• La ferme de Meraucourt et ses environs

    La ferme de Méraucourt ou Muraucourt est l'ensemble de bâtiments situés à 700 mètres au sud-est de Bezonvaux, en bordure de la route Ornes-Damloup. Les Allemands l'appelleront tardivement « Amerika Ferme » : il s'agirait d'une allusion à une batterie française qui, au printemps 1917, en une minute, aurait envoyé sur elle et ses environs immédiats 54 obus dont 52 qui n'éclatent pas ; ces ratés furent alors attribués à la mauvaise qualité des munitions livrées par les Etats-Unis à la France. On a du mal à imaginer qu'en 1916 ce site - aujourd'hui un vaste champ cultivé - grouille de soldats et regorge de matériels ; il faut dire qu'au printemps de cette année, des bâtiments sont encore intacts ou à peu près et qu'en tout état de cause, pendant des mois encore, tous les murs sont debout.

    Des sites particuliers sur la commune

    La route Ornes-Damloup dans les environs de la ferme Méraucourt .

     

    Située près de la route Ornes-Damloup, au débouché de deux ravins orientés vers Hardaumont ainsi que Vaux, et reliée par des pistes aux différents ouvrages, cette ferme est un lieu de passage pour les unités qui vont vers l'avant ou sont relevées. C'est aussi un relais et un vaste dépôt du génie (Pionierlager) : on sait d'ailleurs que le 11 juillet, il y a des pionniers48 en renfort de l'L.R. 126 qui est en première ligne et, selon l'historique du 1.bay.E.R., la ferme est encore un dépôt en décembre. Comme exemples du fonctionnement de celui-ci, deux autres attestations ont été trouvées : le 7 mai, l'I.R.158 vient s'y approvisionner en grenades ; lorsque I'I.R. 67 monte en ligne, les hommes y perçoivent chacun six grenades à main et, ultérieurement, ses détachements deporteurs trouvent là des étais pour boiser les abris, des munitions, des outils de terrassement, du fil de fer, etc. C'est aussi le lieu jusqu'où viennent les cuisines roulantes. Elles y sont abritées le long du mur d'enceinte : ceci est attesté par l'historique du R.I.R. 7 le 10 mars. On sait encore qu'à la mi-avril, celles du bataillon en alerte-réserve de l'L.R. 158 bataillon installé sur la pente nord-est d'Hardaumont ont également été amenées jusqu'à la ferme ; les «corvées de soupe » viennent s'y approvisionner. A cette époque, il y a également une cuisine pour faire du café : elle est détruite par un obus le 3 mai. Cette ferme est encore un relais dans l'évacuation et le traitement des blessés. Pendant son séjour dans le secteur de Vaux et l'utilisation de la zone arrière pour ses besoins, la 50.I.D. y a créé un abri souterrain pour dix blessés, suffisamment vaste et bien protégé. Le 13 mars, des blessés français et allemands, qui sortent des ruines du village de Vaux, pas encore pris par les Allemands, sont envoyés au poste de secours régimentaire du R.I.R 7 installé dans la ferme. Celle-ci est fortement bombardée dans l'après-midi : certains blessés sont touchés une seconde fois et il y a des pertes tant chez les Allemands que parmi les Français. Le médecin-chef du régiment rédige un mot dans lequel il note que ce tir sur la ferme de Méraucourt provoque des pertes également sur des blessés français. II le fait porter à l'avant afin qu'il soit remis à un poste français par un parlementaire. La démarche ne semble pas avoir réussi. A la mi-avril, un abri sanitaire (Sanitâtsstation) y existe toujours. On sait qu'en mai les soins sont supervisés par un médecin-capitaine de l'L.R. 158. Y sont encore attestés les postes de secours du Pi.Btl.1 en avril-mai et de l'I.R.126 (son poste de secours avancé étant dans le fort de Vaux) le 11 juillet. Une partie des blessés arrive par un chemin venant du ravin du Muguet et sur le parcours duquel se trouve un point de rassemblement de blessés : c'est le cas notamment pour ceux du Fussart.R. 4 en position dans le secteur. Toute cette activité n'échappe pas à l'observation de l'adversaire qui tient souvent la ferme sous le feu de l'artillerie. A l'ouest des bâtiments, dans une dépression, est situé un Bereitschaftlager baptisé le « camp du ravin » (Schluchtlager) : son existence est attestée par le I./I.R. 60 qui s'y installe après la relève de son régiment. En outre, dans les environs, il y a une grande concentration d'artillerie. Ainsi, le 10 mars, le groupement Leidenfrost/Fda.R.241, qui a des positions vers le bois du Grand Chénas, se trouve dans deux cuvettes situées sur la pente au sud de la ferme, à l'ouest de la route Ornes-Damloup. Pendant ce temps, le commandant du Fda.R. 241 coiffe le I./R.Fda.R.10 et le groupement Steudner/Fda.R.241, avec son P.C. dans un petit bois à l'est de la voie ferrée et au sud du ruisseau de Bezonvaux. Dans cette zone, de nombreuses pièces d'artillerie sont en batterie, mal dissimulées dans les creux et derrière des buissons. Le Fda.R. 241 est rattaché à la 9.R.D. qui tient le secteur face au fort de Vaux. II repasse à la 121.I.D., qui est en ligne entre celui-ci jusqu'au sud-ouest du fort de Douaumont. Il est relevé les 21, 22 et 23 avril et ses batteries N° 1, 4 et 5 éprouvent alors des pertes sensibles, notamment en chevaux. Ses pertes totales en blessés et morts, au cours de cette période, sont de 19 officiers, 34 sous-officiers et 186 hommes. II est relevé par le Fda.R. 52 qui s'installe au sud-est de la ferme et dans les ravins à l'ouest de la route Ornes¬Damloup, avant d'être ramené en arrière dans le Bois des Embagneux : ses objectifs à bombarder se situent dans le bois Fumin.

