• 1916 : Bezonvaux dans la bataille de Verdun

    Mi-février 1916 : Bezonvaux vidé de ses habitants est dans l'attente de la grande attaque allemande qui va se déclencher. Lorsqu'elle survient, la prise du village et de ses environs est rapide. A partir de là, l'occupation par l'armée allemande se prolonge à peu près autant que dure la bataille de Verdun : environ dix mois.

     

    1916 : Bezonvaux dans la bataille de Verdun

    Un des derniers clichés de Bezonvaux avant le bonbardement de février 1916 : un 
    Verdunois, le capitaine (de réserve) René Panau de 44 eme R.I.T, dans la grande
    rue; au fond à gauche, le mur clôturant le jardin du "château"; au centre,
    l'escalier conduisant à l'église; à droite le ruisseau. 

  • La situation en janvier 1916 est telle que le Grand Quartier Général et le commandement de la région fortifiée de Verdun (R.F.V.) prennent différentes mesures destinées à préparer celle-ci à résister : elles concernent notamment l'organisation des positions fortifiées et la mise en place des troupes. Les fortifications de campagne sont renforcées ou réorganisées. La seconde position est détaillée par une note en date du 22 de ce mois : ce n'est plus exactement celle que le groupe d'armées de l'Est avait déjà redéfinie dans une directive du 8 novembre 1915 et à qui, d'ailleurs, le mauvais temps avait causé des dégâts sérieux (il en est de même de toutes les organisations qui s'étendent en-deçà jusqu'à l'ancien périmètre extérieur inclus de la place). Cette seconde position est désormais jalonnée par Samogneux, la ferme de Mormont, Beaumont, le bois des Fosses, le plateau des Caurrières. Elle est flanquée à gauche par la Meuse, au bord de laquelle Samogneux est organisé défensivement ; à droite, le flanquement est constitué par les bois de Chaume et des Caurrières, mis en état de défense à proximité des villages d'Ornes et de Bezonvaux, eux-mêmes transformés en centres de résistance. Tout ce qui est au-delà constitue l'ensemble de la 1ère position. La 2 position nouvelle se relie à celle de la Woëvre (Grand Chénas, Dieppe, ferme d'Haraigne) par Bezonvaux et, derrière elle, est prévu le tronçon d'une autre : celle qui va du bois Bourrus (rive gauche) jusqu'au fort de Vaux en passant par Douaumont-Hardaumont, avec un prolongement par le rebord des Hauts-de-Meuse de Damloup à Mesnil-sous-les-Côtes. Les travaux nécessaires à ce renforcement ou cette réorganisation sont menées activement : par exemple, du 24 janvier au 15 février, alors que se précisent chaque jour davantage les indices d'attaque, le 165e R.I. travaille à améliorer les défenses sur le front Samogneux, cote 344, ferme de Mormont, bois des Fosses, bois de Chaume, plateau des Caurrières. Chaque nuit, sous une pluie continuelle, dans la boue glacée, la troupe fournit un effort pénible. En outre, dans la perspective de l'événement attendu, l'articulation des forces françaises est modifiée, notamment sur la rive droite. On trouve donc de la Meuse au bois le Comte (inclus) la 72e D.I., du bois de Ville (inclus) au sud-est d'Ornes la 51e D.I. et d'Ornes à Fromezey (inclus) la 14 D.I. renforcée de la 212e brigade territoriale (212e Br.T.). Le 12 février vers 16 h 45, le 243e R.I. reçoit l'ordre de la 101 brigade d'être en alerte. Il abandonne les travaux qu'il exécute sur la rive droite pour rejoindre ses cantonnements : le 6e bataillon (avec l'état-major régimentaire) au fort de Douaumont et le 5e à Bezonvaux. Ces unités se tiennent prêtes en cas de nouvelle alarme. A compter du 15, elles exécutent des travaux dans les bois de Chaume et de Wavrille ; le 18, elles occupent des emplacements sur la ligne cote 378 (est de Louvemont)-bois de Chaume-Ornes. Dans le même temps, la 51 D.I. positionne de l'artillerie (avec P.C. dans le fort de Douaumont) dans les ravins autour de Bezonvaux qui sont dans son secteur (le village n'y est pas inclus) : 1 pièce de 155 court dans le ravin de La Vauche, 4 de 155 long dans le bois d'Hassoule, 2 de 155 long dans le Fond du Loup, 4 de 95 au sud du village.
    Dès le 21 février, l'attaque allemande concerne la localité, car les obus commencent à tomber sur elle et aux alentours. Ce jour-là, alors que l'action de l'artillerie allemande s'intensifie, la 11e compagnie du 36 R.I.T. (11/36e R.I.T.), qui se trouve à Vaux également bombardé, est envoyé à Bezonvaux pour être rattaché au 44e R.I.T. Les voisins de Bezonvaux sont soumis en même temps à un violent bombardement ; ainsi, à Dieppe, le pilonnage, sous lequel est prise la 3e/44e R.I.T. chargée de la défense, dure jusqu'au 25 et la plaque apposée sur le mur de la mairie en témoigne de la manière suivante :

    « VILLAGE MARTYR ECRASE LE 21 FEVRIER 1916 SOUS UN VIOLENT OURAGAN DE FER DE PLUS DE 100 HEURES D'OBUS DE TOUS CALIBRES. JUSQU'AU 25, LA 3E CIE DU 44E T FUT TEMOIN DE SON AGONIE ».

    A la fin de la journée du 23, les Français ont perdu leur 1ère position sur tout le front de l'offensive allemande. Les assaillants sont devant la 2, large de 7 à 8 kilomètres depuis la Meuse dans le secteur d'attaque. Un bataillon du 208e R.I. est en réserve dans un ravin au sud-ouest de Bezonvaux, ce qui est confirmé par un témoignage :

    « Et l'un de ces trois Bataillons celui du 208e se trouvait disposé depuis le début de la bataille dans le ravin à l'Ouest de Bezonveaux... en réserve du Corps d'Armée : un seul bataillon, celui du 208e, vers le bois d'Hassoule ... Quant au Boche dans le bois Hassoule : pure légende !J'en reviens : notre dernière réserve, le Bataillon du 108 (= 208ème), est toujours là ... »

     

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    " Bezonvaux avant le bombardement " J'ai vu N°69, 11 mars 1916, N° spécial : la bataille de Verdun. La Grande Rue alors que les habitants ont été évacués
    ( février ). Il s'agit d'un des derniers clichés montrant le village intact juste avant l'attaque allemande.

    Les 23 et 24, le bombardement redouble dans la région de Bezonvaux ; dans l'ouvrage proche, la 11e/36e R.I.T. subit des pertes : un mort et onze blessés.
    Le 24, le général Chrétien, commandant le 30 corps d'armée (30e C.A.), prescrit au bataillon du 208e, toujours en réserve dans le ravin d'Hassoule, de contre-attaquer résolument si l'ennemi se présente, puis de le repousser sur les Caurrières et au-delà. Mais celui-ci ne continue pas son mouvement offensif vers le Sud. Dans l'après-midi, tandis que le bois des Fosses résiste, les Allemands s'infiltrent dans le bois de Chaume, où l'Infanterie-Regiment 20 (I.R. 20) s'arrête et va passer la nuit à la belle étoile. Entre-temps, vers la fin de l'après-midi, le général Chrétien organise, sous les ordres du général Deligny commandant la 153e division, un groupement avec les 31e et 306e brigades. Ce groupement devra marcher droit au Nord par brigades accolées, atteindre le front cote 378-Fond des Rousses-Bezonvaux (exclu), s'y fortifier, pousser des éléments de sûreté sur les Chambrettes, le bois des Fosses ainsi que le bois des Caurrières et se tenir prêt à l'offensive pour le 25 au matin.
    A l'heure où le général Deligny organise son détachement, Ornes tient encore à l'extrême droite du secteur de la 51e D.I. Ce village n'a pas été attaqué dans les journées du 21 au 23. Le 24, entre 7 h 30 et 9 heures, les Allemands tentent de s'infiltrer de l'Herbebois vers le calvaire au nord-ouest de la localité. Repoussés, ils renouvellent sans plus de succès leurs tentatives entre 12 et 16 heures. Mais, dès 12 heures, ils ont commencé à progresser dans le boyau allant de l'Herbebois jusqu'au bois de Chaume, ils entament ainsi à distance l'encerclement de l'agglomération par l'Ouest. A partir de 16 h 30, les menaces se précisent : des fractions ennemies attaquent les fronts nord et nord-est de celle-ci après un violent bombardement. Une lutte à la grenade s'engage dans le boyau Herbebois-calvaire d'Ornes ; les défenseurs, appartenant au 3ème/164ème R.I. qui tient le village, épuisent leurs munitions et doivent céder du terrain. Les assaillants parviennent à progresser jusqu'au calvaire puis à s'emparer de la gare. Leur effort est ensuite porté à l'Ouest. Vers 17 h 30, massés sur la route d'Ornes aux Chambrettes, ils se déploient face à Ornes, à cheval sur cette route, tandis qu'ils menacent bientôt la lisière sud-ouest de l'agglomération. A 19 heures, voyant son dispositif serré de trois côtés et profitant de l'obscurité, le commandant du 3e/164e R.I. évacue Ornes avec ses hommes en empruntant ou en suivant la voie ferrée métrique et rallie Bezonvaux. Ce village est alors défendu par le 44ème R.I. qui s'est rétabli sur la ligne Bezonvaux-bois de Maucourt.
    Les Allemands sont maintenant maîtres de la presque totalité de la 2e position dont les Français ne tiennent plus que des lambeaux, dont Bezonvaux. Dans l'intervalle entre la cote 378 et lui, où il il n'y a pas une véritable organisation défensive en dépit de certains aménagements, la ligne est indécise. Les Allemands ne paraissent pas avoir dépassé les lisières méridionales des bois des Fosses et des Caurrières ; quelques patrouilles seules semblent avoir pénétré dans le bois de La Vauche. Le bataillon du 208ème est toujours vers le ravin d'Hassoule ; le détachement Deligny atteint seulement la région de Douaumont. De la cote 240 (au nord de Louvemont) à Bezonvaux (exclu), le commandement reste exercé par le général commandant la 51 D.I., qui vient s'installer à Fleury.
    A la fin de la journée, le front suit le tracé Champneuville-ferme de Mormont-bois des Fosses-Bezonvaux-bois de Maucourt. Dans la soirée, le 4 B.CP. arrive à Souville où il reçoit l'ordre de retrouver le contact avec l'ennemi qui a percé. Le commandement français ne possède aucun renseignement. Il sait seulement que la côte du Poivre et Bezonvaux sont encore défendus par des éléments français. A 21 heures, le général Herr, commandant la R.F.V., donne l'ordre au groupement Chrétien (le 30 C.A. est devenu le groupement Chrétien) de maintenir face au nord le front Bras-Douaumont-Haudiomont et de s'établir sur les Hauts-de-Meuse jusqu'à Eix. En conséquence, Chrétien a ordonné à ses forces de se retrancher pendant la nuit sur le front côte du Talou-côte du Poivre-plateau coté 378-Bezonvaux-bois de Maucourt - Mogeville - Hautes Charrières - Fromezey. Dans la soirée, le front de la 14 D.I. est donc entièrement replié sur une ligne allant de Bezonvaux (inclus) au sud d'Eix. Dans le même temps, les deux brigades du détachement Deligny se portent vers le Nord, de part et d'autre du chemin Fleury-Douaumont-lisière ouest du bois des Caurrières. Les 2 et 4 B.C.P., appartenant à la 306e brigade, ont pour mission de boucher un trou : les deux bataillons doivent s'installer sur la crête au sud du Fond du Loup, à l'ouest de Bezonvaux (cote 267) à la lisière nord du bois de La Vauche et au nord-ouest de celle-ci. Le 418 R.I. est prévu pour se placér en seconde ligne vers Vaux. Le but est de retarder le plus possible la progression allemande afin de permettre à la 153 D.I., à laquelle ces unités sont rattachées, de s'organiser sur la ligne Vaux-Douaumont. Dans la nuit, les troupes de la Woëvre entre Bezonvaux et Les Éparges se replient en hâte vers les Hauts-de-Meuse, mouvement prévu et préparé qui continuera dans la matinée du 25. Dans la nuit également, les 2 et 4 B.C.P. s'avancent vers les objectifs qui leur ont été fixés, mais ils ne réussirent pas à les atteindre : le premier s'arrête dans la partie sud-ouest de la Vauche, non au calvaire qu'il devait atteindre, mais à 500 mètres en retrait ; le second arrive à Bezonvaux à 5 heures du matin, se met en position à proximité du chemin de Douaumont, en liaison avec le 44 R.I. ; la troisième unité de la brigade, le 418 R.I., est en réserve dans les ravins à l'ouest de Vaux.

