure près de deux jours quand, le 13 septembre, à 5 heures, les 5e et 7e132e R.I. débouchent des lignes françaises et arrivent à atteindre la tranchée des Renards ; elles entrent en contact avec les troupes envoyées en contre-attaque, se dégagent par un combat à la grenade et, leur mission remplie, retournent à leurs positions de départ avec 18 prisonniers. Ces opérations, menées avec vigueur d'un côté comme de l'autre, prouvent que les Allemands tiennent encore fermement cette partie de leur front. Le 14, d'autres engagements ont lieu à l'initiative du 33e R.I.C. : un sous-lieutenant est blessé au cours de l'un d'entre eux. Toutes ces actions sont pénibles ; en outre, certains blessés doivent rester sur le terrain pendant plus de vingt-quatre heures avant d'être relevés. Le 25 septembre, vers minuit, le 2e133e R.I.C. exécute un coup de main sur le village de Dieppe, à 2 500 mètres en avant des lignes françaises. Un officier est blessé, un autre tué. L'opération est exécutée sous un véritable arrosage de tirs de mitrailleuses ; elle réussit et permet la collecte de précieux renseignements. Pendant les nuits du Zef au 2 et du 2 au 3 octobre, le 53e R.I.C. relève le 33e R.I.C dans le quartier Bezonvaux-Vaux et prend position de la manière suivante : le 3e bataillon dans le C.R. Bezonvaux, le Zef dans le C.R. Duprat et le 2e dans le C.R. Fort. Le colonel commandant le régiment assume le commandement du quartier depuis le P.C. Normandie. L'historique de l'unité mentionne:

    « Le séjour en ce secteur, qui reprend son activité des grands jours de Verdun, est caractérisé par les reconnaissances offensives des bataillons et la réaction violente de l'artillerie ennemie. Les pertes sont nombreuses, surtout par intoxication ».

     Du 8 au 14 octobre, la 18e D.I. tient les lignes entre Bezonvaux et Damloup. A sa gauche, dans les nuits du 23 au 24 et du 24 au 25, le 53e R.I.C. est relevé ; à son 3e bataillon succède un du 33e R.I.C. ; le 2133e R.I.C. occupe le C.R. Bezonvaux, le Zef le C.R. Albain et le 3e le C.R. des Chambrettes. Le commandant du sous-groupement Douaumont est au P.C. Attila. Les tirs à obus toxiques de l'artillerie allemande deviennent très fréquents et entraînent de nombreuses évacuations. Le 28 apparaît chez l'adversaire la 106.Lst.l.D., une des divisions austro-hongroises envoyées en 1918 sur le front ouest. Ses Lst.I.R. 6 et 32 sont affectés à deux divisions allemandes : les 32.I.D. et 37.I.D. Ces deux régiments montent au front pour être placés côte à côte. S'agissant du Lst.I.R.6, il renforce le dispositif allemand au nord de Bezonvaux. II s'installe entre les Jumelles d'Ornes et celui-ci : il tient un secteur entre sa sortie orientale et la lisière nord du bois de Maucourt. Ses avant-postes sont à l'est de la route Bezonvaux¬ferme de Méraucourt ; sa ligne principale de résistance est à l'ouest de la route Gremilly-Maucourt, ainsi qu'à l'ouest et au sud de cette localité. La'106.Lst.I.D. est relevée à partir de la fin du mois par la 32.I.D. En particulier, le 29, une moitié de l'I.R. 102, appartenant à cette division, s'installe à la place d'un bataillon du Lst.I.R. 6 dans la position de couverture d'artillerie du sous-secteur Havel-Nord.

