• Lorsque commence la journée du 25 février, face à la poussée allemande, la défense française se répartit en quatre secteurs : à l'Ouest le général de Bonneval, de la Meuse à Louvemont exclu (72 D.I. + 74 brigade) ; au centre le général Boulangé,
    de Louvemont inclus à la cote 378 exclue (51 D.I. + 73 Br.), à l'Est le général Deligny (153D.I.) de la cote 378 à Bezonvaux exclu ; en dernier lieu, le général Crépey, le secteur des Hauts-de-Meuse allant de Bezonvaux à Eix exclu (14 D.I. + 212 Br.T.). Ces généraux disposent en outre de tous les éléments se trouvant dans leur secteur.
    Un bombardement effroyable s'abat le matin entre la cote 378 et Bezonvaux. Au cours d'une patrouille de liaison, des chasseurs de la 2e/4e B.C.P. aperçoivent des Allemands progressant en direction de leur unité ; ils s'échappent à grand peine. Toutefois, ce mouvement de l'adversaire surprend le 2 B.C.P., puis le bataillon du 208 R.I. en réserve du 30 C.A., qui semble s'être avancé dans le ravin d'Hassoule avec des postes sur les lisières des bois à l'ouest de Bezonvaux. Il refoule les débris du bataillon de chasseurs qui doivent se retirer en passant par l'est du fort de Douaumont et capture en grande partie le bataillon du 208. Il avance en profitant du terrain, notamment du ravin d'Hassoule, en direction du village de Douaumont, que tient fermement le 95 R.I. Parmi les unités allemandes figurent les I.R. 20 et 64. Partant de la source d'Ornes, les I. et II./I.R. 20 passent à la Croix de la Vaux, puis, les I. et III. suivis par le II traversent La Vauche et franchissent offensi¬vement le bois et le ravin d'Hassoule. Le I.I.R. 64 traverse le bois des Caurrières, le Fond des Rousses et arrive à La Vauche pour se diriger ensuite vers Douaumont. Le succès allemand et le repli des unités françaises laissent à découvert Bezonvaux.
    Vers 13 heures, les assaillants profitent de la situation trop exposée du 4 B.C.P. pour l'attaquer dans le flanc gauche. Ils encerclent puis s'emparent de la tranchée tenue à l'Ouest par la 3 compagnie dont quelques hommes peuvent néanmoins s'échapper. Ils essaient d'exploiter ce succès, toutefois ils sont repoussés par deux compagnies en réserve (2 et 5). Les 1ère et 6 continuent d'occuper leurs positions face au Nord. Un chasseur de la 2 compagnie, blessé à la tombée du jour, essaie de gagner un poste de secours en passant par Bezonvaux. Il constate que la localité est occupée par les Allemands ; non repéré et en dépit de ses blessures, il rejoint son unité pour transmettre les informations qu'il a recueillies. Ultérieurement, le commandant du bataillon donne l'ordre de se replier en direction de Vaux, sur la ligne tenue par la 153 D.l à Laquelle il appartient.

    Plus à l'Est, c'est aussi le tour du 44 R.I. Cette unité occupe, depuis quelques jours avant l'attaque du 21, la ligne de la Woëvre entre Damloup et Bezonvaux. En cette journée où le temps est froid, où tombent neige et pluie, où le sol couvert de neige est glissant, elle subit une attaque décisive dans des conditions que décrit son historique:


    « Le 25, vers midi, le 3' bataillon qui occupe Bezonvaux - bastion avancé du sommet de l'angle droit formé par nos positions - reçoit le premier choc. Grâce aux tirs de barrage qui isolent le village, l'infanterie ennemie progresse, encerclant l'îlot de résistance. Les défenses accessoires improvisées tombent une à une.
    Le commandant Kah est blessé. L'adjudant-major, le capitaine Dumas, prend le commandement du bataillon. Les obus pleuvent, les balles sifflent ; le capitaine Dumas, engagé volontaire de 66 ans, se promène souriant, la canne sur l'épaule, narguant la mort.
    Cependant vers 17 heures, sous l'effort ennemi qui redouble, les lignes craquent, et c'est pied à pied que le bataillon défend le village. Le capitaine Dumas saisit un fusil et, afin d'y voir plus clair, monte sur un pan de muraille. C'est là qu'il reçoit, presque à bout portant, une balle qui lui traverse les deux cuisses. On veut l'emporter, il refuse, car il n'est pas de ceux qu'une blessure arrête. Les Allemands foncent sur lui, il se dégage ; et tandis que les mitrailleuses tirent sans arrêt, il part à travers le village et rejoint les nouvelles lignes où quelques éléments résistent.
    Mais, le cercle de l'ennemi s'est peu à peu resserré et à la tombée de la nuit, après que les défenseurs ont presque tous succombé, Bezonvaux est investi ».