    Bezonvaux : La survie dans la mémoire

    Bezonvaux ( mars-avril 196 ) : vue du village prise du Sud vers le Nnord; à gauche l'église encore intacte; à l'extrême gauche le " château " et les maisons de la Grande Rue; à droite les constructions de la Rue Basse; à l'arrière-plan la côte de Beaumont et les haies formant le " carré de haies " ; on distingue une tranchée montant du village et en longeant une : elle correpond à une partie de la 2e position aménagée par les Français en 1915.


  • Lorsque commence la journée du 25 février, face à la poussée allemande, la défense française se répartit en quatre secteurs : à l'Ouest le général de Bonneval, de la Meuse à Louvemont exclu (72 D.I. + 74 brigade) ; au centre le général Boulangé,
    de Louvemont inclus à la cote 378 exclue (51 D.I. + 73 Br.), à l'Est le général Deligny (153D.I.) de la cote 378 à Bezonvaux exclu ; en dernier lieu, le général Crépey, le secteur des Hauts-de-Meuse allant de Bezonvaux à Eix exclu (14 D.I. + 212 Br.T.). Ces généraux disposent en outre de tous les éléments se trouvant dans leur secteur.
    Un bombardement effroyable s'abat le matin entre la cote 378 et Bezonvaux. Au cours d'une patrouille de liaison, des chasseurs de la 2e/4e B.C.P. aperçoivent des Allemands progressant en direction de leur unité ; ils s'échappent à grand peine. Toutefois, ce mouvement de l'adversaire surprend le 2 B.C.P., puis le bataillon du 208 R.I. en réserve du 30 C.A., qui semble s'être avancé dans le ravin d'Hassoule avec des postes sur les lisières des bois à l'ouest de Bezonvaux. Il refoule les débris du bataillon de chasseurs qui doivent se retirer en passant par l'est du fort de Douaumont et capture en grande partie le bataillon du 208. Il avance en profitant du terrain, notamment du ravin d'Hassoule, en direction du village de Douaumont, que tient fermement le 95 R.I. Parmi les unités allemandes figurent les I.R. 20 et 64. Partant de la source d'Ornes, les I. et II./I.R. 20 passent à la Croix de la Vaux, puis, les I. et III. suivis par le II traversent La Vauche et franchissent offensi¬vement le bois et le ravin d'Hassoule. Le I.I.R. 64 traverse le bois des Caurrières, le Fond des Rousses et arrive à La Vauche pour se diriger ensuite vers Douaumont. Le succès allemand et le repli des unités françaises laissent à découvert Bezonvaux.
    Vers 13 heures, les assaillants profitent de la situation trop exposée du 4 B.C.P. pour l'attaquer dans le flanc gauche. Ils encerclent puis s'emparent de la tranchée tenue à l'Ouest par la 3 compagnie dont quelques hommes peuvent néanmoins s'échapper. Ils essaient d'exploiter ce succès, toutefois ils sont repoussés par deux compagnies en réserve (2 et 5). Les 1ère et 6 continuent d'occuper leurs positions face au Nord. Un chasseur de la 2 compagnie, blessé à la tombée du jour, essaie de gagner un poste de secours en passant par Bezonvaux. Il constate que la localité est occupée par les Allemands ; non repéré et en dépit de ses blessures, il rejoint son unité pour transmettre les informations qu'il a recueillies. Ultérieurement, le commandant du bataillon donne l'ordre de se replier en direction de Vaux, sur la ligne tenue par la 153 D.l à Laquelle il appartient.

    Plus à l'Est, c'est aussi le tour du 44 R.I. Cette unité occupe, depuis quelques jours avant l'attaque du 21, la ligne de la Woëvre entre Damloup et Bezonvaux. En cette journée où le temps est froid, où tombent neige et pluie, où le sol couvert de neige est glissant, elle subit une attaque décisive dans des conditions que décrit son historique:


    « Le 25, vers midi, le 3' bataillon qui occupe Bezonvaux - bastion avancé du sommet de l'angle droit formé par nos positions - reçoit le premier choc. Grâce aux tirs de barrage qui isolent le village, l'infanterie ennemie progresse, encerclant l'îlot de résistance. Les défenses accessoires improvisées tombent une à une.
    Le commandant Kah est blessé. L'adjudant-major, le capitaine Dumas, prend le commandement du bataillon. Les obus pleuvent, les balles sifflent ; le capitaine Dumas, engagé volontaire de 66 ans, se promène souriant, la canne sur l'épaule, narguant la mort.
    Cependant vers 17 heures, sous l'effort ennemi qui redouble, les lignes craquent, et c'est pied à pied que le bataillon défend le village. Le capitaine Dumas saisit un fusil et, afin d'y voir plus clair, monte sur un pan de muraille. C'est là qu'il reçoit, presque à bout portant, une balle qui lui traverse les deux cuisses. On veut l'emporter, il refuse, car il n'est pas de ceux qu'une blessure arrête. Les Allemands foncent sur lui, il se dégage ; et tandis que les mitrailleuses tirent sans arrêt, il part à travers le village et rejoint les nouvelles lignes où quelques éléments résistent.
    Mais, le cercle de l'ennemi s'est peu à peu resserré et à la tombée de la nuit, après que les défenseurs ont presque tous succombé, Bezonvaux est investi ».