    Le 1er novembre, l'évolution de la situation amène le commandement allemand a renoncer à l'emploi de la grande unité austro-hongroise. Dans la nuit du 3 au 4, un bataillon de l'I.R. 102 relève le reste du Lst.I.R. 6 dans la position Havel-Centre ; les états-majors régimentaires finissent de se passer les consignes le 4 à 9 heures. Le 5 à 5 h 45, les 22e et 23e133e R.I.C. effectuent un coup de main sur poste ennemi et font un prisonnier. Le 6, un nouveau coup de main effectué avec succès par une section de la 18e compagnie permet d'en ramener un autre. Le 8, le régiment reçoit un plan d'opérations prévoyant la participation de la 10e D.I.C. au mouvement en avant général dans la direction du Nord-Est puis ultérieurement de l'Est. Les ordres sont transmis dans la soirée. En attendant l'exécution du démarrage, un certain nombre de reconnaissances, dont trois sur le front du régiment, doivent tâter la 1 ligne allemande. Cette dernière étant supposée évacuée, les reconnaissances offensives ont pour but de s'y installer si la résistance est faible. Il est prescrit dans la nuit du 8 au 9 de gagner comme base de départ, aux premières lueurs du jour, une zone à l'est du village, ce qui peut se faire sans encombre. Le 9 avant 9 heures du matin, les bataillons du 33e R.I.C. sont en place comme prévu. Pendant ce temps, les reconnaissances ont lieu : à gauche, deux sections de la 1ère compagnie abordent la tranchée de la Chartonne ; elles la trouvent occupée fortement et échangent avec les Allemands grenades et coups de fusil, puis se replient sans pertes en combattant. Au centre, deux sections de la 19e compagnie occupent l'objectif en délogeant les Allemands, peu nombreux. Une contre-attaque les en chasse et le détachement se replie dans les positions françaises pour 11 heures ; le sous-lieutenant qui le commande le dernier dans la retraite - ne revient pas. A droite, une reconnaissance de la 21e compagnie se dirigeant vers Maucourt essuie des tirs et ne peut pas continuer : elle est même encerclée et décimée ; les survivants sont capturés, y compris le commandant de l'unité. La section envoyée pour couvrir cette opération face au bois du Petit Chénas disparaît sans laisser de traces : selon des renseignements, d'une part une compagnie américaine devait se trouver dans le Grand Chénas, d'autre part ce bois, Dieppe et peut-être le Petit Chénas étaient donnés comme évacués par les Allemands. Les six soldats, dont les restes sont retrouvés en 1924 près du moulin de Bezonvaux, correspondent certainement à une partie des pertes subies par le 33e R.I.C., entre ce village, Maucourt et Dieppe, deux jours avant l'armistice.

     

    Bezonvaux 1917-1918 : La guerre continue

    Le bois des Caurrières ( janvier 1918 ). Douaumont dégagé se trouvait en deuxième ligne. Notre ancien secteur de 1916 était devenu méconnaissable. La terre morte, trouée, ravagée, avait un aspect lunaire, et des bois touffus, seuls subsistaient quelques trous calcinés. 

     


  • Le château de Bezonvaux et son histoire jusqu'en 1914 ont déjà été décrits. De la mobilisation jusqu'au début de 1916, aucune information le concernant n'a été recueillie. Si, à cette époque, des civils y logent encore, ils le quittent au moment de l'évacuation définitive organisée vers la mi-février de cette année, quelques jours avant l'offensive en direction de Verdun. Après la prise du village le 25 février, les occupants postérieurs du « château » sont des militaires allemands. Dans ses caves, ils aménagent un poste de secours attesté seulement à compter d'avril suivant ; selon les périodes, ce RS. devient une installation avancée du poste de secours principal d'Azannes. Cette installation fonctionne tout au long de la présence allemande dans cette région. Y sont traités les blessés qui arrivent à se traîner depuis les lignes situées plus à l'Ouest ou sont amenés par les brancardiers. Normalement, après avoir reçu des soins, ils sont évacués par ambulances hippomobiles vers Azannes ou par chemin de fer à voie de 0,60 m : un Benzolbahn, c'est-à-dire un train avec une motrice consommant du benzol. En dépit des bombardements, ce train réussit à venir de la ferme Sorel, à environ onze kilomètres au nord-est de Bezonvaux, jusqu'à une halte dont le nomde code est «Togo », située sans doute à l'est du village, hors de portée des tirs habituels de l'artillerie de campagne française. A partir de là, à certaines périodes, des wagons peuvent être approchés du village, en tant que Fôrderbahn (wagons tractés par un cheval ou des hommes ou poussés à la main). Les blessés les plus gravement atteints, intransportables, demeurent provisoirement dans les caves du « château » ; s'ils décèdent, ils sont enterrés dans le jardin. Dans les caves, le médecin-chef de la 21.LD. installe aussi un dépôt de matériels sanitaires. A partir des 15-16 décembre 1916, dates du repli allemand, le sort du « château » est inconnu. Une chose est certaine : comme la plupart des constructions principales de l'agglomération, il est encore identifiable en 1917 ; il disparaît peu à peu sous l'effet des bombardements. Quant au petit cimetière implanté dans son jardin, il y demeure jusque dans les années 30.