    Du côté allemand, l'assaut est mené par le détachement Schulz (Abteilung Schulz) composé d'une partie du Reserve-Infanterie-Regiment 98 (R.I.R. 98) : le Ille bataillon et trois compagnies du IIe. A 18 heures 30, le mouvement allemand oblige les survivants du 4' B.C.P. et du 44 R.I. à se replier. Les éléments du 36e R.I.T. (mitrailleuses et pionniers d'infanterie) qui étaient avec le 44e R.I., font de même : la section de mitrailleuses a deux chevaux tués et sa voiture éventrée ; elle doit abandonner son caisson et une partie de son matériel. Le sergent Roblin, du détachement de pionniers, très grièvement blessé à Bezonvaux, ne peut être transporté. Endommagé par les obus, le village est désormais derrière les lignes allemandes. A la fin de la journée, la première ligne française suit le tracé côte du Poivre-bois d'Haudromont-village de Douaumont-sud du bois d'Hardaumont-Vaux-Damloup-Eix. Durant la nuit du 25 au 26, particulièrement froide, l'L.R. 155 reçoit l'ordre d'attaquer en direction des hauteurs d'Hardaumont. Pendant ce temps, l'artillerie de campagne allemande qui s'est rapprochée bombarde l'ouvrage d'intervalle situé à 750 mètres au sud de Bezonvaux, en particulier pour détruire le réseau de fils de fer barbelés.
    Le 26, tôt le matin, c'est au tour de cet ouvrage d'être attaqué. L'opération, menée par l'I.R. 155 - renforcé par l'Abteilung Schulz, toujours le III bataillon (lll.IR.I.R. 98) et deux compagnies du II., ainsi que deux du génie débute à 5 heures. Trois colonnes sont organisées : en direction de l'ouest de l'ouvrage le II./I.R.155, au milieu depuis le village en direction de l'ouvrage lui-même le I.I.R. 155, à l'Est vers la dépression au nord-ouest de l'ouvrage et de la lisière orientale du bois d'Hardaumont l'Abteilung Schulz. Les Allemands peuvent commencer leur mouvement sans être gênés. Les unités avancent sans bruit dans l'obscurité, sous la protection d'une ligne de tirailleurs, à travers les pins, bouleaux et buissons constituant le bois qui couvre la hauteur, à la lisière duquel existent plusieurs rangées de fils de fer barbelés. Derrière ces obstacles, il y a une position d'infanterie composée de tranchées avec des flanquement et des petits points d'appui. Les Français ne se manifestent que lorsque les assaillants arrivent vers le sommet de la hauteur sur laquelle se trouve l'ouvrage. Leur progression est concentrique et les colonnes convergent vers l'objectif. Il est défendu par une triple rangée de tranchées, cinq blockhaus et trois ouvrages avancés en terre. La résistance est inexistante de la part de faibles postes laissés là par la garnison qui s'est retirée vers le sud (l'ouvrage n'est pas inclus dans la ligne de repli prévu pour les unités françaises) ; en outre, quelques traînards sont capturés. A 6 h 45, l'ouvrage est donc occupé rapidement et sans pertes pour les assaillants. Des cadavres de Français montrent que l'artillerie allemande a été efficace sur l'ouvrage pas encore évacué. Pendant ce temps, l'I.R. 20 se porte sur les hauteurs d'Hardaumont, les états-majors des I°° et IIe bataillons s'installant dans les carrières y existant. La 11°/36° R.I.T., qui s'est repliée, a été forcée d'abandonner une partie de son matériel et de ses vivres ; elle a deux blessés et sept hommes ont été faits prisonniers ; le bombardement lui tue encore deux chevaux. Vers 11 h 11 h 30, après remise en ordre des trois colonnes, la progression est reprise en direction d'Hardaumont. Pendant ce temps, les véhicules de la compagnie de mitrailleuses de l'I.R. 155 (M.G.K./I.R. 155) stationnent dans Bezonvaux : celle-ci subit un bombardement qui détruit ou endommage ses matériels.
    A partir de là, les environs immédiats ne sont plus directement concernés par les combats. Le village et l'ouvrage ne connaissent que des mouvements et des stationnements d'unités en relation avec les événements qui se déroulent d'abord sur le plateau d'Hardaumont puis vers la localité de Vaux.
    Le même jour, à 5 heures, alors que débute l'attaque de l'ouvrage de Bezonvaux, le II./I.R. 37 (10.R.D.) et le III./I.R. 51 (12.R.D.), mis en renfort de la 1O.R.D., sont à l'est du village, à hauteur de la voie métrique, prêts à être engagés. Ils doivent aller se placer à l'aile gauche, en seconde vague, en soutien des trois colonnes qui attaqueront un peu plus tard l'ouvrage d'Hardaumont. A 10 heures, les deux bataillons progressent, l'un après l'autre, par la sortie sud du village jusque dans les ravins au nord-ouest du plateau d'Hardaumont. Le II./R.I.R. 37 y stationne de midi à 16 heures. Il fait si froid (- 6°) que les hommes défont les toiles de leurs sacs pour monter des tentes. A 16 heures, les deux bataillons font mouvement vers l'avant. Quant au I./R.I.R.37, à 21 h 30, il vient du bois des Hayes près de Maucourt où il était en réserve de corps d'armée (V.R.K.) et arrive à Bezonvaux. Dans une grange encore intacte, le commandant de ce bataillon rassemble tous les commandants de compagnie ainsi que les chefs de section et de groupe pour faire le point et donner ses ordres. Des grenades sont perçues. L'unité gagne alors ses positions dans les ravins proches en subissant des pertes. De 13 à 15 heures, le III./R.I.R. 37, qui entre-temps a été engagé sur la crête d'Hardaumont, se repose dans les ravins près de Bezonvaux, avec l'état¬major du bataillon dans le village. Puis, il s'avance jusqu'à l'ouest de l'ouvrage proche. Les hommes laissant leurs sacs et ne portant dès lors que le paquetage d'assaut, l'unité progresse, tard dans la soirée, en direction d'Hardaumont. En ce qui concerne la M.G.K./R.I.R. 37, après avoir quitté Ornes où elle se trouvait, elle est mise en alerte à Bezonvaux avant de gagner vers minuit les environs de l'ouvrage voisin pour aider à briser une attaque française le matin suivant.
    Le 27, l'I.R. 155 reçoit l'ordre de se replier dans le village, en réserve de sa division. A ce moment, celui-ci subit les effets de l'artillerie lourde française. En conséquence, le régiment va se placer sur la pente au Sud-Ouest. Deux compagnies (une dans chacun des I. et II./l.R.155) sont dissoutes pour constituer un volant de remplaçants au profit des huit autres. Le soir, le régiment remonte en ligne compte tenu d'une menace que fait peser une contre-attaque française. Finalement, les I. et II./l.R. 155 ainsi que la compagnie de mitrailleuses (pas l'état-major régimentaire) sont ramenés en arrière pour être moins soumis au bombardement français : les unités s'installent dans l'ouvrage et autour. Bien qu'elles ne soient pas directement impliquées dans des combats, elles subissent des pertes : 10 morts, 33 blessés. Elles restent sur place le 28 et remontent en ligne sur le plateau d'Hardaumont le lendemain.
    II convient de noter qu'un soldat de la 3 compagnie de mitrailleuses du 44e R.I.T. (C.M.3/44e E. Fleck, a été déclaré mort à Bezonvaux le 28 février 1916 ; ceci laisse supposer que, blessé, ramassé par les Allemands et soigné par eux, il est décédé dans une ambulance allemande déjà installée dans le village.
    Le 29, le 111./R.I.R. 51 est en réserve dans l'ouvrage, Il/R.I.R. 37 dans un ravin au sud de Bezonvaux. Le lendemain, les mêmes unités sont en réserve dans l'ouvrage et surtout à l'extérieur, dans des trous. La nourriture est apportée du village jusqu'où les cuisines roulantes sont parvenues. La région est bombardée et les hommes effectuant la corvée de ravitaillement subissent des pertes.

    1916 : Bezonvaux dans la bataille de Verdun

    Bezonvaux (printemps 1916 ) : vue du village prise d'ouest en est; toutes les constructions sont déjà endommagées.