    Du côté allemand, l'assaut est mené par le détachement Schulz (Abteilung Schulz) composé d'une partie du Reserve-Infanterie-Regiment 98 (R.I.R. 98) : le Ille bataillon et trois compagnies du IIe. A 18 heures 30, le mouvement allemand oblige les survivants du 4' B.C.P. et du 44 R.I. à se replier. Les éléments du 36e R.I.T. (mitrailleuses et pionniers d'infanterie) qui étaient avec le 44e R.I., font de même : la section de mitrailleuses a deux chevaux tués et sa voiture éventrée ; elle doit abandonner son caisson et une partie de son matériel. Le sergent Roblin, du détachement de pionniers, très grièvement blessé à Bezonvaux, ne peut être transporté. Endommagé par les obus, le village est désormais derrière les lignes allemandes. A la fin de la journée, la première ligne française suit le tracé côte du Poivre-bois d'Haudromont-village de Douaumont-sud du bois d'Hardaumont-Vaux-Damloup-Eix. Durant la nuit du 25 au 26, particulièrement froide, l'L.R. 155 reçoit l'ordre d'attaquer en direction des hauteurs d'Hardaumont. Pendant ce temps, l'artillerie de campagne allemande qui s'est rapprochée bombarde l'ouvrage d'intervalle situé à 750 mètres au sud de Bezonvaux, en particulier pour détruire le réseau de fils de fer barbelés.
    Le 26, tôt le matin, c'est au tour de cet ouvrage d'être attaqué. L'opération, menée par l'I.R. 155 - renforcé par l'Abteilung Schulz, toujours le III bataillon (lll.IR.I.R. 98) et deux compagnies du II., ainsi que deux du génie débute à 5 heures. Trois colonnes sont organisées : en direction de l'ouest de l'ouvrage le II./I.R.155, au milieu depuis le village en direction de l'ouvrage lui-même le I.I.R. 155, à l'Est vers la dépression au nord-ouest de l'ouvrage et de la lisière orientale du bois d'Hardaumont l'Abteilung Schulz. Les Allemands peuvent commencer leur mouvement sans être gênés. Les unités avancent sans bruit dans l'obscurité, sous la protection d'une ligne de tirailleurs, à travers les pins, bouleaux et buissons constituant le bois qui couvre la hauteur, à la lisière duquel existent plusieurs rangées de fils de fer barbelés. Derrière ces obstacles, il y a une position d'infanterie composée de tranchées avec des flanquement et des petits points d'appui. Les Français ne se manifestent que lorsque les assaillants arrivent vers le sommet de la hauteur sur laquelle se trouve l'ouvrage. Leur progression est concentrique et les colonnes convergent vers l'objectif. Il est défendu par une triple rangée de tranchées, cinq blockhaus et trois ouvrages avancés en terre. La résistance est inexistante de la part de faibles postes laissés là par la garnison qui s'est retirée vers le sud (l'ouvrage n'est pas inclus dans la ligne de repli prévu pour les unités françaises) ; en outre, quelques traînards sont capturés. A 6 h 45, l'ouvrage est donc occupé rapidement et sans pertes pour les assaillants. Des cadavres de Français montrent que l'artillerie allemande a été efficace sur l'ouvrage pas encore évacué. Pendant ce temps, l'I.R. 20 se porte sur les hauteurs d'Hardaumont, les états-majors des I°° et IIe bataillons s'installant dans les carrières y existant. La 11°/36° R.I.T., qui s'est repliée, a été forcée d'abandonner une partie de son matériel et de ses vivres ; elle a deux blessés et sept hommes ont été faits prisonniers ; le bombardement lui tue encore deux chevaux. Vers 11 h 11 h 30, après remise en ordre des trois colonnes, la progression est reprise en direction d'Hardaumont. Pendant ce temps, les véhicules de la compagnie de mitrailleuses de l'I.R. 155 (M.G.K./I.R. 155) stationnent dans Bezonvaux : celle-ci subit un bombardement qui détruit ou endommage ses matériels.
    A partir de là, les environs immédiats ne sont plus directement concernés par les combats. Le village et l'ouvrage ne connaissent que des mouvements et des stationnements d'unités en relation avec les événements qui se déroulent d'abord sur le plateau d'Hardaumont puis vers la localité de Vaux.
    Le même jour, à 5 heures, alors que débute l'attaque de l'ouvrage de Bezonvaux, le II./I.R. 37 (10.R.D.) et le III./I.R. 51 (12.R.D.), mis en renfort de la 1O.R.D., sont à l'est du village, à hauteur de la voie métrique, prêts à être engagés. Ils doivent aller se placer à l'aile gauche, en seconde vague, en soutien des trois colonnes qui attaqueront un peu plus tard l'ouvrage d'Hardaumont. A 10 heures, les deux bataillons progressent, l'un après l'autre, par la sortie sud du village jusque dans les ravins au nord-ouest du plateau d'Hardaumont. Le II./R.I.R. 37 y stationne de midi à 16 heures. Il fait si froid (- 6°) que les hommes défont les toiles de leurs sacs pour monter des tentes. A 16 heures, les deux bataillons font mouvement vers l'avant. Quant au I./R.I.R.37, à 21 h 30, il vient du bois des Hayes près de Maucourt où il était en réserve de corps d'armée (V.R.K.) et arrive à Bezonvaux. Dans une grange encore intacte, le commandant de ce bataillon rassemble tous les commandants de compagnie ainsi que les chefs de section et de groupe pour faire le point et donner ses ordres. Des grenades sont perçues. L'unité gagne alors ses positions dans les ravins proches en subissant des pertes. De 13 à 15 heures, le III./R.I.R. 37, qui entre-temps a été engagé sur la crête d'Hardaumont, se repose dans les ravins près de Bezonvaux, avec l'état¬major du bataillon dans le village. Puis, il s'avance jusqu'à l'ouest de l'ouvrage proche. Les hommes laissant leurs sacs et ne portant dès lors que le paquetage d'assaut, l'unité progresse, tard dans la soirée, en direction d'Hardaumont. En ce qui concerne la M.G.K./R.I.R. 37, après avoir quitté Ornes où elle se trouvait, elle est mise en alerte à Bezonvaux avant de gagner vers minuit les environs de l'ouvrage voisin pour aider à briser une attaque française le matin suivant.
    Le 27, l'I.R. 155 reçoit l'ordre de se replier dans le village, en réserve de sa division. A ce moment, celui-ci subit les effets de l'artillerie lourde française. En conséquence, le régiment va se placer sur la pente au Sud-Ouest. Deux compagnies (une dans chacun des I. et II./l.R.155) sont dissoutes pour constituer un volant de remplaçants au profit des huit autres. Le soir, le régiment remonte en ligne compte tenu d'une menace que fait peser une contre-attaque française. Finalement, les I. et II./l.R. 155 ainsi que la compagnie de mitrailleuses (pas l'état-major régimentaire) sont ramenés en arrière pour être moins soumis au bombardement français : les unités s'installent dans l'ouvrage et autour. Bien qu'elles ne soient pas directement impliquées dans des combats, elles subissent des pertes : 10 morts, 33 blessés. Elles restent sur place le 28 et remontent en ligne sur le plateau d'Hardaumont le lendemain.
    II convient de noter qu'un soldat de la 3 compagnie de mitrailleuses du 44e R.I.T. (C.M.3/44e E. Fleck, a été déclaré mort à Bezonvaux le 28 février 1916 ; ceci laisse supposer que, blessé, ramassé par les Allemands et soigné par eux, il est décédé dans une ambulance allemande déjà installée dans le village.
    Le 29, le 111./R.I.R. 51 est en réserve dans l'ouvrage, Il/R.I.R. 37 dans un ravin au sud de Bezonvaux. Le lendemain, les mêmes unités sont en réserve dans l'ouvrage et surtout à l'extérieur, dans des trous. La nourriture est apportée du village jusqu'où les cuisines roulantes sont parvenues. La région est bombardée et les hommes effectuant la corvée de ravitaillement subissent des pertes.

    1916 : Bezonvaux dans la bataille de Verdun

    Bezonvaux (printemps 1916 ) : vue du village prise d'ouest en est; toutes les constructions sont déjà endommagées.