     

    Des sites particuliers sur la commune

    Bezonvaux : les façades Ouest et Sud du " château " (printemps 1916) ; sur les restes d'une fenêtre de la façadde sud est accroché un fanion blanc à croix rouge permettant de connaître l'existence d'un poste de secours; à droite léglise et les maisons bordant la Grande Rue.


  • La ferme de Méraucourt ou Muraucourt est l'ensemble de bâtiments situés à 700 mètres au sud-est de Bezonvaux, en bordure de la route Ornes-Damloup. Les Allemands l'appelleront tardivement « Amerika Ferme » : il s'agirait d'une allusion à une batterie française qui, au printemps 1917, en une minute, aurait envoyé sur elle et ses environs immédiats 54 obus dont 52 qui n'éclatent pas ; ces ratés furent alors attribués à la mauvaise qualité des munitions livrées par les Etats-Unis à la France. On a du mal à imaginer qu'en 1916 ce site - aujourd'hui un vaste champ cultivé - grouille de soldats et regorge de matériels ; il faut dire qu'au printemps de cette année, des bâtiments sont encore intacts ou à peu près et qu'en tout état de cause, pendant des mois encore, tous les murs sont debout.

    Des sites particuliers sur la commune

    La route Ornes-Damloup dans les environs de la ferme Méraucourt .

     

    Située près de la route Ornes-Damloup, au débouché de deux ravins orientés vers Hardaumont ainsi que Vaux, et reliée par des pistes aux différents ouvrages, cette ferme est un lieu de passage pour les unités qui vont vers l'avant ou sont relevées. C'est aussi un relais et un vaste dépôt du génie (Pionierlager) : on sait d'ailleurs que le 11 juillet, il y a des pionniers48 en renfort de l'L.R. 126 qui est en première ligne et, selon l'historique du 1.bay.E.R., la ferme est encore un dépôt en décembre. Comme exemples du fonctionnement de celui-ci, deux autres attestations ont été trouvées : le 7 mai, l'I.R.158 vient s'y approvisionner en grenades ; lorsque I'I.R. 67 monte en ligne, les hommes y perçoivent chacun six grenades à main et, ultérieurement, ses détachements deporteurs trouvent là des étais pour boiser les abris, des munitions, des outils de terrassement, du fil de fer, etc. C'est aussi le lieu jusqu'où viennent les cuisines roulantes. Elles y sont abritées le long du mur d'enceinte : ceci est attesté par l'historique du R.I.R. 7 le 10 mars. On sait encore qu'à la mi-avril, celles du bataillon en alerte-réserve de l'L.R. 158 bataillon installé sur la pente nord-est d'Hardaumont ont également été amenées jusqu'à la ferme ; les «corvées de soupe » viennent s'y approvisionner. A cette époque, il y a également une cuisine pour faire du café : elle est détruite par un obus le 3 mai. Cette ferme est encore un relais dans l'évacuation et le traitement des blessés. Pendant son séjour dans le secteur de Vaux et l'utilisation de la zone arrière pour ses besoins, la 50.I.D. y a créé un abri souterrain pour dix blessés, suffisamment vaste et bien protégé. Le 13 mars, des blessés français et allemands, qui sortent des ruines du village de Vaux, pas encore pris par les Allemands, sont envoyés au poste de secours régimentaire du R.I.R 7 installé dans la ferme. Celle-ci est fortement bombardée dans l'après-midi : certains blessés sont touchés une seconde fois et il y a des pertes tant chez les Allemands que parmi les Français. Le médecin-chef du régiment rédige un mot dans lequel il note que ce tir sur la ferme de Méraucourt provoque des pertes également sur des blessés français. II le fait porter à l'avant afin qu'il soit remis à un poste français par un parlementaire. La démarche ne semble pas avoir réussi. A la mi-avril, un abri sanitaire (Sanitâtsstation) y existe toujours. On sait qu'en mai les soins sont supervisés par un médecin-capitaine de l'L.R. 158. Y sont encore attestés les postes de secours du Pi.Btl.1 en avril-mai et de l'I.R.126 (son poste de secours avancé étant dans le fort de Vaux) le 11 juillet. Une partie des blessés arrive par un chemin venant du ravin du Muguet et sur le parcours duquel se trouve un point de rassemblement de blessés : c'est le cas notamment pour ceux du Fussart.R. 4 en position dans le secteur. Toute cette activité n'échappe pas à l'observation de l'adversaire qui tient souvent la ferme sous le feu de l'artillerie. A l'ouest des bâtiments, dans une dépression, est situé un Bereitschaftlager baptisé le « camp du ravin » (Schluchtlager) : son existence est attestée par le I./I.R. 60 qui s'y installe après la relève de son régiment. En outre, dans les environs, il y a une grande concentration d'artillerie. Ainsi, le 10 mars, le groupement Leidenfrost/Fda.R.241, qui a des positions vers le bois du Grand Chénas, se trouve dans deux cuvettes situées sur la pente au sud de la ferme, à l'ouest de la route Ornes-Damloup. Pendant ce temps, le commandant du Fda.R. 241 coiffe le I./R.Fda.R.10 et le groupement Steudner/Fda.R.241, avec son P.C. dans un petit bois à l'est de la voie ferrée et au sud du ruisseau de Bezonvaux. Dans cette zone, de nombreuses pièces d'artillerie sont en batterie, mal dissimulées dans les creux et derrière des buissons. Le Fda.R. 241 est rattaché à la 9.R.D. qui tient le secteur face au fort de Vaux. II repasse à la 121.I.D., qui est en ligne entre celui-ci jusqu'au sud-ouest du fort de Douaumont. Il est relevé les 21, 22 et 23 avril et ses batteries N° 1, 4 et 5 éprouvent alors des pertes sensibles, notamment en chevaux. Ses pertes totales en blessés et morts, au cours de cette période, sont de 19 officiers, 34 sous-officiers et 186 hommes. II est relevé par le Fda.R. 52 qui s'installe au sud-est de la ferme et dans les ravins à l'ouest de la route Ornes¬Damloup, avant d'être ramené en arrière dans le Bois des Embagneux : ses objectifs à bombarder se situent dans le bois Fumin.