  • Après la conquête du territoire de la commune, les combats se sont éloignés vers le Sud (village de Vaux et pentes nord du fort de Vaux) et l'Ouest (Douaumont, La Caillette). Au début de mars, Bezonvaux et ses environs se retrouvent largement derrière les premières lignes allemandes. Jusqu'à sa reprise par les Français à la fin de l'année, cette zone n'est plus directement concernée par les affrontements, même si elle n'est pas épargnée par les bombardements qui occasionnent des pertes en hommes et en matériels. La voie métrique d'intérêt local qui passe à l'est de Bezonvaux, la localité, les camps des environs, le bois de Maucourt et la ferme de Méraucourt reçoivent constamment des obus. Toute cette région, qui s'anime en particulier la nuit, constitue un point de passage important entre la hauteur des Caurrières et le massif d'Hardaumont, face à la Woëvre ; il s'ouvre sur le Fond des Rousses (qui donne accès au ravin d'Hassoule) et le Fond du Loup. Cette région joue aussi un rôle important à deux titres : la logistique (avec l'aboutissement de voies de chemins de fer, le ravitaillement en eau, en boissons chaudes et en repas, le traitement et l'évacuation des blessés, la mise en place de dépôts, etc.), le soutien (par le stationnement des réserves et l'appui par l'artillerie : les batteries sont positionnées essentiellement aux alentours de la ferme de Méraucourt et dans les ravins autour de Bezonvaux).
    Cette agglomération est donc traversée par les troupes qui montent en ligne dans le secteur de Vaux (village et fort) ou dans celui situé au sud ou au sud-ouest du fort de Douaumont. Le trajet habituel s'effectue d'abord par les Jumelles d'Ornes ou leurs parages et Ornes. Ensuite, par exemple pour la 21.R.D. dans l'été 1916, un des chemins de relève passe par l'ouvrage de Bezonvaux, en traversant la route Ornes-Vaux vers la ferme de Méraucourt. En mars, cette route ainsi que celle qui vient de Maucourt sont en mauvais état ; leurs chaussées sont crevées par de nombreux cratères : les ambulances automobiles sont trop lourdes et pas adaptées pour y circuler ; seules les ambulances hippomobiles ont quelque chance d'accéder jusqu'à Bezonvaux et d'en revenir. A cette époque, la localité est déjà très endommagée et des obus continuent de tomber sur les ruines. Au delà, dans la direction de Damloup, la route offre un spectacle étonnant : il y a des cadavres d'hommes et de chevaux, des chariots endommagés, des caisses ou des corbeilles de munitions, des projectiles épars, des rouleaux de fils de fer, et bien d'autres choses encore. Par ce même axe arrivent d'Azannes par Ornes des colonnes amenant des projectiles de lance-mines (Minenwerfer) qui sont stockés dans un dépôt constitué au sud-ouest de Bezonvaux. Son existence est attestée en mars par le 3e bataillon du génie , dont quatre compagnies sont engagées au nord-est de Verdun. Des centaines d'hommes, fantassins et cavaliers, viennent y chercher des munitions de légers et moyens calibres ; ils les acheminent ensuite vers le fort de Douaumont (notamment pour les quatre Minenwerfer qui y sont positionnés), veillant à observer de larges intervalles entre eux : en effet, les pertes sont importantes parmi ces porteurs sur la voie qu'ils empruntent et appellent le « chemin de la mort » (Todesweg).
    Bezonvaux se trouve à la jonction du transport des blessés sur des brancards avec des moyens hippomobiles ou ferrés. Une piste part du bois Fumin, passe par Hardaumont et aboutit à l'ouvrage de Bezonvaux jusqu'où peuvent parfois venir, à partir du village, les ambulances hippomobiles : appartenant aux compagnies sanitaires rattachées aux divisions, elles emmènent les blessés jusqu'aux postes de secours principaux. Une autre piste part du secteur de Fleury, passe par le ravin de la Fausse-Côte ou le fort de Douaumont et aboutit à la lisière ouest de Bezonvaux : cet itinéraire, partiellement utilisé par les détachements de porteurs, est appelé à partir de mai le « chemin des brancardiers » (Krankentràgerweg) ; en octobre, il devient le « chemin neutre » (Neutraler Weg), parce qu'il est arrivé que l'artillerie française ne le bombarde pas le matin de bonne heure, permettant les évacuations sanitaires sans que les brancardiers aient besoin de se dissimuler. Les blessés sont chargés soit dans des ambulances, soit sur les wagons circulant sur des voies ferrées.
    En ce qui concerne celles-ci, aucune parvient directement à Bezonvaux. A l'est du village et le contournant se trouve encore le tracé de l'ancienne voie métrique d'intérêt local reliant Verdun à Montmédy. De cette ville, elle est utilisée par les Allemands, depuis le début de 1915, jusqu'à Damvillers et, de manière aléatoire, Azannes, voire après février jusqu'au sud d'Ornes, jusqu'à une halte portant le nom de code de « Cameroun » (Kamerun). Elle sert à acheminer des munitions jusqu'à celle-ci d'où l'appellation de « voie des munitions » (Munitionsbahn) qui lui est donnée par certaines unités, les blessés étant chargés à Azannes. Un peu au nord de l'agglomération, après avoir traversé la route Ornes-Bezonvaux, court une voie de 0,60 m se dirigeant vers l'Ouest, poussée jusque là en mars : elle se divise alors en une sorte d'épi comprenant quatre tronçons : un se dirigeant jusqu'à l'entrée du Fond du Loup, un s'arrêtant sur la pente entre ce ravin et celui d'Hassoule, un se terminant à l'entrée de ce dernier ravin et le dernier s'enfonçant jusque dans le Fond des Rousses. En mai, les bombardements français mettent hors service cette voie. A la fin d'août, quelqu'un a l'idée de la faire remettre en état jusqu'à hauteur de l'entrée est du village : le travail est réalisé en quelques heures par les sapeurs de chemin de fer. Il y a aussi une autre voie venant de l'Est qui arrive au nord du ravin des Huguenots (entre Bezonvaux et la ferme de Méraucourt). Cette voie s'arrête juste à l'ouest de la route se dirigeant vers Damloup, après l'avoir franchie au sud de Bezonvaux. Les trains circulant sur les voies de 0,60 m sont tirés par une motrice fonctionnant au benzol, d'où le nom de Benzolbahn donné aux convois. Ils transportent également des munitions et ramènent des blessés. Sur la voie venant du Nord-Est a été créée une halte baptisée «Togo» par le 23e régiment bavarois d'artillerie de campagne (23.bay.Fda.R.). A partir de là, les wagons sont poussés à la main ou tirés par un cheval (ce que les Allemands appellent un Fôrderbahn).
    Bezonvaux est aussi un point de ravitaillement. Les cuisines roulantes peuvent y parvenir ou s'installer à proximité. Par exemple, lorsque les I. et II./I.R.155 ainsi que la compagnie de mitrailleuses sont ramenés à l'ouvrage de Bezonvaux le 27 février, les cuisines roulantes sont poussées jusqu'au village et de la nourriture chaude est distribuée aux hommes ; elles y reviennent le 29. Début mars (6-7 mars), l'I.R. 132 combattant à La Caillette a ses arrières à proximité de Bezonvaux et le ravitaillement du régiment vient du sud du village. Sur les pentes au nord de celui-ci a été aménagé un camp pour les unités de soutien (Bereitschaftlager) : le « camp du Nord » (Nordlager). Le 15 août 1916, on y trouve une installation pour préparer les repas au profit du II/1.R. 364 qui est en ligne vers le Nez de Souville ainsi que des détachements de porteurs. Ceux-ci sont encore attestés à cet endroit le 2 septembre. Dans l'agglomération, les fontaines continuent de fonctionner en dépit des bombardements. Aucune mesure particulière n'est prise pour qu'elles continuent à être utilisées. Elles facilitent donc le ravitaillement en eau, ce qui est un souci pour le commandement.
    Les ravins proches de Bezonvaux conduisent vers l'Ouest et le Sud (ou inversement) ; ils favorisent le cheminement dans un sens comme dans un autre des troupes, ainsi que le transport voire le portage des matériels. En outre, ils servent à positionner des soutiens ou des réserves et à concentrer de l'artillerie. Dahs les limites de la commune, ces ravins sont ceux qui sont énumérés ci-après.
    Le ravin de la Chartonne, appelé par les Allemands « ravin de l'aile » (Flügel-Mülde), débouche sur la route Ornes-Bezonvaux, entre les deux villages et à 1 000 mètres au sud du premier, à une altitude de 257-260 mètres. A cet endroit et aussi à l'est de la route, un point d'appui de l'I.R. 369, portant le nom de code d'« Adalbert », y est localisé à la fin de 1916 et encore à l'automne 1917. Ce ravin est parcouru, dans sa partie supérieure, par un tronçon de tranchée baptisée en septembre 1917 par le Gr.R. 109 la « tranchée des haies » (Heckengraben) : elle évoque une importante pièce de terre entourée de haies, située sur le versant sud de la hauteur au nord de Bezonvaux et le ravin de la Chartonne particulièrement visible sur les clichés, cet espace a été appelé par l'I.R. 369 « le carré de haies » (Heckenviereck). Ce ravin donne accès à la côte de Beaumont à qui les Allemands ont donné le nom de « hauteur de Frédéric» (Friedrichshôhe), qui se prolonge vers l'Ouest et culmine à 331 mètres. Sur cette hauteur, à laquelle on peut accéder par deux autres ravins (ceux du Pré-Nord et des Lièvres), zigzague la limite entre les communes d'Ornes (située au Nord) et de Bezonvaux (au Sud).
    Le Fond des Rousses (Brûle ou Brüll-Schlucht) est le ravin qui part de Bezonvaux vers l'Ouest. Il est dominé par la Friedrichshôhe, puis il est hors de la limite communale entre Bezonvaux et Douaumont par le bois des Caurrières qui touche la limite communale de Bezonvaux mais n'est pas inclus dans son territoire. Il est appelé pendant quelque temps et uniquement au sein de l'I.R.87 le « ravin des cuisines » (Kuchenschlucht). Effectivement, on y trouve celles des unités qui y stationnent : un jour, le projectile d'un obusier français tombe à proximité d'une cuisine roulante, la renversant, dispersant les aliments en train
    de cuire et volatilisant le malheureux cuisinier. Au début de ce ravin, il y aurait eu un poste de secours, aux lisières ouest du village (à moins qu'il s'agisse de celui aménagé dans les caves du « château »). Le ravin est emprunté par les porteurs montant vers Douaumont et les relèves de troupes montant en ligne vers ce secteur, ou en revenant. C'est aussi un lieu de stationnement pour des réserves. Y sont attestés notamment le R.I.R.120 (15 mars), l'état-major du I./R.I.R.120 avec 2 compagnies (26 mars), une partie de l'I.R. 135 (8 août), la 5./I.R.14 (22-27 août), le le' bataillon ou plusieurs compagnies du 13.bay.I.R. (13 juin-8 août). Lorsque les colonnes de munitions peuvent dépasser le carrefour de la route Ornes-Damloup/Bezonvaux-Maucourt, elles s'aventurent jusqu'à ce ravin bien qu'il soit frappé par les bombardements adverses. Dans l'été, le 23.bay.Fda.R., dont les lère 3e et 5e batteries appartenant au groupement Martin 22 ainsi que celui-ci se trouvent dans ce ravin, essaie de transporter les munitions sur le dos de chevaux équipés de bâts. Le point de départ est la halte du chemin de fer appelée «Togo ». L'expérience est arrêtée car il est impossible de compter sur l'arrivée certaine des trains.Le Fond du Loup, appelé généralement par les Allemands « ravin de Bezonvaux » (Bezonvaux-Schlucht), baptisé aussi par l'I.R. 87, au printemps, le « ravin sans nom » (Namenlose-Schlucht, qui part de la lisière sud-ouest du village, est orienté Nord-Ouest/Sud-Ouest. Lorsque les Allemands l'occupent, ils y trouvent une batterie française détruite ; ils y installent sur la pente sud une batterie d'obusiers de 15 cm. Elle est anéantie par une série de salves tirées par l'artillerie française, ce qui fait dire à un soldat ayant séjourné dans ce site pendant quelques jours, au cours d'un repos de son unité : « oeil pour oeil, dent pour dent » (Wie du mir, so ich dir) 23. Le chemin Bezonvaux-Douaumont emprunte le fond du ravin puis son flanc oriental. A l'ouest du village se trouve le « camp de Bezonvaux » (Bezonvauxlager), un Bereitschaftlager pour les réserves du secteur Fumin-Souville : ce camp a été baptisé ainsi par les I.R. 41 et 364 en août. Le 18 de ce mois, compte tenu d'une menace générée par une attaque française dans le secteur de Souville, une compagnie supplémentaire àdouze groupes y est créée par ce dernier régiment à partir de ces détachements et portée vers l'avant. Dans le même ravin existe aussi le « camp nord du Kronprinz » (Kronprinz-Nord-Lager) : c'est également un Bereitschaftlager dont l'appellation a été conférée par le R.I.R. 67 en mai.