  • Après la conquête du territoire de la commune, les combats se sont éloignés vers le Sud (village de Vaux et pentes nord du fort de Vaux) et l'Ouest (Douaumont, La Caillette). Au début de mars, Bezonvaux et ses environs se retrouvent largement derrière les premières lignes allemandes. Jusqu'à sa reprise par les Français à la fin de l'année, cette zone n'est plus directement concernée par les affrontements, même si elle n'est pas épargnée par les bombardements qui occasionnent des pertes en hommes et en matériels. La voie métrique d'intérêt local qui passe à l'est de Bezonvaux, la localité, les camps des environs, le bois de Maucourt et la ferme de Méraucourt reçoivent constamment des obus. Toute cette région, qui s'anime en particulier la nuit, constitue un point de passage important entre la hauteur des Caurrières et le massif d'Hardaumont, face à la Woëvre ; il s'ouvre sur le Fond des Rousses (qui donne accès au ravin d'Hassoule) et le Fond du Loup. Cette région joue aussi un rôle important à deux titres : la logistique (avec l'aboutissement de voies de chemins de fer, le ravitaillement en eau, en boissons chaudes et en repas, le traitement et l'évacuation des blessés, la mise en place de dépôts, etc.), le soutien (par le stationnement des réserves et l'appui par l'artillerie : les batteries sont positionnées essentiellement aux alentours de la ferme de Méraucourt et dans les ravins autour de Bezonvaux).
    Cette agglomération est donc traversée par les troupes qui montent en ligne dans le secteur de Vaux (village et fort) ou dans celui situé au sud ou au sud-ouest du fort de Douaumont. Le trajet habituel s'effectue d'abord par les Jumelles d'Ornes ou leurs parages et Ornes. Ensuite, par exemple pour la 21.R.D. dans l'été 1916, un des chemins de relève passe par l'ouvrage de Bezonvaux, en traversant la route Ornes-Vaux vers la ferme de Méraucourt. En mars, cette route ainsi que celle qui vient de Maucourt sont en mauvais état ; leurs chaussées sont crevées par de nombreux cratères : les ambulances automobiles sont trop lourdes et pas adaptées pour y circuler ; seules les ambulances hippomobiles ont quelque chance d'accéder jusqu'à Bezonvaux et d'en revenir. A cette époque, la localité est déjà très endommagée et des obus continuent de tomber sur les ruines. Au delà, dans la direction de Damloup, la route offre un spectacle étonnant : il y a des cadavres d'hommes et de chevaux, des chariots endommagés, des caisses ou des corbeilles de munitions, des projectiles épars, des rouleaux de fils de fer, et bien d'autres choses encore. Par ce même axe arrivent d'Azannes par Ornes des colonnes amenant des projectiles de lance-mines (Minenwerfer) qui sont stockés dans un dépôt constitué au sud-ouest de Bezonvaux. Son existence est attestée en mars par le 3e bataillon du génie , dont quatre compagnies sont engagées au nord-est de Verdun. Des centaines d'hommes, fantassins et cavaliers, viennent y chercher des munitions de légers et moyens calibres ; ils les acheminent ensuite vers le fort de Douaumont (notamment pour les quatre Minenwerfer qui y sont positionnés), veillant à observer de larges intervalles entre eux : en effet, les pertes sont importantes parmi ces porteurs sur la voie qu'ils empruntent et appellent le « chemin de la mort » (Todesweg).
    Bezonvaux se trouve à la jonction du transport des blessés sur des brancards avec des moyens hippomobiles ou ferrés. Une piste part du bois Fumin, passe par Hardaumont et aboutit à l'ouvrage de Bezonvaux jusqu'où peuvent parfois venir, à partir du village, les ambulances hippomobiles : appartenant aux compagnies sanitaires rattachées aux divisions, elles emmènent les blessés jusqu'aux postes de secours principaux. Une autre piste part du secteur de Fleury, passe par le ravin de la Fausse-Côte ou le fort de Douaumont et aboutit à la lisière ouest de Bezonvaux : cet itinéraire, partiellement utilisé par les détachements de porteurs, est appelé à partir de mai le « chemin des brancardiers » (Krankentràgerweg) ; en octobre, il devient le « chemin neutre » (Neutraler Weg), parce qu'il est arrivé que l'artillerie française ne le bombarde pas le matin de bonne heure, permettant les évacuations sanitaires sans que les brancardiers aient besoin de se dissimuler. Les blessés sont chargés soit dans des ambulances, soit sur les wagons circulant sur des voies ferrées.
    En ce qui concerne celles-ci, aucune parvient directement à Bezonvaux. A l'est du village et le contournant se trouve encore le tracé de l'ancienne voie métrique d'intérêt local reliant Verdun à Montmédy. De cette ville, elle est utilisée par les Allemands, depuis le début de 1915, jusqu'à Damvillers et, de manière aléatoire, Azannes, voire après février jusqu'au sud d'Ornes, jusqu'à une halte portant le nom de code de « Cameroun » (Kamerun). Elle sert à acheminer des munitions jusqu'à celle-ci d'où l'appellation de « voie des munitions » (Munitionsbahn) qui lui est donnée par certaines unités, les blessés étant chargés à Azannes. Un peu au nord de l'agglomération, après avoir traversé la route Ornes-Bezonvaux, court une voie de 0,60 m se dirigeant vers l'Ouest, poussée jusque là en mars : elle se divise alors en une sorte d'épi comprenant quatre tronçons : un se dirigeant jusqu'à l'entrée du Fond du Loup, un s'arrêtant sur la pente entre ce ravin et celui d'Hassoule, un se terminant à l'entrée de ce dernier ravin et le dernier s'enfonçant jusque dans le Fond des Rousses. En mai, les bombardements français mettent hors service cette voie. A la fin d'août, quelqu'un a l'idée de la faire remettre en état jusqu'à hauteur de l'entrée est du village : le travail est réalisé en quelques heures par les sapeurs de chemin de fer. Il y a aussi une autre voie venant de l'Est qui arrive au nord du ravin des Huguenots (entre Bezonvaux et la ferme de Méraucourt). Cette voie s'arrête juste à l'ouest de la route se dirigeant vers Damloup, après l'avoir franchie au sud de Bezonvaux. Les trains circulant sur les voies de 0,60 m sont tirés par une motrice fonctionnant au benzol, d'où le nom de Benzolbahn donné aux convois. Ils transportent également des munitions et ramènent des blessés. Sur la voie venant du Nord-Est a été créée une halte baptisée «Togo» par le 23e régiment bavarois d'artillerie de campagne (23.bay.Fda.R.). A partir de là, les wagons sont poussés à la main ou tirés par un cheval (ce que les Allemands appellent un Fôrderbahn).
    Bezonvaux est aussi un point de ravitaillement. Les cuisines roulantes peuvent y parvenir ou s'installer à proximité. Par exemple, lorsque les I. et II./I.R.155 ainsi que la compagnie de mitrailleuses sont ramenés à l'ouvrage de Bezonvaux le 27 février, les cuisines roulantes sont poussées jusqu'au village et de la nourriture chaude est distribuée aux hommes ; elles y reviennent le 29. Début mars (6-7 mars), l'I.R. 132 combattant à La Caillette a ses arrières à proximité de Bezonvaux et le ravitaillement du régiment vient du sud du village. Sur les pentes au nord de celui-ci a été aménagé un camp pour les unités de soutien (Bereitschaftlager) : le « camp du Nord » (Nordlager). Le 15 août 1916, on y trouve une installation pour préparer les repas au profit du II/1.R. 364 qui est en ligne vers le Nez de Souville ainsi que des détachements de porteurs. Ceux-ci sont encore attestés à cet endroit le 2 septembre. Dans l'agglomération, les fontaines continuent de fonctionner en dépit des bombardements. Aucune mesure particulière n'est prise pour qu'elles continuent à être utilisées. Elles facilitent donc le ravitaillement en eau, ce qui est un souci pour le commandement.
    Les ravins proches de Bezonvaux conduisent vers l'Ouest et le Sud (ou inversement) ; ils favorisent le cheminement dans un sens comme dans un autre des troupes, ainsi que le transport voire le portage des matériels. En outre, ils servent à positionner des soutiens ou des réserves et à concentrer de l'artillerie. Dahs les limites de la commune, ces ravins sont ceux qui sont énumérés ci-après.
    Le ravin de la Chartonne, appelé par les Allemands « ravin de l'aile » (Flügel-Mülde), débouche sur la route Ornes-Bezonvaux, entre les deux villages et à 1 000 mètres au sud du premier, à une altitude de 257-260 mètres. A cet endroit et aussi à l'est de la route, un point d'appui de l'I.R. 369, portant le nom de code d'« Adalbert », y est localisé à la fin de 1916 et encore à l'automne 1917. Ce ravin est parcouru, dans sa partie supérieure, par un tronçon de tranchée baptisée en septembre 1917 par le Gr.R. 109 la « tranchée des haies » (Heckengraben) : elle évoque une importante pièce de terre entourée de haies, située sur le versant sud de la hauteur au nord de Bezonvaux et le ravin de la Chartonne particulièrement visible sur les clichés, cet espace a été appelé par l'I.R. 369 « le carré de haies » (Heckenviereck). Ce ravin donne accès à la côte de Beaumont à qui les Allemands ont donné le nom de « hauteur de Frédéric» (Friedrichshôhe), qui se prolonge vers l'Ouest et culmine à 331 mètres. Sur cette hauteur, à laquelle on peut accéder par deux autres ravins (ceux du Pré-Nord et des Lièvres), zigzague la limite entre les communes d'Ornes (située au Nord) et de Bezonvaux (au Sud).
    Le Fond des Rousses (Brûle ou Brüll-Schlucht) est le ravin qui part de Bezonvaux vers l'Ouest. Il est dominé par la Friedrichshôhe, puis il est hors de la limite communale entre Bezonvaux et Douaumont par le bois des Caurrières qui touche la limite communale de Bezonvaux mais n'est pas inclus dans son territoire. Il est appelé pendant quelque temps et uniquement au sein de l'I.R.87 le « ravin des cuisines » (Kuchenschlucht). Effectivement, on y trouve celles des unités qui y stationnent : un jour, le projectile d'un obusier français tombe à proximité d'une cuisine roulante, la renversant, dispersant les aliments en train
    de cuire et volatilisant le malheureux cuisinier. Au début de ce ravin, il y aurait eu un poste de secours, aux lisières ouest du village (à moins qu'il s'agisse de celui aménagé dans les caves du « château »). Le ravin est emprunté par les porteurs montant vers Douaumont et les relèves de troupes montant en ligne vers ce secteur, ou en revenant. C'est aussi un lieu de stationnement pour des réserves. Y sont attestés notamment le R.I.R.120 (15 mars), l'état-major du I./R.I.R.120 avec 2 compagnies (26 mars), une partie de l'I.R. 135 (8 août), la 5./I.R.14 (22-27 août), le le' bataillon ou plusieurs compagnies du 13.bay.I.R. (13 juin-8 août). Lorsque les colonnes de munitions peuvent dépasser le carrefour de la route Ornes-Damloup/Bezonvaux-Maucourt, elles s'aventurent jusqu'à ce ravin bien qu'il soit frappé par les bombardements adverses. Dans l'été, le 23.bay.Fda.R., dont les lère 3e et 5e batteries appartenant au groupement Martin 22 ainsi que celui-ci se trouvent dans ce ravin, essaie de transporter les munitions sur le dos de chevaux équipés de bâts. Le point de départ est la halte du chemin de fer appelée «Togo ». L'expérience est arrêtée car il est impossible de compter sur l'arrivée certaine des trains.Le Fond du Loup, appelé généralement par les Allemands « ravin de Bezonvaux » (Bezonvaux-Schlucht), baptisé aussi par l'I.R. 87, au printemps, le « ravin sans nom » (Namenlose-Schlucht, qui part de la lisière sud-ouest du village, est orienté Nord-Ouest/Sud-Ouest. Lorsque les Allemands l'occupent, ils y trouvent une batterie française détruite ; ils y installent sur la pente sud une batterie d'obusiers de 15 cm. Elle est anéantie par une série de salves tirées par l'artillerie française, ce qui fait dire à un soldat ayant séjourné dans ce site pendant quelques jours, au cours d'un repos de son unité : « oeil pour oeil, dent pour dent » (Wie du mir, so ich dir) 23. Le chemin Bezonvaux-Douaumont emprunte le fond du ravin puis son flanc oriental. A l'ouest du village se trouve le « camp de Bezonvaux » (Bezonvauxlager), un Bereitschaftlager pour les réserves du secteur Fumin-Souville : ce camp a été baptisé ainsi par les I.R. 41 et 364 en août. Le 18 de ce mois, compte tenu d'une menace générée par une attaque française dans le secteur de Souville, une compagnie supplémentaire àdouze groupes y est créée par ce dernier régiment à partir de ces détachements et portée vers l'avant. Dans le même ravin existe aussi le « camp nord du Kronprinz » (Kronprinz-Nord-Lager) : c'est également un Bereitschaftlager dont l'appellation a été conférée par le R.I.R. 67 en mai.

    Le ravin du Pré-Sud, appelé « ravin des cuisines » (Kuchenschlucht), situé à l'est de l'ouvrage de Bezonvaux et ne comportant qu'une faible dénivelée, débouche sur la Woëvre à proximité de la ferme de Méraucourt. Il donne accès au bois d'Hardaumont ainsi qu'aux ouvrages implantés sur sa partie sud. Un camp appelé par les Français le camp de Brême y a été aménagé ; il comporte des cuisines fixes : seuls les approvisionnements sont apportés ; la nourriture et du café chaud y sont préparés et des porteurs assurent le transport à partir de là vers les premières lignes. Dans l'axe de ce ravin, à l'est de la route Ornes-Damloup et au début de la plaine de la Woëvre existe le petit ravin des Huguenots.
    Un autre ravin, sans appellation en français mais baptisé « ravin Feldberg » (Feldbergschlucht) par les Allemands, débouche au sud de l'ouvrage de Bezonvaux, entre le ravin du Pré-Sud et celui du Muguet. Compte tenu de sa faible dénivelée, il est difficile de le distinguer sur le terrain et il est peu mentionné dans les historiques.
    Le ravin du Muguet, appelé « ravin du milieu » (Mittelschlucht), permet d'aboutir aux petits ouvrages de Josémont et de Lorient, c'est-à-dire un peu plus à l'ouest que celui d'Hardaumont. Ces deux ouvrages ont été construits sur le territoire de la commune de Vaux. Sur le versant sud de ce ravin, à l'ouest de la route Bezonvaux-Damloup, existe un Bereitschaftlager : le camp de Coblence.
    Le ravin de la Plume « ravin du Sud » (Süd-Schlucht) est en grande partie sur le territoire de la commune de Bezonvaux, mais pas la ferme détruite de la Plume, plus à l'Est. Dans ce ravin, qui permet d'accéder à la hauteur couronnée par l'ouvrage d'Hardaumont (lequel est également sur la commune de Vaux), se trouve le camp de Cologne.
    La configuration des lieux, avec le versant oriental des Hauts-de-Meuse, et l'existence de tous ces ravins aux alentours de B-ezonvaux entraîne que cette zone est favorable à la mise en place d'unités d'artillerie. Dès le 29 février, la concentration de batteries dans les environs de la localité est très importante. Elles sont positionnées principalement dans le ravin d'Hassoule (notamment sur les pentes tournées vers l'Ouest), dans le Fond du Loup (en particulier à la sortie sud), mais aussi dans les ravins de la Chartonne, des Huguenots, du Muguet et de la Plume. Leurs munitions arrivent à partir d'Azannes, du camp Gersdorff (Guersdorfflager) et d'un dépôt implanté près de la ferme Sorel. A partir d'Azannes, elles sont transportées par la voie d'intérêt local jusqu'à la halte portant le nom de code de
    « Cameroun » (Kamerun), puis chargées sur des chevaux de bât ou des colonnes légères qui les acheminent jusqu'aux positions. Depuis le Gersdorfflager, elles sont amenées par des colonnes légères et d'artillerie. De la ferme Sorel, elles viennent par la voie de 0,60 m qui arrive à proximité de Bezonvaux par l'Est. Le tableau placé en Annexe IV, présentant les groupements (pas les unités isolées) d'artillerie de campagne installés dans la région de Bezonvaux en 1916, donne une idée de cette concentration.
    A proximité de Bezonvaux, il y a aussi de l'artillerie lourde. Ainsi, dans ce secteur en octobre 1916, sont attestées deux groupes d'obusiers lourds (I.JFussart.R.4 près de la ferme de Méraucourt, I.J1.bay.Fussart.R. près du village), une batterie de 15 cm (1./Ldw.Fussart.Btl. 14 près de la ferme de Méraucourt), une batterie de 10 cm (2.f Fussart.R. 17 dans un bois proche de cette ferme) ; les trois autres batteries du secteur sont dans le bois Chénas et dans le bois de Chaume (donc hors du territoire communal).