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    La ferme de Méraucourt photographiée d'Est en Ouest par un médecin de la 50 ème compagnie sanitaire. ( 1916)

     

    Les routes de la zone de Bezonvaux et Méraucourt jouent un rôle important. Pour cette raison, elle font l'objet d'un entretien particulier, notamment par la 50.I.D. D'ailleurs, cette grande unité, qui combat dans le secteur de Vaux du 14 avril au 20 novembre, répare et entretient un réseau important de voies fortement endommagées par les bombardements. Elles sont situées dans la région de Morgemoulin, Dieppe, Mogeville, Maucôurt, de la cote 307 (une des deux Jumelles d'Ornes) et d'Ornes ; il y a notamment celle qui va de Bezonvaux à la ferme de Méraucourt. L'entretien de ces axes et d'autres allant plus en arrière est assuré par trois compagnies de travailleurs militaires (Armierungskompanien), avec un effectif approximatif de 750 hommes. Le 16 décembre suivant, la ferme se retrouve dans le no man's land entre les premières lignes françaises et allemandes. Jusqu'à la fin de la guerre, elle est visitée par les patrouilles des deux camps : par exemple, dans la nuit du 17 au 18 juillet 1918, une patrouille du IIL/I.R.177 avance jusqu'à la ferme et constate que des petits postes français y sont installés ; la nuit suivante, une du II./I.R. 177 ne trouve personne ; au cours de celle du 19 au 20, une patrouille du même bataillon s'y heurte à un fort élément français. Manifestement, l'adversaire qui voulait enlever un poste de sous-officiers de ce bataillon est repoussé par la patrouille allemande qui ouvre le feu, lance des grenades et capture un prisonnier. Au cours de son repli, celui-ci est légèrement blessé, mais elle perd deux de ses membres qui disparaissent au cours de ce mouvement. Aussitôt après l'accrochage, l'artillerie française déclenche un bombardement sur la première ligne allemande. Après la guerre, la végétation repousse et les ruines de la ferme disparaissent dans les broussailles. En 1978, ce coin comme d'autres à l'est de la route Ornes-Damloup est déboisé et aplani. L'année suivante, la mise en culture fait disparaître les rares vestiges des bâtiments : il n'en reste plus que quelques pierres et divers objets que la charrue met au jour, notamment de nombreuses petites fioles attestant l'existence, en ce lieu, d'une installation sanitaire. Vingt-cinq ans plus tard, les travaux agricoles ont quasiment fait disparaître toute trace des bâtiments ; toutefois, les labours continuent de ramener à la surface des pierres, des fragments de tuile ainsi que des dizaines d'obus.