    Le ravin du Pré-Sud, appelé « ravin des cuisines » (Kuchenschlucht), situé à l'est de l'ouvrage de Bezonvaux et ne comportant qu'une faible dénivelée, débouche sur la Woëvre à proximité de la ferme de Méraucourt. Il donne accès au bois d'Hardaumont ainsi qu'aux ouvrages implantés sur sa partie sud. Un camp appelé par les Français le camp de Brême y a été aménagé ; il comporte des cuisines fixes : seuls les approvisionnements sont apportés ; la nourriture et du café chaud y sont préparés et des porteurs assurent le transport à partir de là vers les premières lignes. Dans l'axe de ce ravin, à l'est de la route Ornes-Damloup et au début de la plaine de la Woëvre existe le petit ravin des Huguenots.
    Un autre ravin, sans appellation en français mais baptisé « ravin Feldberg » (Feldbergschlucht) par les Allemands, débouche au sud de l'ouvrage de Bezonvaux, entre le ravin du Pré-Sud et celui du Muguet. Compte tenu de sa faible dénivelée, il est difficile de le distinguer sur le terrain et il est peu mentionné dans les historiques.
    Le ravin du Muguet, appelé « ravin du milieu » (Mittelschlucht), permet d'aboutir aux petits ouvrages de Josémont et de Lorient, c'est-à-dire un peu plus à l'ouest que celui d'Hardaumont. Ces deux ouvrages ont été construits sur le territoire de la commune de Vaux. Sur le versant sud de ce ravin, à l'ouest de la route Bezonvaux-Damloup, existe un Bereitschaftlager : le camp de Coblence.
    Le ravin de la Plume « ravin du Sud » (Süd-Schlucht) est en grande partie sur le territoire de la commune de Bezonvaux, mais pas la ferme détruite de la Plume, plus à l'Est. Dans ce ravin, qui permet d'accéder à la hauteur couronnée par l'ouvrage d'Hardaumont (lequel est également sur la commune de Vaux), se trouve le camp de Cologne.
    La configuration des lieux, avec le versant oriental des Hauts-de-Meuse, et l'existence de tous ces ravins aux alentours de B-ezonvaux entraîne que cette zone est favorable à la mise en place d'unités d'artillerie. Dès le 29 février, la concentration de batteries dans les environs de la localité est très importante. Elles sont positionnées principalement dans le ravin d'Hassoule (notamment sur les pentes tournées vers l'Ouest), dans le Fond du Loup (en particulier à la sortie sud), mais aussi dans les ravins de la Chartonne, des Huguenots, du Muguet et de la Plume. Leurs munitions arrivent à partir d'Azannes, du camp Gersdorff (Guersdorfflager) et d'un dépôt implanté près de la ferme Sorel. A partir d'Azannes, elles sont transportées par la voie d'intérêt local jusqu'à la halte portant le nom de code de
    « Cameroun » (Kamerun), puis chargées sur des chevaux de bât ou des colonnes légères qui les acheminent jusqu'aux positions. Depuis le Gersdorfflager, elles sont amenées par des colonnes légères et d'artillerie. De la ferme Sorel, elles viennent par la voie de 0,60 m qui arrive à proximité de Bezonvaux par l'Est. Le tableau placé en Annexe IV, présentant les groupements (pas les unités isolées) d'artillerie de campagne installés dans la région de Bezonvaux en 1916, donne une idée de cette concentration.
    A proximité de Bezonvaux, il y a aussi de l'artillerie lourde. Ainsi, dans ce secteur en octobre 1916, sont attestées deux groupes d'obusiers lourds (I.JFussart.R.4 près de la ferme de Méraucourt, I.J1.bay.Fussart.R. près du village), une batterie de 15 cm (1./Ldw.Fussart.Btl. 14 près de la ferme de Méraucourt), une batterie de 10 cm (2.f Fussart.R. 17 dans un bois proche de cette ferme) ; les trois autres batteries du secteur sont dans le bois Chénas et dans le bois de Chaume (donc hors du territoire communal).

    1916 : Bezonvaux dans la bataille de Verdun

    Deux vues de " Bezanvaux " (bezonvaux) parmi celles de positions enlevées par les Allemands devant Verdun ( début mars 1916 )  : Une flambée dans l'âtre d'une maison pas encore détruite; une rue avec des murs encore debout, barrée par une barricade. Dessin de M.Frost, Der Krieg 1914-19 . 


  • La situation dans la Somme permettant à l'armée française de dégager des moyens au profit de Verdun, la lutte un peu en sommeil sur ce front va reprendre. Pour les Allemands, les choses commencent à se gâter le 23 octobre, veille de l'attaque correspondant à la première victoire française sur le front de Verdun. A partir de là, il n'y aura plus vraiment de répit pour eux jusqu'au mois de décembre inclus.