    1916 : Bezonvaux dans la bataille de Verdun

    Deux vues de " Bezanvaux " (bezonvaux) parmi celles de positions enlevées par les Allemands devant Verdun ( début mars 1916 )  : Une flambée dans l'âtre d'une maison pas encore détruite; une rue avec des murs encore debout, barrée par une barricade. Dessin de M.Frost, Der Krieg 1914-19 . 


  • La situation dans la Somme permettant à l'armée française de dégager des moyens au profit de Verdun, la lutte un peu en sommeil sur ce front va reprendre. Pour les Allemands, les choses commencent à se gâter le 23 octobre, veille de l'attaque correspondant à la première victoire française sur le front de Verdun. A partir de là, il n'y aura plus vraiment de répit pour eux jusqu'au mois de décembre inclus.


    23 OCTOBRE-14 DECEMBRE : LES PREPARATIFS.

    Le 23 octobre, alors que se prépare le premier volet de la reconquête française devant Verdun, le bombardement français est important dans le Fond des Rousses, le Fond du Loup et la région d'Ornes. Les unités d'artillerie allemandes doivent être renforcées, mais aussi, dans la mesure du possible, changer de place pour éviter d'être anéanties. Ainsi, la 3./Fda.R. 41, en réserve à Arrancy-sur-Crusnes, est avancée entre Mangiennes et Azannes jusqu'à un endroit appelé le « coin allemand » (Deutsch-Eck), puis elle est engagée dans la nuit du 23 au 24 au sud-est de Bezonvaux. Le 24, jour de la reprise du fort de Douaumont, la 1./Fda.R. 41 essaie de se replier également au sud-est de Bezonvaux (deux pièces seulement parviennent à destination ; les deux autres sont récupérées respectivement le 26 et le 30 en raison des difficultés et des pertes dues à l'artillerie française) ; au cours de la même nuit du 23 au 24, la 4.JFda.R. 41 va se mettre en position, avec trois pièces, au sud-ouest du village. Autre exemple, après le 24, les batteries du R.Fda.R. 21 sont ramenées à l'est de la hauteur entre Bezonvaux et Ornes. Le 25, une mince ligne d'infanterie est placée en soutien dans le Fond du Loup. Le 27, le bombardement français est signalé comme particulièrement important dans ce ravin. Après la reconquête du fort de Douaumont le 24 octobre et l'occupation de celui de Vaux dans la nuit du 2 au 3 novembre, le commandement français n'a pas l'intention de s'en tenir là. Pour recouvrer l'intégrité de la position principale au nord-est de Verdun, il paraît nécessaire de reprendre le plateau d'Hardaumont. De plus, pour la mettre à l'abri d'une attaque par surprise, il faut lui rendre sa couverture naturelle : la ligne passant par la côte du Poivre, Louvemont, les Chambrettes et la cote 378, les pentes sud du plateau des Caurrières ainsi que Bezonvaux. Toutefois, de grandes difficultés vont compliquer la préparation de l'opération ; elles sont la conséquence de problèmes d'ordre matériel et de la mauvaise saison : les trous d'obus sont pleins d'eau et le terrain est impraticable. Pour assurer les mouvements, les déplacements d'artillerie et les ravitaillements, il faut aménager l'arrière immédiat, c'est-à-dire la zone conquise le 24 octobre, notamment en créant des pistes ; les travaux doivent être effectués dans la boue et sous les bombardements allemands.Dès le 3 novembre, le général Mangin, commandant le groupement DE (groupement de divisions sur la rive droite de la Meuse, entre le fleuve et le ruisseau de Tavannes), a estimé qu'il est nécessaire d'améliorer les positions conquises afin de rendre difficile voire impossible une reprise par les Allemands de combats importants ; au cours de cette attaque, les divisions françaises redresseront définitivement la situation sur la rive droite de la Meuse en portant les premières positions, à partir de Vacherauville (inclus), sur la ligne définie précédemment. Cette opération doit clôre victorieusement l'année 1916 à Verdun. Le 13, Mangin expose les avantages d'une action exécutée de la Meuse à la Woévre. Le 15, son chef, le général Nivelle, commandant la 2e armée (celle qui tient le front de Verdun), se range à ce point de vue et met à l'étude un plan d'engagement. L'ordre d'opérations définitif est arrêté le 2 décembre. Deux séries d'objectifs sont prévues : les premiers sont situés sur une ligne partant de Vacherauville et passant par Louvemont, la cote 378, la station de Vaux, la lisière orientale de ce village et son cimetière. La seconde série comprend notamment la cote 344, la route de Louvemont à la ferme des Chambrettes, Bezonvaux et son ouvrage. La préparation de l'artillerie française, commencée le 9 décembre, continue jusqu'au 15 à l'heure fixée pour l'attaque. En particulier, les mortiers de 220 mm et 370 mm ont pour mission l'écrasement d'une part des villages de Vacherauville et Louvemont, d'autre part des ouvrages d'Hardaumont, de Lorient et de Bezonvaux. Quatre divisions préparent l'opération, puis sont relevées les 13 et 14 décembre par celles qui vont l'exécuter : les 126° (général Muteau) pour le secteur baptisé Belleville, 38e (général Guyot de Salins) pour Margueritte, 3T (général Garnier-Duplessis) pour Douaumont, 133e surnommée « La Gauloise » (général Passaga) pour Marceau. La région de Bezonvaux doit être libérée par les deux dernières divisions : la 133e a pour objectifs le village et l'ouvrage de Bezonvaux. Derrière ces quatre divisions de 1 ligne, désignées pour attaquer, se tiennent en 2 ligne, quatre autres prêtes à les soutenir : les 123e,128e, 21e et 6e D.I. Les plans prévoient que les généraux commandant les 38, 37 et 133e D.I. disposent chacun d'un régiment des 128" 21e et 6e D.I.: les bataillons de ces régiments vont constituer des réserves de brigade ; en outre, le 22e R.A.C. de la 6e D.I. est mis à la disposition de la 133e D.I. L'opération doit être appuyée par 827 à 888 pièces d'artillerie.Entre-temps, il y a des mouvements de divisions françaises. La 37e D.I. est dans le secteur Douaumont, face à l'Est en direction de Bezonvaux, en octobre-novembre 1916. Le 26 octobre, la 9e D.I. a relevé la 133e D.I. dans le secteur Marceau, face au Nord-Est, également tournée vers Bezonvaux ; elle reste là jusqu'au 13 décembre, préparant la nouvelle attaque. A cette date, la 133 D.I. se prépare: les reconnaissances préparatoires sont faites. Ses troupes remontent en ligne le 13, dans le secteur Marceau, à la place de la 6e D.I. Au 321e R.I., le 5ème bataillon se place en dispositif d'attaque entre la route qui va du fort de Douaumont à l'ouvrage d'Hardaumont (à 200 mètres au nord-est de la jonction de cette route avec celle qui va du fort de Douaumont au village de Vaux) et le ravin de la Fausse-Côte (exclu). Le 6e bataillon se place à la crête surplombant ce ravin jusqu'à l'abri surplombant le ravin du Bazil, avec à sa droite le 102e B.C.P. Le 4 bataillon, qui a quitté les casernes Bévaux à Verdun à 18 h 30, vient prendre place en échelon, derrière les 5 et 6  qui occupent des parallèles de départ. Le 14, le 3e/401e R.I. subit des tirs de contre-préparation assez violents qui lui causent 11 tués et 25 blessés. Ils proviennent de batteries allemandes situées au nord/nord-est du ravin de la Fausse-Côte qui prennent d'enfilade les positions tenues par le régiment. Ordre est donné aux hommes de creuser des niches dans les parois des tranchées de manière à limiter les pertes. A la 37e D.I. qui se substitue à la 21 D.I., les unités se mettent en place entre le 12 et le 14. Dans la nuit du 14 au 15, le 3e régiment de zouaves (3e Zouaves) prend position avec ses bataillons échelonnés en profondeur ; le 3e régiment de tirailleurs (3e Tirailleurs) est à sa gauche et le 321e R.I. à sa droite. La nuit du 14 au 15 est très pénible. La neige qui est tombée a transformé en marais les trous d'obus et les éléments de tranchées. Le froid est piquant. L'artillerie française bombarde violemment les positions allemandes, quelquefois aussi celles de sa propre infanterie. Sur le Fond des Rousses, l'artillerie lourde allemande établit un barrage assez dense. Ailleurs, la réaction allemande est assez faible voire inexistante à partir de 20 heures. Au moment de l'attaque française, cinq divisions allemandes occupent le front entre Vacherauville et Bezonvaux : 14.R.D. de la Meuse à la route Bras-Louvemont, 39.I.D. de cette route à la carrière Albain, 10.I.D. de cette carrière à la cote 347 (1 km au sud des Chambrettes), 14.I.D. de cette cote matérialisée par le boyau appelé par les Français le boyau de Sofia, jusqu'à la tête du Fond du Loup, 39.bay.R.D. le massif d'Hardaumont. La 39.I.D. a déjà combattu successivement à Verdun et dans la Somme ; elle a été renvoyée sans bénéficier d'un repos une seconde fois à Verdun et le moral y est bas ; les 10. et 14.I.D., comprennent des éléments solides, toutefois elles sont fatiguées par un trop long séjour dans le secteur pénible de Douaumont (en outre, la 14.I.D. est amoindrie et ne comprend que 6 000 hommes) ; les 14.R.D. et 39.bay.R.D. sont des divisions médiocres, peu aguerries, la seconde étant composée d'hommes âgés et n'ayant qu'un effectif d'environ 2 500 hommes (nombre qui paraît faible). Ces cinq divisions en ligne sont susceptibles d'être soutenues dans les 24 heures par quatre autres, dont les G.E.D. et 4.I.D. placées en réserve sur l'arrière de ce front. Instruits par la cruelle épreuve du 24, les Allemands se sont préparés à résister et ont exécuté des travaux de défense. Ils ont déployé une grande activité pour créer de nouvelles lignes de défense, tout en améliorant les organisations existantes. Ils ont aménagé des positions à contre-pente et compartimenté méthodiquement le terrain de manière à briser l'élan de l'adversaire. Finalement, à la mi-décembre, avant que se déclenche la préparation d'artillerie française, le front allemand présente plus de consistance que celui du 24 octobre. Il comprend trois lignes de tranchées couvertes par des fils de fer : la 1e est fortement organisée de la Meuse au ravin du Helly, moins solide vers ce ravin, assez forte du ravin du Helly à la croupe d'Hardaumont (sur celle-ci, elle forme un véritable lacis de tranchées) ; la 2e est la position de couverture d'artillerie : courant à partir de Beaumont, par le ravin des Fosses ainsi que l'ouest/sud-ouest d'Ornes et finissant au sud de Bezonvaux, elle est presque achevée ; la 3 est plus en arrière. Au cours des semaines postérieures au 24, une pluie de projectiles s'abat sur Hardaumont, les abords de la route Ornes-Damloup, les batteries situées de part et d'autre de celle-ci ainsi qu'à l'est du village et de la ferme de Méraucourt jusqu'au bois du Breuil. Cette avalanche est faite de toutes sortes de calibres jusqu'au 220 mm. Ces tirs de destruction démolissent à peu près complètement la 1e position ; mais, les 2e et 3e ne subissent que des atteintes partielles. Au total, les obstacles à surmonter par les assaillants seront encore importants : plus sérieux que le 24 octobre. Au cours de la même période, le dispositif de l'artillerie allemande comprend cinq groupements de batteries en 1e ligne et deux de gros calibre en 2e ligne : selon les évaluations, 247 batteries ou 563 pièces, susceptibles d'agir lors de l'attaque. En particulier, au cours de décembre, le I./E.Fda.R. 45 (rattaché à la 4.I.D., une des divisions susceptibles d'intervenir) est en position à environ un kilomètre à vol d'oiseau à l'est de l'ouvrage de Bezonvaux, à hauteur du bois du Grand Chénas, entre la voie métrique et la route Ornes-Damloup.
    Les pièces tournées vers le Sud-Ouest (vers le fort de Vaux), reposent sur un sol marécageux. Les batteries passent aux ordres du groupement Vaux du Fda.R. 17 (le commandant de l'E.Fda.R. 45 exerçant le commandement de l'artillerie divisionnaire de la 4.I.D.). Le régiment passe ensuite aux ordres d'un groupement Wendelstein, avec le 11 /1.bay.Ldw.Fda.R.z. Les objectifs sont alors les tranchées au nord et à l'est du fort de Vaux ainsi que le ravin de Vaux. Le groupe reçoit des obus et subit des pertes. A partir du 14, il est bombardé intensivement. D'une manière générale, pendant la préparation d'artillerie française, toutes les batteries sont traitées par obus à gaz, les liaisons téléphoniques coupées et les transmissions optiques impossibles.