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    La ferme de Méraucourt photographiée du Sud vers le Nord, à proximité de la route (Ornes-)Bezonvaux-Damloup (1916)
     

  • L'ouvrage, lui aussi, a déjà été décrit précédemment. Jusqu'à l'attaque du 21 février 1916, il est épisodiquement occupé. En 1915, des bombardements s'abattent sur le plateau d'Hardaumont et la région avoisinante sans lui occasionner de dégâts. Si l'on se réfère à ce qu'a écrit l'historien Louis Madelin, mobilisé comme sous-officier de réserve au 44 R.I.T. puis affecté dans un état-major, ces bombardements perturbent la vie de ceux qui cantonnent dans l'ouvrage de Bezonvaux :

     « ... les 5 et 7 compagnies feront désormais leur exercice le matin, en raison des heures habituelles de bombardement des ouvrages de Bezonvaux et Hardaumont ».

    Les Allemands, qui occupent l'ouvrage le 26 février 1916, lui conservent l'appellation d'ouvrage d'intervalle (Zwischenwerk, Z.Werk ou Z.W.) et lui donnent quelquefois celle d'ouvrage en terre (Erdwerk). Ils laissent en place les protections des accès des abris mis en place par les Français (des avancées pare-éclats faites de troncs d'arbres, de planches et de sacs remplis de terre) et même la pancarte « Plutôt périr enterré que de se rendre », toujours accrochée en face de l'entrée de l'ouvrage. Dès son occupation, des états-majors viennent se mettre à l'abri dans celui-ci. Un poste de secours s'y installe également. A différentes époques, des réserves y séjournent : une compagnie dans l'ouvrage même et d'autres aux alentours dans des « trous de renard ». Le site sert, en outre, de relais pour les relèves, notamment pour celles venant de la région des Jumelles d'Ornes et se dirigeant vers le village de Vaux ainsi que la digue de l'étang proche (et inversement). Pour mars, on dispose d'un certain nombre d'informations. Le 10, l'état-major du R.I.R. 7 vient s'y loger. Il y trouve ses homologues des I.R. 24, Gr.R. 8 et R.I.R. 19. Tous les coins sont occupés et des téléphones de campagne sont installés partout. L'éclairage est réalisé par des lampes à acétylène. Les bataillons bivouaquent dans un creux situé à mi-pente. Le 11, les 1. et II./R.I.R.7 prennent la route Ornes-Damloup en direction de Vaux (le III./R.I.R. 7 se rendant au village de Vaux par la ferme de la Plume). Quant à l'état-major régimentaire, il quitte l'ouvrage où il s'était arrêté pour un emplacement de batterie permanent, construit avant la guerre et situé au nord-est de l'ouvrage d'Hardaumont. Le même jour, c'est l'état-major de l'I.R.60 qui vient s'installer dans l'ouvrage et le II./I.R. 60 y est mis en réserve (le III/I.R. 60 est en soutien dans l'ouvrage d'Hardaumont). Le 12 au matin, le II./I.R. 60 entreprend de creuser un boyau entre les deux ouvrages.

     

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    L'ouvrage de Bezonvaux (été ou automne 1916): le cliché, pris par un militaire de la 21.R.D., montre deux officiers entrant dans la cour par l'entrée dont on distingue la grille ainsi que le renfoncement destinée à protéger une sentinelle.

     