    Des sites particuliers sur la commune

    La ferme de Méraucourt photographiée d'Est en Ouest par un médecin de la 50 ème compagnie sanitaire. ( 1916)

     

    Les routes de la zone de Bezonvaux et Méraucourt jouent un rôle important. Pour cette raison, elle font l'objet d'un entretien particulier, notamment par la 50.I.D. D'ailleurs, cette grande unité, qui combat dans le secteur de Vaux du 14 avril au 20 novembre, répare et entretient un réseau important de voies fortement endommagées par les bombardements. Elles sont situées dans la région de Morgemoulin, Dieppe, Mogeville, Maucôurt, de la cote 307 (une des deux Jumelles d'Ornes) et d'Ornes ; il y a notamment celle qui va de Bezonvaux à la ferme de Méraucourt. L'entretien de ces axes et d'autres allant plus en arrière est assuré par trois compagnies de travailleurs militaires (Armierungskompanien), avec un effectif approximatif de 750 hommes. Le 16 décembre suivant, la ferme se retrouve dans le no man's land entre les premières lignes françaises et allemandes. Jusqu'à la fin de la guerre, elle est visitée par les patrouilles des deux camps : par exemple, dans la nuit du 17 au 18 juillet 1918, une patrouille du IIL/I.R.177 avance jusqu'à la ferme et constate que des petits postes français y sont installés ; la nuit suivante, une du II./I.R. 177 ne trouve personne ; au cours de celle du 19 au 20, une patrouille du même bataillon s'y heurte à un fort élément français. Manifestement, l'adversaire qui voulait enlever un poste de sous-officiers de ce bataillon est repoussé par la patrouille allemande qui ouvre le feu, lance des grenades et capture un prisonnier. Au cours de son repli, celui-ci est légèrement blessé, mais elle perd deux de ses membres qui disparaissent au cours de ce mouvement. Aussitôt après l'accrochage, l'artillerie française déclenche un bombardement sur la première ligne allemande. Après la guerre, la végétation repousse et les ruines de la ferme disparaissent dans les broussailles. En 1978, ce coin comme d'autres à l'est de la route Ornes-Damloup est déboisé et aplani. L'année suivante, la mise en culture fait disparaître les rares vestiges des bâtiments : il n'en reste plus que quelques pierres et divers objets que la charrue met au jour, notamment de nombreuses petites fioles attestant l'existence, en ce lieu, d'une installation sanitaire. Vingt-cinq ans plus tard, les travaux agricoles ont quasiment fait disparaître toute trace des bâtiments ; toutefois, les labours continuent de ramener à la surface des pierres, des fragments de tuile ainsi que des dizaines d'obus.

    Des sites particuliers sur la commune

    La ferme de Méraucourt photographiée du Sud vers le Nord, à proximité de la route (Ornes-)Bezonvaux-Damloup (1916)