    15-16 DECEMBRE : LE SECOND VOLET DE LA PREMIERE BATAILLE OFFENSIVE DE VERDUN

    L'offensive des Français, déployée sur un front total de 10 kilomètres, commence véritablement le 15 à 7 heures sous un ciel nuageux. Leur préparation d'artillerie augmente sur tout le front d'attaque et devient bientôt, pour les Allemands, un « feu roulant » (Trommelfeuer). Celui-ci s'abat sur les positions d'infanterie avec notamment des obus explosifs ; sur celles de l'artillerie, les ravins où peuvent être défilées des réserves et les pistes de ravitaillement, il est réalisé surtout avec des projectiles à gaz. Les Allemands, qui n'ont pas été surpris, ripostent d'abord faiblement puis vigoureusement au bombardement adverse, au point que les pièces françaises semblent inférieures en nombre ; du côté français, les pertes sont importantes. L'action des unités prenant part à cette opération se déroule ainsi que suit. A la 133e D.I., le dispositif est le suivant : au centre, le 116 B.C.P. (avec le 102 B.C.P. devant lui), à gauche le 321e R.I., à droite le 401e R.I., à l'extrême droite (au-delà du 401e R.I. et en liaison avec lui) le 107 B.C.P. soutenu par une compagnie du 32 B.C.P. et, bien plus à l'Est, à hauteur du village de Vaux, le reste du bataillon. II est prévu que, dans un premier bond, les 5 et 6/321e R.I. se porteront à 1 400 mètres au-delà de la ligne fortifiée Carrières-Nord/Carrières-Sud. Ensuite, le 4e/321e doit attaquer le village de Bezonvaux, aidé par le 116 B.C.P. Pour éviter un trou entre la 37e et la 133 D.I., deux compagnies du 5 R.I. ont été mis à la disposition du 321e. Elles marcheront derrière la gauche du 5 bataillon de ce régiment, chaque compagnie à 150 mètres de distance de l'unité qui la précède et débordant à gauche. En arrivant sur la lère ligne à atteindre (ligne A : Carrières-Nord Carrières-Sud I ouvrage de Lorient ouvrage d'Hardaumont), elles creuseront une tranchée profonde formant crochet défensif à gauche.Le 116 B.C.P. progresse dès le départ en ordre parfait. Il atteint la crête Douaumont-ouvrage de Lorient où il se déploie sur un front de 500 mètres. L'ordre de poursuivre est donné à 11 h 20 et la crête est franchie à 12 h 10. Précédé par un barrage roulant d'artillerie, ce bataillon se porte alors à l'attaque de l'ouvrage de Bezonvaux, suivi du 6'/321e. Sa compagnie de droite, en liaison avec le 401e R.I., progresse par le boyau de Cologne qu'elle nettoie. Elle se rabat ensuite sur les pentes est de la croupe de Bezonvaux. La compagnie du centre marche sur l'ouvrage proprement dit, qu'elle atteint à 12 h 30. Elle engage un violent combat avec la garnison allemande qui se défend énergiquement ; elle n'en vient à bout qu'après l'emploi de grenades incendiaires : tous les coins et recoins sont fouillés, les abris nettoyés. Les prisonniers sont évacués vers l'arrière sous la conduite de chasseurs légèrement blessés. Dans l'ouvrage, il n'y a plus que des Français haletants, frémissants, exaltés. La compagnie de gauche du 116e B.C.P. fait face à de nombreux obstacles. A la tranchée de l'Yser, elle doit ralentir son mouvement, le 321 R.I. étant alors arrêté. Elle avance lentement, mètre par mètre, s'emparant à la grenade des abris constituant le camp de Hambourg (au sud-ouest de Bezonvaux), au prix de pertes sensibles. D'ailleurs, les détachements qui nettoient les camps installés dans les ravins se heurtent généralement à une résistance farouche. Dans le camp de Brême (ravin du Pré-Sud), le 401e R.I. capture seulement 70 prisonniers (par ailleurs, il détruit huit pièces). Dans ceux de Cologne (ravin de la Plume) et de Coblence (ravin du Muguet), le 107 B.C.P. fait plus de 600 prisonniers. Vers 14 h 30, les Allemands cherchent à s'infiltrer par le point faible existant entre deux compagnies du 116e B.C.P. : celle de gauche et celle du centre qui a occupé l'ouvrage de Bezonvaux. La situation devient critique pour les chasseurs. La compagnie du centre, en position devant l'ouvrage, doit tenir coûte que coûte en envisageant de se replier dans celui-ci en attendant d'être dégagée. Une section de mitrailleuses est placée sur le parapet ouest de l'ouvrage. Des tranchées sont rapidement creusées.En dépit des pertes sensibles enregistrées sur sa base de départ, le 321e R.I. sort à 10 heures de ses parallèles ; en particulier, le 5e bataillon a été gravement touché au point que son commandant a devancé de quelques minutes l'heure H fixée. Néanmoins, le régiment avance en ordre, précédé par un barrage roulant qui avance de 100 mètres toutes les 4 minutes. A 10 h 15, les prisonniers affluent vers l'arrière. A 10 h 15-10 h 30, un petit élément de la 1915 bataillon, constitué par un sous-lieutenant, un sergent et un soldat, escalade les pentes d'une des anciennes carrières constituant les Carrières-Sud ; les intéressés neutralisent un groupe de mitrailleurs allemands au moment où ceux-ci mettent une pièce en batterie. Ce premier obstacle étant éliminé, le même bataillon poursuit son avance, tandis que le 6 progresse irrésistiblement dans le Fond du Loup : à 10 h 30, il enlève la 2e ligne à atteindre (ligne B) dans sa zone d'action. Les prisonniers affluent. Le 4 est moins heureux : il éprouve de beaucoup plus grandes difficultés. Placé en deuxième échelon, il doit se porter à l'attaque du village de Bezonvaux. Or, à 12 h 30-13 heures, il est contraint de s'arrêter par des réseaux de barbelés intacts et le feu meurtrier de mitrailleuses postées dans la tranchée des Deux-Ponts, alors qu'à ce moment l'ouvrage de Bezonvaux ne lui paraît pas pris. La progression générale est donc ralentie.La 37 D.I. sort de ses tranchées à 10 heures. Sur l'ensemble de son dispositif, elle subit de lourdes pertes attribuées à la communication de renseignements aux Allemands par des déserteurs ; le bataillon de tête de son 2e Tirailleurs est décimé ; le colonel Gouvello, commandant la 74 brigade, est tué à son P.C. dans le ravin de Chambouillat. Les vagues s'avancent péniblement sur un terrain qui au départ est défoncé par les obus et s'améliore ensuite. Il est prévu que ce jour-là, en fin d'opérations, le 3' Zouaves s'emparera des crêtes situées au-delà de Bezonvaux et marquées par une ligne fortifiée appelée tranchée Bochemar, ainsi que du bois des Caurrières. Après un début de progression, le 1er/3e Zouaves est pris de flanc par le feu intense de mitrailleuses postées dans les Carrières-Nord. L'exploit d'un soldat qui, tirant avec son fusil-mitrailleur Chauchat Mle 1915 à la hanche, bondit sur les armes automatiques adverses, permet au bataillon de reprendre sa marche ; celles-ci sont emportées de haute lutte. A 12 heures, le premier objectif est atteint, mais la 74 brigade, à droite, est bloquée au bois de La Vauche tandis que la 73e, à gauche, atteint son second objectif, créant un décalage de 1 000 mètres entre les deux brigades. Un bataillon du 2e Zouaves s'est installé en échelon refusé face au Fond des Rousses où il se relie au 3 Zouaves. Pendant ce temps, le 5/3 Zouaves double le 1, mais il est arrêté 200 mètres plus loin par un feu violent alors que la nuit tombe. En raison des difficultés rencontrées au cours de sa marche, le 11 bataillon qui a dû traverser sous un feu infernal un terrain mouvant, presque infranchissable, n'est pas en mesure de se porter à l'attaque avant d'être regroupé pour monter une manoeuvre contre les centres de résistance qui ont arrêté le mouvement du 5e bataillon. En fin de soirée, des infiltrations allemandes dans l'Hermitage contraignent la 73e brigade en flèche à abandonner le bois des Caurrières. Ce soir-là, l'objectif fixé pour la division ne peut être occupé et celle-ci n'étaie pas ses voisines.Au total, la journée du 15 décembre s'achève sur un succès relatif, le second objectif n'étant atteint nulle part. Le mauvais temps a rendu la préparation moins efficace et le froid (-20°) fait souffrir les hommes.Tard dans la soirée, l'ordre vient de poursuivre le succès jusqu'aux objectifs fixés, notamment le village de Bezonvaux pour le 4e/321e R.I. A ce moment, le 5/321e R.I. occupe la 1er ligne à atteindre (ligne A), des Carrières-Nord à l'ouvrage d'Hardaumont sur une longueur de 400 mètres à partir des Carrières-Sud, et la 2e ligne à atteindre (ligne B), à 800 mètres en arrière, sur une longueur de 500 mètres. Le 6e/321e R.I. occupe la ligne A sur une longueur de 500 mètres de la droite du 5e bataillon à l'ouvrage de Lorient, la ligne B sur une longueur de 300 mètres à l'est de cette unité. Le 4e bataillon tient un front matérialisé par deux tranchées à 300 mètres en avant de la ligne B, soudé aux Zouaves à gauche et au 116e B.C.P. à droite. Deux compagnies du 5e R.I. et une C.M. reçoivent l'ordre de nettoyer le camp de Hambourg se trouvant entre ce bataillon et le 321e RA. Une compagnie du 5' R.I. est, en outre, donnée au 116e B.C.P. Après le nettoyage du camp, le 4 bataillon atteindra son objectif : Bezonvaux. Deux compagnies du 2/24e R.I., rattachées à la 37 D.I., sont mises sur la ligne A à la disposition des 5e et 6e/321e R.I. L'attaque doit avoir lieu le lendemain. A minuit, la 133 D.I. change les ordres. L'attaque du village aura lieu par surprise à 2 heures du matin. Elle sera menée par un groupement constitué sous les ordres du commandant Gatinet : 6/321e R.l. + 102e B.C.P. Ce bataillon doit marcher directement sur l'objectif et l'occuper. Le 6e le suivra, mais il fera face à gauche en arrivant à hauteur de l'ouvrage voisin, remontera le Fond du Loup et prendra à revers la tranchée de Deux-Ponts au sud-ouest de la localité. A ce moment, le 4 attaquera cette tranchée et s'y installera. En position finale, le 102e B.C.P. occupera Bezonvaux ou ce qu'il en reste, le 6/321e R.I. les pentes nord-ouest du village et le 4/321 R.I. la tranchée de Deux-Ponts. Le 2e/5e R.I. viendra remplacer les unités du bataillon Gatinet avant 2 heures du matin. Les deux compagnies du 24 R.I. demeureront sur la base de départ. Dans la nuit du 15 au 16, l'attaque recommence aussi à la gauche de la 133 D.I., à la 37e D.L, pour compléter les succès de la veille ; le mouvement en avant est exécuté entre 2 heures et 3 h 30. Le terrain de l'opération est un véritable bourbier.Au cours de sa progression, parvenu à hauteur de l'ouvrage de Bezonvaux, le 6e/321e R.I. pivote vers l'Ouest, franchissant le Fond du Loup. Ses 2e et 22e compagnies se rabattent brusquement sur la tranchée de Deux-Ponts qu'elles débordent au petit jour. Un dur combat commence contre un détachement allemand évalué à deux compagnies. Un sous-lieutenant accompagné d'un groupe d'hommes se précipite sur l'adversaire, abrégeant la lutte. Le bilan comprend deux cents prisonniers allemands, dont six officiers, des mitrailleuses, quatre lance-mines lourds et des munitions. La 23 compagnie entre alors en ligne ; le nettoyage est achevé à 7 h 50 et le bataillon descend dans le Fond des Rousses puis escalade ses pentes nord pour prêter main-forte aux Zouaves de la 37e D.I. et s'assurer la lisière nord de Bezonvaux, en maîtrisant la tranchée Bochemar. A 10 heures, la liaisonde ce 6e/321e R.I., qui a terminé son mouvement, est établie à droite avec le 102 B.C.P. qui est entré entre 8 et 9 heures dans Bezonvaux, aidé par deux compagnies du 24e R.1. A droite, le 6' est soudé à gauche aux Zouaves.Entre-temps, environ six cents prisonniers, capturés par le 102 B.C.P., encadrés par une trop faible escorte et n'ayant pas pu être conduits à l'arrière, réussissent à récupérer des armes ; ils se retranchent derrière des talus et ouvrent le feu dans le clos des Français. Le 3e Zouaves envoie des secours : un bataillon, arrivant dans le Fond des Rousses par le ravin d'Hassoule, déborde la tranchée de Weimar et détache une compagnie pour renforcer les chasseurs. Débordés à l'Est et à l'Ouest, cette tranchée et ses prolongements sont rapidement réduits. A 13 heures, le 2e/5e R.I. vient renforcer la ligne à droite du 102 B.C.P. à partir du village de Bezonvaux.Au 3 Zouaves, à 2 heures du matin, les 5e et 1er bataillons reprennent leur marche en avant ; ils vont tenter le nettoyage du Fond des Rousses par l'Ouest. Ils atteignent par la gauche un centre de résistance baptisé ouvrage de Lübeck par les Français : de nombreux prisonniers y sont capturés. Ces deux unités encerclent vers la droite la tranchée de Kaiserslautern protégée par un épais réseau de fils de fer intacts, où se trouvent plusieurs mitrailleuses. La 42e compagnie, commandée par un sous-lieutenant, doit s'en emparer. Une riposte des mitrailleuses françaises et une attaque de grenadiers emmenés par un adjudant fait tomber cette position. Toute la compagnie, entraînant avec elle une section de la 41e, se porte ensuite en avant. Elle participe à l'enlèvement de la tranchée de Deux-Ponts, atteint et dépasse Bezonvaux, revendiquant également la capture de 200 prisonniers. Quant aux hommes d'une compagnie du 102 B.C.P. bloquée étroitement dans le village même une soixantaine, ils poussent des cris de joie en voyant arriver leurs sauveurs. De la 42e compagnie, il ne reste aussi qu'une soixantaine d'hommes commandés par un sergent, qui continuent jusqu'à la tranchée Bochemar et l'occupent. Des renforts sont envoyés depuis le ravin d'Hassoule ; la position est tenue sur 600 mètres. A sa gauche, le 3e Tirailleurs, qui avait été arrêté par la tranchée de Weimar, atteint le bois des Caurrières.En fin d'après-midi tous les objectifs fixés sont atteints. L'ouvrage de Bezonvaux, repris la veille, a été dépassé vers l'Est, mais l'avance n'est pas allée jusqu'à la ferme de Méraucourt. Pendant toute la journée, l'artillerie a été très active des deux côtés.Sur ce qui s'est passé dans la nuit du 15 au 16, on dispose du récit anecdotique, rédigé par le lieutenant-colonel Picard, commandant le 321 R.I.25:

    « Nous sommes le 15 Décembre au soir. A minuit, l'ordre arrivait de prendre par surprise, dans la nuit même, la tranchée des Deux-Ponts et le village de Bezonvaux. Les difficultés étaient énormes : nuit opaque et neige abondante, troupes dispersées parle combat (du 15/12), connaissance à peu près nulle de la résistance ennemie. On me parlait d'envoyer deux compagnies ; on ne les eût jamais revues. Je téléphonai qu'il fallait au moins deux bataillons et j'organisai un groupement avec mon 6 bataillon et le 102 Chasseurs, sous le commandement du commandant Gatinet du 6' bataillon.A la réception de l'ordre, Gatinet me faisait dire que c'était absolument impossible et je crois bien qu'il avait raison. Mais il n'était plus temps de discuter: si nous laisssions l'ennemi se reprendre, c'était l'opération manquée et peut-être un repli d'une profondeur incalculable. Aussitôt j'écrivis er Gatinet : « L'honneur militaire est engagé ; vous êtes responsable de l'exécution ; à quelque prix que ce soit, il faut attaquer cette nuit ; il est 2 heures, je vous donne jusqu'à 5 heures ; mais c'est l'extrême limite ; vous m'en répondrez personnellement. ». Suivait le détail du coup de main, dont je vous fais grâce. Quelle nuit d'angoisse !Je vivrais cent ans que je me la rappellerais comme le pendant de ces atroces nuits du bois d'Ailly, en septembre 1914, en pleine forêt d'Apremont où, encerclé avec mon bataillon pendant trois jours et trois nuits, attaqué partout, je n'en sortais qu'à force de toupet et de chance aussi. Il en fut ici de même. Gatinet, qui est un brave, dit à ses officiers : « C'est une absurdité, mais à la guerre, l'absurde réussit quelquefois ; allons-y ! ». Pourquoi le Fritz, cette nuit même, évacua-t-il le camp de Hambourg et le village de Bezonvaux ? Nous ne le saurons probablement jamais. Quoi qu'il en soit, cette opération de nuit qui était la témérité même, l'audace la plus folle, s'exécuta avec des difficultés inouïes, mais réussit. La transmission des ordres avait pu se faire à travers la nuit, la neige et le bombardement. Qu'un seul coureur eût été atteint et tout s'écroulait. Dans les ravins, en pleine obscurité, tout s'ébranla, mais se disloqua plus ou moins en cours de route.Le commandant Gatinet se trouva tout seul avec 14 hommes, pendant trois heures, contre 200 Allemands qui tiraient de leurs abris, sans oser en sortir. Il vit entrer chez lui, dans un abri ancien contenant encore des 155 français, trois officiers allemands, dont l'un s'assit sur son revolver. Il se crut pris, mais l'officier commença en ces termes : « C'est vraiment malheureux, quand on est de l'active, d'être faits prisonniers, etc. ». Gatinet n'en écouta pas plus long. Comment ? C'étaient eux les prisonniers ? «Rocs» ! Dehors ! leur cria-t-il.Enfin, les compagnies arrivaient et les dégageaient. Au petit jour, le 4 bataillon (de Con tenson) s'emparait en la débordant, de/a tranchée des Deux-Ponts qui avait tenu toute la nuit ; la liaison s'établissait avec le commandant Florentin, du 102 Chasseurs, qui était entré dans le village de Bezonvaux et, ce qui achevait la victoire, le 3 Zouaves, sorti du bois des Caurrières, rabattait toute la troupe ennemie dans le Fond des Rousses où elle était prise en masse. Encore une fois, nous étions vainqueurs ».En ce qui concerne les éléments appartenant à trois des divisions de 2e ligne ayant participé à l'opération, en tant que réserve des brigades, des allusions y ont été faites auparavant. De manière plus détaillée, cette participation a été la suivante pour les 6 et 21e D.I.Le 2e/5e R.I. (6e D.I.), placé en renfort de la 133 D.I., progresse initialement en deuxième échelon. Il suit pendant trois kilomètres la 214 brigade en direction de Bezonvaux en subissant quelques pertes dues aux barrages ennemis. Ensuite, à hauteur des carrières, au sud de Bezonvaux, il passe en premier échelon, entre le 116 B.C.P. et le 321 R.I. Au cours de l'avance, une forte patrouille de la 7 compagnie attaque un nid de mitrailleuses et s'en empare. Dans la nuit du 15 au 16, le bataillon continue sa progression et, ultérieurement, participe à la prise de la localité.Le 2e/24e R.I. (6e D.I.) est également détaché auprès de la 133e D.I. Le 15, ses 5e et 7e compagnies participent très en arrière à la progression de la 2e vague. Ses 10e et 11e, qui sont restées pendant l'attaque aux environs du fort de Souville, sont portées dans la nuit du 15 au 16 dans le ravin de la Fausse-Côte. Puis, elles aident à occuper Bezonvaux en faisant des corvées de toutes sortes.Le 28e R.I. (6e D.I.) monte en ligne le 16 en passant à proximité de la caserne Marceau. Sa mission est d'occuper les ouvrages de Bezonvaux et d'Hardaumont ainsi que les ravins du Pré-Sud, du Muguet et de la Plume.Le 137 R.I. (21e D.I.), mis à la disposition de la 37e D.I. le 14, est également engagé sur le territoire de la commune de Bezonvaux. Le 16, le 2'/137e R.I. rattaché à la 73e brigade, reçoit à 1 heure du matin l'ordre de conduire une reconnaissance dans le Fond des Rousses avec le 5/12e Zouaves pour nettoyer ce ravin et permettre à la brigade de continuer son mouvement entamé la veille au soir. Le terrain est difficile, le ciel couvert. Le bataillon ne part qu'à 4 h 30 et arrive à la tranchée de Cobourg. Le bataillon de Zouaves est parti. Des patrouilles le retrouvent, mais il n'a pas pu effectuer la reconnaissance prévue parce que le ravin est occupé par les Allemands depuis 1 heure du matin. A 9 heures, la 5/137 R.I. est envoyée en soutien à gauche du bataillon de Zouaves occupant la tranchée de Chaume sur laquelle les Allemands mènent une contre-attaque. Les fusils-mitrailleurs des 6e et 7/137e R.I. occupent la tranchée de Cobourg et une autre au nord-ouest de celle-ci ; ils réussissent à empêcher la progression allemande dans le ravin des Fontenaux (partie ouest du Fond des Rousses, à hauteur des Fontaines de Fontenaux). A partir de 14 h 30, le 2/137e R.I. attaque en liaison avec ses voisins (à droite le 3e Zouaves, à gauche le 2e) ; dans la soirée, il est dans le bois des Caurrières.