    Le 14, le travail est bien avancé. Le lendemain, le II./I.R. 60 passant en soutien, la tâche est reprise par le I.I.R. 60. Le 13, un poste optique communiquant avec la cote 307 est monté sur l'ouvrage, un dépôt du génie (Pionierpark) s'y installe et un renfermant 6 000 rations métalliques y est créé. Le même jour, un détachement de quatorze estafettes avec seize chevaux, appartenant au Jg.z.Pf.R.12 et subordonné à l'I.R.60, est mis en place à proximité de l'ouvrage. C'est le départ d'un relais d'estafettes montées passant par Ornes, le bois du Breuil, le Q.G. de la 121.I.D. et aboutissant à celui du V.R.K. à Vaudoncourt. Le 17, le lll./I.R. 60 y est mis en réserve et le 18 le I.I.R. 60 ; dans la nuit suivante, le régiment étant relevé par le R.I.R. 56, c'est le III./I.R. 60 qui revient en tant que réserve de la brigade (pendant que l'état-major régimentaire, le II./I.R. 60 et les mitrailleuses vont aux Jumelles d'Ornes). Naturellement, l'ouvrage est en permanence soumis aux tirs de l'artillerie française. En avril, l'occupation des abris par un ou plusieurs poste de secours et des états-majors est confirmée par le témoignage du chasseur Arndt (R. Jàg.Btl. 5): le 11, son bataillon monte en ligne dans le secteur de Vaux pour la seconde fois ; l'itinéraire suivi passe par le talus de l'ancienne voie ferrée d'intérérêt local puis l'unité gagne l'ouvrage de Bezonvaux. On dispose aussi du témoignage du Gr.R. 1 qui arrive sur ce site dans la nuit du 18 au 19. Le commandant de ce régiment, qui prend la responsabilité du secteur, trouve dans l'ouvrage des états-majors, des officiers de liaison, des estafettes, des téléphonistes, des ordonnances, etc. Un officier de cette unité est désigné pour mettre un semblant d'ordre dans cette pagaille. En particulier, il répartit les locaux et les espaces disponibles et fait construire des appentis. L'existence d'un poste de secours est également attesté par plusieurs photos, notamment par celle bien connue, datant d'avril 1916, sur laquelle on distingue un panneau avec l'inscription « Vers le poste de secours du R.I.R. 87 » (+ Zum + Truppenverbandplatz R.I.R. 87).
     

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    L'ouvrage de Bezonvaux (avril 1916) : la cour intérieur, à gauche, l'entrée de l'abri nord est protégée par un blindage de troncs d'arbres; au centre, une pancarte indique l'existence d'un poste de secours et le numéro de l'unité :
    " + Zum+ Truppenverbandplatz RIR 87 " .

     

    Le 21 mai vers 10 h 30, cinq obus à gaz s'abattent sur l'ouvrage (au total, une centaine tombe à la fois sur celui-ci et le Fond du Loup). Le Gr.R. 1 a des pertes : un officier et deux hommes meurent dans la nuit ; onze gazés sont évacués vers un hôpital. Dans l'été, le fonctionnement du poste de secours est encore attesté : c'est même un poste de secours principal relevant du niveau divisionnaire. En juillet, la San.K.17 y amène des blessés du R.I.R. 80. Le mois suivant, une division y installe un élément avancé qui dépend du poste de secours principal fonctionnant dans le bois du Breuil ; l'accueil des blessés se fait dans la cour de l'ouvrage, alors que celui-ci est bombardé constamment. Un des deux abris construits avant la guerre a été transformé en salle d'opérations où celles-ci sont réalisées dans une demi-obscurité ; l'autre est plein de blessés. Au cours de ce même mois d'août, le 4, la présence du R.I.R. 80 est également attestée dans l'ouvrage. Un bombardement intensif, et plus seulement sporadique, commence le 11 décembre. Le 14, l'artillerie française bouleverse l'ouvrage, démolissant les deux abris ; à 22 h 20, la station de transmission optique située à proximité est touchée. L'infanterie française occupe le site le 15 à 10 h 15, repoussant des éléments de la 39.bay.R.D. A certaines périodes, des batteries sont position¬nées sur les pentes aux alentours de l'ouvrage ; à une époque, des mortiers de 21 cm n'en sont distants que de 200 mètres environ. Celui-ci est situé sur un des itinéraires allant de la ferme de Méraucourt vers l'étang de Vaux ou en revenant. Depuis Ornes, les relèves empruntent le talus du chemin de fer à voie métrique, pour éviter la route de Bezonvaux bombardée, puis le chemin montant de cette route au sud du village jusqu'à l'ouvrage. Au-delà, elles ont le choix entre deux pistes : le « sentier de la mort » (Todespfad) menant vers Vaux à ne pas confondre avec le « chemin de la mort » partant de Bezonvaux en direction de Douaumont ou le « boyau des grenadiers » (Grenadiergraben), dénommé ainsi par le Gr.R. 1 et permettant de relier l'ouvrage au ravin des Grands Houyers (Jagow- ou Nord-Sud-Schlucht) ainsi qu'à l'ancienne voie métrique Vaux-Verdun. Près de l'ouvrage a été créé un petit cimetière où la plupart des corps sont enterrés dans une fosse commune, si possible en présence d'un aumônier. Les victimes du bombardement par obus à gaz du 21 mai y sont déposées. Après sa reprise par les Français, l'ouvrage demeure utilisable en dépit de son état. Sur les deux abris, l'un est complètement détruit, l'autre offre encore une relative couverture contre les projectiles de petits calibres. Il existe aussi une galerie souterraine intacte, creusée par les Allemands sous.la banquette de tir du côté sud, avec deux puits d'accès : un de chaque côté de l'entrée de l'ouvrage. Les banquettes de tir entourant celui-ci ne sont pas entièrement ruinées et il reste des éléments du réseau de fils de fer barbelés. 