    23 OCTOBRE-14 DECEMBRE : LES PREPARATIFS.

    Le 23 octobre, alors que se prépare le premier volet de la reconquête française devant Verdun, le bombardement français est important dans le Fond des Rousses, le Fond du Loup et la région d'Ornes. Les unités d'artillerie allemandes doivent être renforcées, mais aussi, dans la mesure du possible, changer de place pour éviter d'être anéanties. Ainsi, la 3./Fda.R. 41, en réserve à Arrancy-sur-Crusnes, est avancée entre Mangiennes et Azannes jusqu'à un endroit appelé le « coin allemand » (Deutsch-Eck), puis elle est engagée dans la nuit du 23 au 24 au sud-est de Bezonvaux. Le 24, jour de la reprise du fort de Douaumont, la 1./Fda.R. 41 essaie de se replier également au sud-est de Bezonvaux (deux pièces seulement parviennent à destination ; les deux autres sont récupérées respectivement le 26 et le 30 en raison des difficultés et des pertes dues à l'artillerie française) ; au cours de la même nuit du 23 au 24, la 4.JFda.R. 41 va se mettre en position, avec trois pièces, au sud-ouest du village. Autre exemple, après le 24, les batteries du R.Fda.R. 21 sont ramenées à l'est de la hauteur entre Bezonvaux et Ornes. Le 25, une mince ligne d'infanterie est placée en soutien dans le Fond du Loup. Le 27, le bombardement français est signalé comme particulièrement important dans ce ravin. Après la reconquête du fort de Douaumont le 24 octobre et l'occupation de celui de Vaux dans la nuit du 2 au 3 novembre, le commandement français n'a pas l'intention de s'en tenir là. Pour recouvrer l'intégrité de la position principale au nord-est de Verdun, il paraît nécessaire de reprendre le plateau d'Hardaumont. De plus, pour la mettre à l'abri d'une attaque par surprise, il faut lui rendre sa couverture naturelle : la ligne passant par la côte du Poivre, Louvemont, les Chambrettes et la cote 378, les pentes sud du plateau des Caurrières ainsi que Bezonvaux. Toutefois, de grandes difficultés vont compliquer la préparation de l'opération ; elles sont la conséquence de problèmes d'ordre matériel et de la mauvaise saison : les trous d'obus sont pleins d'eau et le terrain est impraticable. Pour assurer les mouvements, les déplacements d'artillerie et les ravitaillements, il faut aménager l'arrière immédiat, c'est-à-dire la zone conquise le 24 octobre, notamment en créant des pistes ; les travaux doivent être effectués dans la boue et sous les bombardements allemands.Dès le 3 novembre, le général Mangin, commandant le groupement DE (groupement de divisions sur la rive droite de la Meuse, entre le fleuve et le ruisseau de Tavannes), a estimé qu'il est nécessaire d'améliorer les positions conquises afin de rendre difficile voire impossible une reprise par les Allemands de combats importants ; au cours de cette attaque, les divisions françaises redresseront définitivement la situation sur la rive droite de la Meuse en portant les premières positions, à partir de Vacherauville (inclus), sur la ligne définie précédemment. Cette opération doit clôre victorieusement l'année 1916 à Verdun. Le 13, Mangin expose les avantages d'une action exécutée de la Meuse à la Woévre. Le 15, son chef, le général Nivelle, commandant la 2e armée (celle qui tient le front de Verdun), se range à ce point de vue et met à l'étude un plan d'engagement. L'ordre d'opérations définitif est arrêté le 2 décembre. Deux séries d'objectifs sont prévues : les premiers sont situés sur une ligne partant de Vacherauville et passant par Louvemont, la cote 378, la station de Vaux, la lisière orientale de ce village et son cimetière. La seconde série comprend notamment la cote 344, la route de Louvemont à la ferme des Chambrettes, Bezonvaux et son ouvrage. La préparation de l'artillerie française, commencée le 9 décembre, continue jusqu'au 15 à l'heure fixée pour l'attaque. En particulier, les mortiers de 220 mm et 370 mm ont pour mission l'écrasement d'une part des villages de Vacherauville et Louvemont, d'autre part des ouvrages d'Hardaumont, de Lorient et de Bezonvaux. Quatre divisions préparent l'opération, puis sont relevées les 13 et 14 décembre par celles qui vont l'exécuter : les 126° (général Muteau) pour le secteur baptisé Belleville, 38e (général Guyot de Salins) pour Margueritte, 3T (général Garnier-Duplessis) pour Douaumont, 133e surnommée « La Gauloise » (général Passaga) pour Marceau. La région de Bezonvaux doit être libérée par les deux dernières divisions : la 133e a pour objectifs le village et l'ouvrage de Bezonvaux. Derrière ces quatre divisions de 1 ligne, désignées pour attaquer, se tiennent en 2 ligne, quatre autres prêtes à les soutenir : les 123e,128e, 21e et 6e D.I. Les plans prévoient que les généraux commandant les 38, 37 et 133e D.I. disposent chacun d'un régiment des 128" 21e et 6e D.I.: les bataillons de ces régiments vont constituer des réserves de brigade ; en outre, le 22e R.A.C. de la 6e D.I. est mis à la disposition de la 133e D.I. L'opération doit être appuyée par 827 à 888 pièces d'artillerie.Entre-temps, il y a des mouvements de divisions françaises. La 37e D.I. est dans le secteur Douaumont, face à l'Est en direction de Bezonvaux, en octobre-novembre 1916. Le 26 octobre, la 9e D.I. a relevé la 133e D.I. dans le secteur Marceau, face au Nord-Est, également tournée vers Bezonvaux ; elle reste là jusqu'au 13 décembre, préparant la nouvelle attaque. A cette date, la 133 D.I. se prépare: les reconnaissances préparatoires sont faites. Ses troupes remontent en ligne le 13, dans le secteur Marceau, à la place de la 6e D.I. Au 321e R.I., le 5ème bataillon se place en dispositif d'attaque entre la route qui va du fort de Douaumont à l'ouvrage d'Hardaumont (à 200 mètres au nord-est de la jonction de cette route avec celle qui va du fort de Douaumont au village de Vaux) et le ravin de la Fausse-Côte (exclu). Le 6e bataillon se place à la crête surplombant ce ravin jusqu'à l'abri surplombant le ravin du Bazil, avec à sa droite le 102e B.C.P. Le 4 bataillon, qui a quitté les casernes Bévaux à Verdun à 18 h 30, vient prendre place en échelon, derrière les 5 et 6  qui occupent des parallèles de départ. Le 14, le 3e/401e R.I. subit des tirs de contre-préparation assez violents qui lui causent 11 tués et 25 blessés. Ils proviennent de batteries allemandes situées au nord/nord-est du ravin de la Fausse-Côte qui prennent d'enfilade les positions tenues par le régiment. Ordre est donné aux hommes de creuser des niches dans les parois des tranchées de manière à limiter les pertes. A la 37e D.I. qui se substitue à la 21 D.I., les unités se mettent en place entre le 12 et le 14. Dans la nuit du 14 au 15, le 3e régiment de zouaves (3e Zouaves) prend position avec ses bataillons échelonnés en profondeur ; le 3e régiment de tirailleurs (3e Tirailleurs) est à sa gauche et le 321e R.I. à sa droite. La nuit du 14 au 15 est très pénible. La neige qui est tombée a transformé en marais les trous d'obus et les éléments de tranchées. Le froid est piquant. L'artillerie française bombarde violemment les positions allemandes, quelquefois aussi celles de sa propre infanterie. Sur le Fond des Rousses, l'artillerie lourde allemande établit un barrage assez dense. Ailleurs, la réaction allemande est assez faible voire inexistante à partir de 20 heures. Au moment de l'attaque française, cinq divisions allemandes occupent le front entre Vacherauville et Bezonvaux : 14.R.D. de la Meuse à la route Bras-Louvemont, 39.I.D. de cette route à la carrière Albain, 10.I.D. de cette carrière à la cote 347 (1 km au sud des Chambrettes), 14.I.D. de cette cote matérialisée par le boyau appelé par les Français le boyau de Sofia, jusqu'à la tête du Fond du Loup, 39.bay.R.D. le massif d'Hardaumont. La 39.I.D. a déjà combattu successivement à Verdun et dans la Somme ; elle a été renvoyée sans bénéficier d'un repos une seconde fois à Verdun et le moral y est bas ; les 10. et 14.I.D., comprennent des éléments solides, toutefois elles sont fatiguées par un trop long séjour dans le secteur pénible de Douaumont (en outre, la 14.I.D. est amoindrie et ne comprend que 6 000 hommes) ; les 14.R.D. et 39.bay.R.D. sont des divisions médiocres, peu aguerries, la seconde étant composée d'hommes âgés et n'ayant qu'un effectif d'environ 2 500 hommes (nombre qui paraît faible). Ces cinq divisions en ligne sont susceptibles d'être soutenues dans les 24 heures par quatre autres, dont les G.E.D. et 4.I.D. placées en réserve sur l'arrière de ce front. Instruits par la cruelle épreuve du 24, les Allemands se sont préparés à résister et ont exécuté des travaux de défense. Ils ont déployé une grande activité pour créer de nouvelles lignes de défense, tout en améliorant les organisations existantes. Ils ont aménagé des positions à contre-pente et compartimenté méthodiquement le terrain de manière à briser l'élan de l'adversaire. Finalement, à la mi-décembre, avant que se déclenche la préparation d'artillerie française, le front allemand présente plus de consistance que celui du 24 octobre. Il comprend trois lignes de tranchées couvertes par des fils de fer : la 1e est fortement organisée de la Meuse au ravin du Helly, moins solide vers ce ravin, assez forte du ravin du Helly à la croupe d'Hardaumont (sur celle-ci, elle forme un véritable lacis de tranchées) ; la 2e est la position de couverture d'artillerie : courant à partir de Beaumont, par le ravin des Fosses ainsi que l'ouest/sud-ouest d'Ornes et finissant au sud de Bezonvaux, elle est presque achevée ; la 3 est plus en arrière. Au cours des semaines postérieures au 24, une pluie de projectiles s'abat sur Hardaumont, les abords de la route Ornes-Damloup, les batteries situées de part et d'autre de celle-ci ainsi qu'à l'est du village et de la ferme de Méraucourt jusqu'au bois du Breuil. Cette avalanche est faite de toutes sortes de calibres jusqu'au 220 mm. Ces tirs de destruction démolissent à peu près complètement la 1e position ; mais, les 2e et 3e ne subissent que des atteintes partielles. Au total, les obstacles à surmonter par les assaillants seront encore importants : plus sérieux que le 24 octobre. Au cours de la même période, le dispositif de l'artillerie allemande comprend cinq groupements de batteries en 1e ligne et deux de gros calibre en 2e ligne : selon les évaluations, 247 batteries ou 563 pièces, susceptibles d'agir lors de l'attaque. En particulier, au cours de décembre, le I./E.Fda.R. 45 (rattaché à la 4.I.D., une des divisions susceptibles d'intervenir) est en position à environ un kilomètre à vol d'oiseau à l'est de l'ouvrage de Bezonvaux, à hauteur du bois du Grand Chénas, entre la voie métrique et la route Ornes-Damloup.
    Les pièces tournées vers le Sud-Ouest (vers le fort de Vaux), reposent sur un sol marécageux. Les batteries passent aux ordres du groupement Vaux du Fda.R. 17 (le commandant de l'E.Fda.R. 45 exerçant le commandement de l'artillerie divisionnaire de la 4.I.D.). Le régiment passe ensuite aux ordres d'un groupement Wendelstein, avec le 11 /1.bay.Ldw.Fda.R.z. Les objectifs sont alors les tranchées au nord et à l'est du fort de Vaux ainsi que le ravin de Vaux. Le groupe reçoit des obus et subit des pertes. A partir du 14, il est bombardé intensivement. D'une manière générale, pendant la préparation d'artillerie française, toutes les batteries sont traitées par obus à gaz, les liaisons téléphoniques coupées et les transmissions optiques impossibles.