    La fin heureuse de l'opération est saluée dans le « Verdun » de Jacques Péricard et « Les Armées Françaises dans la Grande Guerre » par l'appellation de « victoire de Louvemont-Bezonvaux », qui met en relief les deux points-clés de l'offensive française. Celle-ci a repoussé un peu le front allemand, sans leramener à l'emplacement qu'il occupait le 21 février 1916. Néanmoins, vers le Nord-Est, il est maintenant à 7 500 mètres de Verdun et 3 000 du fort de Douaumont, ce qui les met tous les deux à l'abri d'une attaque par surprise. Cette victoire se solde pour l'adversaire, uniquement pour les 15-16 décembre, par la perte de 25 000 hommes dont 18 000 pour l'infanterie. Le butin est important, comparable à celui de l'offensive du 24 octobre précédent : 11 387 prisonniers dont 284 officiers, 115 canons, 44 Minenwerfer, 107 mitrailleuses. Le communiqué du 18 décembre, publié par le général Mangin, fait état de 11 103 prisonniers, 115 canons pris ou détruits, plusieurs centaines de mitrailleuses et lance-mines récupérés. A la 37 D.I., le 3e Zouaves s'est emparé de 10 pièces d'artillerie, de 9 mitrailleuses, de dépôts de munitions et de plusieurs centaines de prisonniers. L'ordre du jour signé par le général Passaga, commandant la 133e D.I., en date du 17 décembre, fait état uniquement pour son unité de 3 000 prisonniers valides dont 103 officiers, 17 pièces de campagne, 27 de gros calibre, deux à grande puissance, plus de nombreux canons de tranchées et un matériel considérable. En ce qui le concerne, le 401e R.I. a récupéré 700 prisonniers des 1. et 5.bay.E.I.R., 11 pièces d'artillerie,8 mitrailleuses et un matériel important. Quant au 321 R.I., il a capturé 1 000 prisonniers et pris un important butin dont 20 canons, 30 Minenwerfer et 15 mitrailleuses. A propos des pièces abandonnées par les Allemands, un officier d'artillerie écrit dans ses « Carnets de guerre » le 12 février 1917 :« Belle journée presque printanière. Calme sur le front. Je vais reconnaître au ravin du Loup des batteries allemandes abandonnées. Il y a des canons de 150 et des Minnenwerfer. On va tâcher de les utiliser, bonne plaisanterie dont les Kaiserliches apprécieront la finesse ». 

    1916 : Bezonvaux dans la bataille de Verdun

    Attaques françaises à objectifs limités : front les 24 octobre ( matin ), 3 novembre et 16 décembre 1916, (la carte ci-dessus et celle de l'article suivant ne tiennent pas compte des légères modifications intervenues entre le 3 novembre et le 14 décembre ) 


  • Si l'on considère maintenant le côté allemand, l'attaque française du 15 décembre 1916 a percé entre la 14.I.D., tenant le front entre la cote 347 et la tête du Fond du Loup, et la 39.bay.R.D., défendant le massif d'Hardaumont. Pour commencer, seule la ligne avancée est forcée : les assaillants sont même repoussés par une contre-attaque. Dans le Fond du Loup, certains sont faits prisonniers par des îlots de résistance ou des éléments en réserve sortis de leurs abris. Pourtant, l'attaque française progresse vers Bezonvaux et déborde les tranchées proches ainsi que les positions de soutien. Elle s'empare de nombreux prisonniers et récupère des canons. A ce moment, les Allemands manquent de renforts pour contre-attaquer fortement. Néanmoins, les éléments des I.R. 56 et 57 qui tiennent les ravins (Fond du Loup, ravin d'Hassoule) se défendent pied à pied ; dans la division correspondante, la 14.I.D., des artilleurs défendent eux¬mêmes leurs pièces. Après la prise de l'ouvrage de Bezonvaux, la vague des assaillants qui avance sur la pente au nord de celui-ci dépasse une galerie dans laquelle se trouve l'état-major du Ill./I.R. 56. Une grenade est lancée dans son entrée, mais les Français ne s'arrêtent pas et les quelques officiers de cet état¬major profitent de l'obscurité pour éviter la capture. Dans le secteur de la 39.bay.R.D., la position de soutien d'artillerie va devenir la 1''' ligne : pourtant, à 15 heures, cette division reçoit l'ordre de tenir une ligne passant par les ouvrages existant sur la croupe d'Hardaumont ; mais, il est déjà trop tard. Entre-temps, les 5.I.D. et 21.R.D. ainsi qu'une quantité de batteries lourdes sont alertées et doivent intervenir ; toutefois, ces formations sont trop en arrière pour le faire avant la fin de la journée. La 21.R.D. reçoit l'ordre de relever la 39.bay.I.D. Au cours de la journée, en raison de l'attaque et des bombardements, il est impossible au I./E.Fda.R. 45 de rester à l'est de Bezonvaux. Avec beaucoup de difficultés en raison du terrain chaotique, les canons sont sortis de la boue par les chevaux aidés par les servants. Leur évacuation s'effectue avec d'autres pertes en hommes et en chevaux.

    La perte de l'ouvrage de Bezonvaux, les échelons hiérarchiques allemands ne l'apprennent que dans la soirée. Le général Chasles von Beaulieu, qui commande le groupement Hardaumont rassemblant les 14.I.D. et 39.bay.R.D., ordonne à la première division de couvrir la position d'artillerie et d'infléchir son aile gauche à hauteur du Fond du Loup pour soutenir la seconde en la flanquant. Celle-ci doit tenir une ligne au nord-est de l'ouvrage de Bezonvaux et la prolonger de chaque côté pour établir la liaison avec les divisions voisines. Le 16, le commandement du groupement Hardaumont estimé que la position de couverture de l'artillerie doit être tenue, sauf pour la 39.bay.R.D. dont les restes commencent déjà à se replier vers celle du bois des Fosses (Fosses-Wald-Stellung), située entre Ornes et Bezonvaux. Ce mouvement est d'ailleurs ignoré de l'état-major du groupement et des divisions voisines. Dès 9 heures du matin, le village de Bezonvaux tombe aux mains des Français et ceux-ci continuent en direction du Nord-Ouest. Pendant ce temps, l'aile gauche de la 14.I.D. est encerclée ; elle est détruite en dépit d'une résistance acharnée. Vers midi, les parties de la division situées plus à l'ouest de la position de couverture de l'artillerie peuvent se replier vers la position du bois des Fosses. Le mouvement est exécuté à la faveur d'une tempête de neige. Pendant ce temps, d'autres éléments français nettoient complètement le bois de Chaume et capturent de nombreux Allemands. Vers midi aussi, Beaulieu qui examine la situation prescrit de reformer un front continu depuis l'ouest d'Ornes jusqu'à l'aile droite de la 4.I.D. du groupement Vaux, à l'est de la ferme de Méraucourt. L'ensemble du groupement Hardaumont se retrouve alors dans la position du bois des Fosses. La première ligne entre le nord de Bezonvaux et la Croix de la Vaux se fixe dans des trous d'obus, les éléments de tranchée étant rares et partiellement détruits. Le R.I.R. 80 est engagé en première ligne dans la nuit du 16 au 17. Préalablement, il a été remis à hauteur grâce à un renfort de 350 hommes provenant du dépôt de recrues de sa division : la 21.R.D. Le Ill./R.I.R. 80 se met en place dans la position du bois des Fosses et partiellement le long du talus de la voie ferrée métrique, pendant que deux compagnies s'installent dans la position d'Ornes (Ornes-Stellung), au nord¬ouest de ce village, à l'est d'une compagnie de l'I.R. 369. Pendant ce temps, les positions d'artillerie de la zone Ornes-Maucourt sont reculées. Il ressort des deux jours de lutte que les Allemands ont été surpris par le procédé d'attaque français. En collant aux barrages, les vagues d'assaut sont arrivées de suite à la lutte rapprochée, souvent même avant que leurs adversaires aient eu le temps de sortir de leurs abris, où les grenades incendiaires ont créé la panique et vaincu les résistances ébauchées. Les percées réalisées d'emblée dans les parties peu résistantes du front ont permis de déborder et de manoeuvrer par les ailes les résistances frontales intermédiaires. En outre, si le 24 octobre l'attaque française est parvenue au contact des batteries ennemies, le 15 décembre elle réussit par son avance - en particulier dans la région de Bezonvaux - à entamer sérieusement et à disloquer la ligne d'artillerie. En ce qui concerne les pertes allemandes, une source 28 les évalue, pour la période du 11 au 20 décembre, à 14 000 hommes, dont 13 500 pour les15 et 16 : ce nombre ne paraît pas correspondre à la totalité des tués, blessés, disparus ou prisonniers. La même source affirme que celles des Français du16 novembre au 20 décembre auraient atteint 21 000 (celles de la 37e D.I. opposée à la 14.I.D. étant particulièrement importantes).

    1916 : Bezonvaux dans la bataille de Verdun

    Attaques françaises de l'automne 1916 : ligne atteinte le 3 novembre et percées des 15-16 décembre.