     

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    L'ouvrage de Bezonvaux (1916) : au premier plan à droite, l'abri Sud-Est transformé en poste de secours ( au premier plan des brancars, des équipements et des armes récupérées sur les blessés) ; au centre et à gauche, des prisonniers français en attendant d'être conduits vers l'arrière; au fond l'entrée de l'abri Nord.

     

     

    Quant aux fortifications de campagne réalisées autour de l'ouvrage, elles n'ont pas été nivelées. L'ensemble, à condition d'être remis un peu en état, peut constituer un centre de résistance d'autant plus important qu'il domine la Woëvre et permet de surveiller, de jour, la première ligne française vers le Nord et l'Est. L'intérêt que présente cet ensemble n'échappe pas aux Allemands qui veulent savoir ce qui s'y passe : il est choisi comme objectif d'un certain nombre d'actions Pour les positions proches de l'ouvrage, certaines ont déjà été mentionnées : « 123 »,» Udine » et « Hermann ». Deux autres, visant plus particulièrement la redoute, méritent d'être relatées. La première, une reconnaissance offensive, a lieu dans la nuit du 26 au 27 août 1918. Une forte patrouille constituée de trois groupes du I./I.R. 177 parvient à s'infiltrer jusqu'au front nord-est de l'ouvrage. Articulés en deux groupes, les patrouilleurs observent l'importance des défenses accessoires, l'état des lieux ainsi que le volume de la garnison, puis réalisent des passages dans le réseau à plusieurs endroits et finissent par se faire repérer. La progression devient impossible en raison de la fusillade dont les patrouilleurs sont l'objet et du lancement d'artifices lumineux qui éclairent le terrain. Cependant, le repli n'est pas difficile car les Français n'engagent pas de poursuite. Vers 4 h 50, le détachement rejoint les lignes allemandes. La seconde opération, un coup de main, se déroule dans la nuit du 10 au 11 septembre.Auparavant, pendant quelques jours, près de Loison, un détachement de choc du même régiment, ayant un effectif conséquent et renforcé de mitrailleuses, s'entraîne à exécuter la mission qui lui a été fixée sous le nom de code d'« Hermann ». Le 11 après minuit, le détachement franchit les avant-postes allemands et s'avancent dans le no man's land marécageux qui va jusqu'au pied des Hauts-de-Meuse. Il peut sans encombre parvenir jusqu'au niveau de l'ouvrage. Ayant mis en place des couvertures latérales et une postérieure, il pénètre dans le réseau de fils de fer. Le but est de s'emparer d'un petit poste situé dans un élément de tranchée creusé sur le côté ouest de l'ouvrage et de récupérer des prisonniers en vue de les faire parler pour connaître l'importance de la garnison. En dépit des précautions prises pour franchir les obstacles et couper les fils, l'infiltration est décelée. Le détachement se replie sous le feu des Français qui lancent aussi des grenades, la poursuite de l'avance paraissant impossible. Toutefois, après un moment d'attente, une attaque est essayée par surprise contre les tranchées occupées par les défenseurs. Elle échoue et, finalement, les assaillants se retirent et regagnent leurs lignes avant l'aube.Aujourd'hui, compte tenu des bombardements, notamment de ceux préparatoires à l'attaque du 15 décembre 1916, l'ouvrage est complètement détruit. Pendant des décennies, il a été difficile à découvrir. Quelques travaux, préparatoires à un projet plus ambitieux, permettent de le visiter plus aisément ; d'autres devraient ultérieurement faciliter son accès au public.