    15-16 DECEMBRE : LE SECOND VOLET DE LA PREMIERE BATAILLE OFFENSIVE DE VERDUN

    L'offensive des Français, déployée sur un front total de 10 kilomètres, commence véritablement le 15 à 7 heures sous un ciel nuageux. Leur préparation d'artillerie augmente sur tout le front d'attaque et devient bientôt, pour les Allemands, un « feu roulant » (Trommelfeuer). Celui-ci s'abat sur les positions d'infanterie avec notamment des obus explosifs ; sur celles de l'artillerie, les ravins où peuvent être défilées des réserves et les pistes de ravitaillement, il est réalisé surtout avec des projectiles à gaz. Les Allemands, qui n'ont pas été surpris, ripostent d'abord faiblement puis vigoureusement au bombardement adverse, au point que les pièces françaises semblent inférieures en nombre ; du côté français, les pertes sont importantes. L'action des unités prenant part à cette opération se déroule ainsi que suit. A la 133e D.I., le dispositif est le suivant : au centre, le 116 B.C.P. (avec le 102 B.C.P. devant lui), à gauche le 321e R.I., à droite le 401e R.I., à l'extrême droite (au-delà du 401e R.I. et en liaison avec lui) le 107 B.C.P. soutenu par une compagnie du 32 B.C.P. et, bien plus à l'Est, à hauteur du village de Vaux, le reste du bataillon. II est prévu que, dans un premier bond, les 5 et 6/321e R.I. se porteront à 1 400 mètres au-delà de la ligne fortifiée Carrières-Nord/Carrières-Sud. Ensuite, le 4e/321e doit attaquer le village de Bezonvaux, aidé par le 116 B.C.P. Pour éviter un trou entre la 37e et la 133 D.I., deux compagnies du 5 R.I. ont été mis à la disposition du 321e. Elles marcheront derrière la gauche du 5 bataillon de ce régiment, chaque compagnie à 150 mètres de distance de l'unité qui la précède et débordant à gauche. En arrivant sur la lère ligne à atteindre (ligne A : Carrières-Nord Carrières-Sud I ouvrage de Lorient ouvrage d'Hardaumont), elles creuseront une tranchée profonde formant crochet défensif à gauche.Le 116 B.C.P. progresse dès le départ en ordre parfait. Il atteint la crête Douaumont-ouvrage de Lorient où il se déploie sur un front de 500 mètres. L'ordre de poursuivre est donné à 11 h 20 et la crête est franchie à 12 h 10. Précédé par un barrage roulant d'artillerie, ce bataillon se porte alors à l'attaque de l'ouvrage de Bezonvaux, suivi du 6'/321e. Sa compagnie de droite, en liaison avec le 401e R.I., progresse par le boyau de Cologne qu'elle nettoie. Elle se rabat ensuite sur les pentes est de la croupe de Bezonvaux. La compagnie du centre marche sur l'ouvrage proprement dit, qu'elle atteint à 12 h 30. Elle engage un violent combat avec la garnison allemande qui se défend énergiquement ; elle n'en vient à bout qu'après l'emploi de grenades incendiaires : tous les coins et recoins sont fouillés, les abris nettoyés. Les prisonniers sont évacués vers l'arrière sous la conduite de chasseurs légèrement blessés. Dans l'ouvrage, il n'y a plus que des Français haletants, frémissants, exaltés. La compagnie de gauche du 116e B.C.P. fait face à de nombreux obstacles. A la tranchée de l'Yser, elle doit ralentir son mouvement, le 321 R.I. étant alors arrêté. Elle avance lentement, mètre par mètre, s'emparant à la grenade des abris constituant le camp de Hambourg (au sud-ouest de Bezonvaux), au prix de pertes sensibles. D'ailleurs, les détachements qui nettoient les camps installés dans les ravins se heurtent généralement à une résistance farouche. Dans le camp de Brême (ravin du Pré-Sud), le 401e R.I. capture seulement 70 prisonniers (par ailleurs, il détruit huit pièces). Dans ceux de Cologne (ravin de la Plume) et de Coblence (ravin du Muguet), le 107 B.C.P. fait plus de 600 prisonniers. Vers 14 h 30, les Allemands cherchent à s'infiltrer par le point faible existant entre deux compagnies du 116e B.C.P. : celle de gauche et celle du centre qui a occupé l'ouvrage de Bezonvaux. La situation devient critique pour les chasseurs. La compagnie du centre, en position devant l'ouvrage, doit tenir coûte que coûte en envisageant de se replier dans celui-ci en attendant d'être dégagée. Une section de mitrailleuses est placée sur le parapet ouest de l'ouvrage. Des tranchées sont rapidement creusées.En dépit des pertes sensibles enregistrées sur sa base de départ, le 321e R.I. sort à 10 heures de ses parallèles ; en particulier, le 5e bataillon a été gravement touché au point que son commandant a devancé de quelques minutes l'heure H fixée. Néanmoins, le régiment avance en ordre, précédé par un barrage roulant qui avance de 100 mètres toutes les 4 minutes. A 10 h 15, les prisonniers affluent vers l'arrière. A 10 h 15-10 h 30, un petit élément de la 1915 bataillon, constitué par un sous-lieutenant, un sergent et un soldat, escalade les pentes d'une des anciennes carrières constituant les Carrières-Sud ; les intéressés neutralisent un groupe de mitrailleurs allemands au moment où ceux-ci mettent une pièce en batterie. Ce premier obstacle étant éliminé, le même bataillon poursuit son avance, tandis que le 6 progresse irrésistiblement dans le Fond du Loup : à 10 h 30, il enlève la 2e ligne à atteindre (ligne B) dans sa zone d'action. Les prisonniers affluent. Le 4 est moins heureux : il éprouve de beaucoup plus grandes difficultés. Placé en deuxième échelon, il doit se porter à l'attaque du village de Bezonvaux. Or, à 12 h 30-13 heures, il est contraint de s'arrêter par des réseaux de barbelés intacts et le feu meurtrier de mitrailleuses postées dans la tranchée des Deux-Ponts, alors qu'à ce moment l'ouvrage de Bezonvaux ne lui paraît pas pris. La progression générale est donc ralentie.La 37 D.I. sort de ses tranchées à 10 heures. Sur l'ensemble de son dispositif, elle subit de lourdes pertes attribuées à la communication de renseignements aux Allemands par des déserteurs ; le bataillon de tête de son 2e Tirailleurs est décimé ; le colonel Gouvello, commandant la 74 brigade, est tué à son P.C. dans le ravin de Chambouillat. Les vagues s'avancent péniblement sur un terrain qui au départ est défoncé par les obus et s'améliore ensuite. Il est prévu que ce jour-là, en fin d'opérations, le 3' Zouaves s'emparera des crêtes situées au-delà de Bezonvaux et marquées par une ligne fortifiée appelée tranchée Bochemar, ainsi que du bois des Caurrières. Après un début de progression, le 1er/3e Zouaves est pris de flanc par le feu intense de mitrailleuses postées dans les Carrières-Nord. L'exploit d'un soldat qui, tirant avec son fusil-mitrailleur Chauchat Mle 1915 à la hanche, bondit sur les armes automatiques adverses, permet au bataillon de reprendre sa marche ; celles-ci sont emportées de haute lutte. A 12 heures, le premier objectif est atteint, mais la 74 brigade, à droite, est bloquée au bois de La Vauche tandis que la 73e, à gauche, atteint son second objectif, créant un décalage de 1 000 mètres entre les deux brigades. Un bataillon du 2e Zouaves s'est