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    L'ouvrage de Bezonvaux (2005) : vue partielle de l'abri Sud-Est

     


  • La Vauche, à l'ouest de Bezonvaux, est une hauteur partiellement boisée, limitée au nord par le Fond des Rousses et au sud par le ravin d'Hassoule. La particularité de ce site est qu'en 1915/16, on y a vu des marins à pompon rouge : des artilleurs du ler régiment de canonniers marins. Ils sont les servants de deux puis d'une seule pièce d'artillerie dont le tir s'est arrêté devant l'avance allemande le 24 février 1916. Le 2 octobre 1914 se présente à Verdun un détachement venu de Brest pour réceptionner et positionner les dix-huit pièces de 14 cm Mle 1910 déjà arrivées sur place. Elles étaient destinées à l'armement du cuirassé « Provence » et sont dirigées en septembre-octobre de Lorient sur Verdun. Deux sont mises en place dès octobre, les autres en 1915 : parmi ces dernières, deux sont installées à La Vauche ; à une date inconnue, l'une est retirée de son emplacement. Les transports correspondants sont effectués au moyen d'une voie de 0,60 m. Celle qui reste, numérotée « S-C 1913 N° 9 », est placée dans une cuve sans blindage reliée à plusieurs tranchées et complétée par un dépôt de munitions ainsi qu'un abri bétonné pour les servants. Casematée et semi-enterrée, elle est protégée des vues par un camouflage de branches. La liaison avec l'arrière s'effectue grâce à une voie de 0,60 m dont les rails ont été poussés jusqu'à proximité de l'emplacement de tir. Comme sa voisine des Chambrettes, elle tente de contrebattre l'artillerie lourde allemande au nord-est de Verdun. Sous la direction du lieutenant de vaisseau Héret, elle tire sur Billy-sous-Mangiennes et deux emplacements de canons de 38 cm implantés, l'un dans le bois de Muzeray, l'autre à la ferme Sorel. Dans l'une de ses oeuvres, l'historien Louis Madelin fait état de la présence de cette pièce, entre autres à travers l'anecdote suivantes :

    « Il y avait à Bezonvaux un joyeux lieutenant que leur obstination (celles de prisonniers allemands) dans leur jobardise tour à tour égayait et irritait. Un jour qu'un gros landwehrien que je vois encore, brute aux yeux de faïence bleue sous un front bas à la rude chevelure rousse, lui avait servi que les Allemands tenaient Fertoun, notre lieutenant, désespérant de le convaincre et désireux d'avoir le dernier mot, entendit opposer mystification à mystification. Depuis peu, ..., des pièces de marine garnissaient nos hauteurs ; l'une d'elles était précisément installée au-dessus de Bezonvaux, servie bien entendu par des marins au pompon rouge. Le prisonnier montra quelque étonnement de la présence de ces marins sur les Côtes de Meuse. « Eh quoi ! s'écria l'aimable officier qui tenait sa vengeance, eh quoi ! ne vous a¬t-on pas dit que nous avions par un vaste canal amené la mer à Verdun ? » et, d'un geste ample, embrassant la vallée de la Meuse ce jour-là enveloppée d'un brouillard opaque : « Toute l'escadre est là. » Le prisonnier parût écrasé. » 

    Dès le début de la bataille, le 21 février 1916, toutes les pièces de marine en position autour de Verdun sont bombardées par l'artillerie lourde allemande et reçoivent des obus à gaz. En dépit de cette situation, les canonniers exécutent des tirs. Le 24, les Allemands débouchent de Louvemont et de la cote 374, s'emparent du bois des Fosses et arrivent à l'est de La Vauche. Avant de quitter la position, les servants de la pièce « S-C 1913 N° 9 » procèdent au sabotage de leur matériel ; l'opération est difficile : la mise à feu du dispositif de pétardage destiné à endommager la bouche du canon échoue trois fois. Néanmoins, la culasse est démontée et enterrée au cours du repli. En ce qui concerne les autres pièces servies par des marins, celle des Chambrettes est détruite à l'explosif, celles du bois Le Fays et de l'Herbebois ont déjà été sabotées, celle de Cumières l'est également le 24, celles de Vaux, du bois d'Herméville et du bois d'Hennemont le seront le lendemain. L'ensemble des personnels s'est replié sur Verdun. Nul ne sait ce qu'est devenu le canon de La Vauche : il a sans doute été démonté par l'occupant et transporté en Allemagne pour y être ferraillé. Quant à la position où il était en batterie, elle est occupée par les Allemands ; elle sert entre autres de P.C. à l'I.R. 20. d'avril à juin.

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    La Vauche (printemps 1916) : la position du canon due 14 cm occupée par les Allemands.