installé en échelon refusé face au Fond des Rousses où il se relie au 3 Zouaves. Pendant ce temps, le 5/3 Zouaves double le 1, mais il est arrêté 200 mètres plus loin par un feu violent alors que la nuit tombe. En raison des difficultés rencontrées au cours de sa marche, le 11 bataillon qui a dû traverser sous un feu infernal un terrain mouvant, presque infranchissable, n'est pas en mesure de se porter à l'attaque avant d'être regroupé pour monter une manoeuvre contre les centres de résistance qui ont arrêté le mouvement du 5e bataillon. En fin de soirée, des infiltrations allemandes dans l'Hermitage contraignent la 73e brigade en flèche à abandonner le bois des Caurrières. Ce soir-là, l'objectif fixé pour la division ne peut être occupé et celle-ci n'étaie pas ses voisines.Au total, la journée du 15 décembre s'achève sur un succès relatif, le second objectif n'étant atteint nulle part. Le mauvais temps a rendu la préparation moins efficace et le froid (-20°) fait souffrir les hommes.Tard dans la soirée, l'ordre vient de poursuivre le succès jusqu'aux objectifs fixés, notamment le village de Bezonvaux pour le 4e/321e R.I. A ce moment, le 5/321e R.I. occupe la 1er ligne à atteindre (ligne A), des Carrières-Nord à l'ouvrage d'Hardaumont sur une longueur de 400 mètres à partir des Carrières-Sud, et la 2e ligne à atteindre (ligne B), à 800 mètres en arrière, sur une longueur de 500 mètres. Le 6e/321e R.I. occupe la ligne A sur une longueur de 500 mètres de la droite du 5e bataillon à l'ouvrage de Lorient, la ligne B sur une longueur de 300 mètres à l'est de cette unité. Le 4e bataillon tient un front matérialisé par deux tranchées à 300 mètres en avant de la ligne B, soudé aux Zouaves à gauche et au 116e B.C.P. à droite. Deux compagnies du 5e R.I. et une C.M. reçoivent l'ordre de nettoyer le camp de Hambourg se trouvant entre ce bataillon et le 321e RA. Une compagnie du 5' R.I. est, en outre, donnée au 116e B.C.P. Après le nettoyage du camp, le 4 bataillon atteindra son objectif : Bezonvaux. Deux compagnies du 2/24e R.I., rattachées à la 37 D.I., sont mises sur la ligne A à la disposition des 5e et 6e/321e R.I. L'attaque doit avoir lieu le lendemain. A minuit, la 133 D.I. change les ordres. L'attaque du village aura lieu par surprise à 2 heures du matin. Elle sera menée par un groupement constitué sous les ordres du commandant Gatinet : 6/321e R.l. + 102e B.C.P. Ce bataillon doit marcher directement sur l'objectif et l'occuper. Le 6e le suivra, mais il fera face à gauche en arrivant à hauteur de l'ouvrage voisin, remontera le Fond du Loup et prendra à revers la tranchée de Deux-Ponts au sud-ouest de la localité. A ce moment, le 4 attaquera cette tranchée et s'y installera. En position finale, le 102e B.C.P. occupera Bezonvaux ou ce qu'il en reste, le 6/321e R.I. les pentes nord-ouest du village et le 4/321 R.I. la tranchée de Deux-Ponts. Le 2e/5e R.I. viendra remplacer les unités du bataillon Gatinet avant 2 heures du matin. Les deux compagnies du 24 R.I. demeureront sur la base de départ. Dans la nuit du 15 au 16, l'attaque recommence aussi à la gauche de la 133 D.I., à la 37e D.L, pour compléter les succès de la veille ; le mouvement en avant est exécuté entre 2 heures et 3 h 30. Le terrain de l'opération est un véritable bourbier.Au cours de sa progression, parvenu à hauteur de l'ouvrage de Bezonvaux, le 6e/321e R.I. pivote vers l'Ouest, franchissant le Fond du Loup. Ses 2e et 22e compagnies se rabattent brusquement sur la tranchée de Deux-Ponts qu'elles débordent au petit jour. Un dur combat commence contre un détachement allemand évalué à deux compagnies. Un sous-lieutenant accompagné d'un groupe d'hommes se précipite sur l'adversaire, abrégeant la lutte. Le bilan comprend deux cents prisonniers allemands, dont six officiers, des mitrailleuses, quatre lance-mines lourds et des munitions. La 23 compagnie entre alors en ligne ; le nettoyage est achevé à 7 h 50 et le bataillon descend dans le Fond des Rousses puis escalade ses pentes nord pour prêter main-forte aux Zouaves de la 37e D.I. et s'assurer la lisière nord de Bezonvaux, en maîtrisant la tranchée Bochemar. A 10 heures, la liaisonde ce 6e/321e R.I., qui a terminé son mouvement, est établie à droite avec le 102 B.C.P. qui est entré entre 8 et 9 heures dans Bezonvaux, aidé par deux compagnies du 24e R.1. A droite, le 6' est soudé à gauche aux Zouaves.Entre-temps, environ six cents prisonniers, capturés par le 102 B.C.P., encadrés par une trop faible escorte et n'ayant pas pu être conduits à l'arrière, réussissent à récupérer des armes ; ils se retranchent derrière des talus et ouvrent le feu dans le clos des Français. Le 3e Zouaves envoie des secours : un bataillon, arrivant dans le Fond des Rousses par le ravin d'Hassoule, déborde la tranchée de Weimar et détache une compagnie pour renforcer les chasseurs. Débordés à l'Est et à l'Ouest, cette tranchée et ses prolongements sont rapidement réduits. A 13 heures, le 2e/5e R.I. vient renforcer la ligne à droite du 102 B.C.P. à partir du village de Bezonvaux.Au 3 Zouaves, à 2 heures du matin, les 5e et 1er bataillons reprennent leur marche en avant ; ils vont tenter le nettoyage du Fond des Rousses par l'Ouest. Ils atteignent par la gauche un centre de résistance baptisé ouvrage de Lübeck par les Français : de nombreux prisonniers y sont capturés. Ces deux unités encerclent vers la droite la tranchée de Kaiserslautern protégée par un épais réseau de fils de fer intacts, où se trouvent plusieurs mitrailleuses. La 42e compagnie, commandée par un sous-lieutenant, doit s'en emparer. Une riposte des mitrailleuses françaises et une attaque de grenadiers emmenés par un adjudant fait tomber cette position. Toute la compagnie, entraînant avec elle une section de la 41e, se porte ensuite en avant. Elle participe à l'enlèvement de la tranchée de Deux-Ponts, atteint et dépasse Bezonvaux, revendiquant également la capture de 200 prisonniers. Quant aux hommes d'une compagnie du 102 B.C.P. bloquée étroitement dans le village même une soixantaine, ils poussent des cris de joie en voyant arriver leurs sauveurs. De la 42e compagnie, il ne reste aussi qu'une soixantaine d'hommes commandés par un sergent, qui continuent jusqu'à la tranchée Bochemar et l'occupent. Des renforts sont envoyés depuis le ravin d'Hassoule ; la position est tenue sur 600 mètres. A sa gauche, le 3e Tirailleurs, qui avait été arrêté par la tranchée de Weimar, atteint le bois des Caurrières.En fin d'après-midi tous les objectifs fixés sont atteints. L'ouvrage de Bezonvaux, repris la veille, a été dépassé vers l'Est, mais l'avance n'est pas allée jusqu'à la ferme de Méraucourt. Pendant toute la journée, l'artillerie a été très active des deux côtés.Sur ce qui s'est passé dans la nuit du 15 au 16, on dispose du récit anecdotique, rédigé par le lieutenant-colonel Picard, commandant le 321 R.I.25:

    « Nous sommes le 15 Décembre au soir. A minuit, l'ordre arrivait de prendre par surprise, dans la nuit même, la tranchée des Deux-Ponts et le village de Bezonvaux. Les difficultés étaient énormes : nuit opaque et neige abondante, troupes dispersées parle combat (du 15/12), connaissance à peu près nulle de la résistance ennemie. On me parlait d'envoyer deux compagnies ; on ne les eût jamais revues. Je téléphonai qu'il fallait au moins deux bataillons et j'organisai un groupement avec mon 6 bataillon et le 102 Chasseurs, sous le commandement du commandant Gatinet du 6' bataillon.A la réception de l'ordre, Gatinet me faisait dire que c'était absolument impossible et je crois bien qu'il avait raison. Mais il n'était plus temps de discuter: si nous laisssions l'ennemi se reprendre, c'était l'opération manquée et peut-être un repli d'une profondeur incalculable. Aussitôt j'écrivis er Gatinet : « L'honneur militaire est engagé ; vous êtes responsable de l'exécution ; à quelque prix que ce soit, il faut attaquer cette nuit ; il est 2 heures, je vous donne jusqu'à 5 heures ; mais c'est l'extrême limite ; vous m'en répondrez personnellement. ». Suivait le détail du coup de main, dont je vous fais grâce. Quelle nuit d'angoisse !Je vivrais cent ans que je me la rappellerais comme le pendant de ces atroces nuits du bois d'Ailly, en septembre 1914, en pleine forêt d'Apremont où, encerclé avec mon bataillon pendant trois jours et trois nuits, attaqué partout, je n'en sortais qu'à force de toupet et de chance aussi. Il en fut ici de même. Gatinet, qui est un brave, dit à ses officiers : « C'est une absurdité, mais à la guerre, l'absurde réussit quelquefois ; allons-y ! ». Pourquoi le Fritz, cette nuit même, évacua-t-il le camp de Hambourg et le village de Bezonvaux ? Nous ne le saurons probablement jamais. Quoi qu'il en soit, cette opération de nuit qui était la témérité même, l'audace la plus folle, s'exécuta avec des difficultés inouïes, mais réussit. La transmission des ordres avait pu se faire à travers la nuit, la neige et le bombardement. Qu'un seul coureur eût été atteint et tout s'écroulait. Dans les ravins, en pleine obscurité, tout s'ébranla, mais se disloqua plus ou moins en cours de route.Le commandant Gatinet se trouva tout seul avec 14 hommes, pendant trois heures, contre 200 Allemands qui tiraient de leurs abris, sans oser en sortir. Il vit entrer chez lui, dans un abri ancien contenant encore des 155 français, trois officiers allemands, dont l'un s'assit sur son revolver. Il se crut pris, mais l'officier commença en ces termes : « C'est vraiment malheureux, quand on est de l'active, d'être faits prisonniers, etc. ». Gatinet n'en écouta pas plus long. Comment ? C'étaient eux les prisonniers ? «Rocs» ! Dehors ! leur cria-t-il.Enfin, les compagnies arrivaient et les dégageaient. Au petit jour, le 4 bataillon (de Con tenson) s'emparait en la débordant, de/a tranchée des Deux-Ponts qui avait tenu toute la nuit ; la liaison s'établissait avec le commandant Florentin, du 102 Chasseurs, qui était entré dans le village de Bezonvaux et, ce qui achevait la victoire, le 3 Zouaves, sorti du bois des Caurrières, rabattait toute la troupe ennemie dans le Fond des Rousses où elle était prise en masse. Encore une fois, nous étions vainqueurs ».En ce qui concerne les éléments appartenant à trois des divisions de 2e ligne ayant participé à l'opération, en tant que réserve des brigades, des allusions y ont été faites auparavant. De manière plus détaillée, cette participation a été la suivante pour les 6 et 21e D.I.Le 2e/5e R.I. (6e D.I.), placé en renfort de la 133 D.I., progresse initialement en deuxième échelon. Il suit pendant trois kilomètres la 214 brigade en direction de Bezonvaux en subissant quelques pertes dues aux barrages ennemis. Ensuite, à hauteur des carrières, au sud de Bezonvaux, il passe en premier échelon, entre le 116 B.C.P. et le 321 R.I. Au cours de l'avance, une forte patrouille de la 7 compagnie attaque un nid de mitrailleuses et s'en empare. Dans la nuit du 15 au 16, le bataillon continue sa progression et, ultérieurement, participe à la prise de la localité.Le 2e/24e R.I. (6e D.I.) est également détaché auprès de la 133e D.I. Le 15, ses 5e et 7e compagnies participent très en arrière à la progression de la 2e vague. Ses 10e et 11e, qui sont restées pendant l'attaque aux environs du fort de Souville, sont portées dans la nuit du 15 au 16 dans le ravin de la Fausse-Côte. Puis, elles aident à occuper Bezonvaux en faisant des corvées de toutes sortes.Le 28e R.I. (6e D.I.) monte en ligne le 16 en passant à proximité de la caserne Marceau. Sa mission est d'occuper les ouvrages de Bezonvaux et d'Hardaumont ainsi que les ravins du Pré-Sud, du Muguet et de la Plume.Le 137 R.I. (21e D.I.), mis à la disposition de la 37e D.I. le 14, est également engagé sur le territoire de la commune de Bezonvaux. Le 16, le 2'/137e R.I. rattaché à la 73e brigade, reçoit à 1 heure du matin l'ordre de conduire une reconnaissance dans le Fond des Rousses avec le 5/12e Zouaves pour nettoyer ce ravin et permettre à la brigade de continuer son mouvement entamé la veille au soir. Le terrain est difficile, le ciel couvert. Le bataillon ne part qu'à 4 h 30 et arrive à la tranchée de Cobourg. Le bataillon de Zouaves est parti. Des patrouilles le retrouvent, mais il n'a pas pu effectuer la reconnaissance prévue parce que le ravin est occupé par les Allemands depuis 1 heure du matin. A 9 heures, la 5/137 R.I. est envoyée en soutien à gauche du bataillon de Zouaves occupant la tranchée de Chaume sur laquelle les Allemands mènent une contre-attaque. Les fusils-mitrailleurs des 6e et 7/137e R.I. occupent la tranchée de Cobourg et une autre au nord-ouest de celle-ci ; ils réussissent à empêcher la progression allemande dans le ravin des Fontenaux (partie ouest du Fond des Rousses, à hauteur des Fontaines de Fontenaux). A partir de 14 h 30, le 2/137e R.I. attaque en liaison avec ses voisins (à droite le 3e Zouaves, à gauche le 2e) ; dans la soirée, il est dans le bois des Caurrières.

    La fin heureuse de l'opération est saluée dans le « Verdun » de Jacques Péricard et « Les Armées Françaises dans la Grande Guerre » par l'appellation de « victoire de Louvemont-Bezonvaux », qui met en relief les deux points-clés de l'offensive française. Celle-ci a repoussé un peu le front allemand, sans leramener à l'emplacement qu'il occupait le 21 février 1916. Néanmoins, vers le Nord-Est, il est maintenant à 7 500 mètres de Verdun et 3 000 du fort de Douaumont, ce qui les met tous les deux à l'abri d'une attaque par surprise. Cette victoire se solde pour l'adversaire, uniquement pour les 15-16 décembre, par la perte de 25 000 hommes dont 18 000 pour l'infanterie. Le butin est important, comparable à celui de l'offensive du 24 octobre précédent : 11 387 prisonniers dont 284 officiers, 115 canons, 44 Minenwerfer, 107 mitrailleuses. Le communiqué du 18 décembre, publié par le général Mangin, fait état de 11 103 prisonniers, 115 canons pris ou détruits, plusieurs centaines de mitrailleuses et lance-mines récupérés. A la 37 D.I., le 3e Zouaves s'est emparé de 10 pièces d'artillerie, de 9 mitrailleuses, de dépôts de munitions et de plusieurs centaines de prisonniers. L'ordre du jour signé par le général Passaga, commandant la 133e D.I., en date du 17 décembre, fait état uniquement pour son unité de 3 000 prisonniers valides dont 103 officiers, 17 pièces de campagne, 27 de gros calibre, deux à grande puissance, plus de nombreux canons de tranchées et un matériel considérable. En ce qui le concerne, le 401e R.I. a récupéré 700 prisonniers des 1. et 5.bay.E.I.R., 11 pièces d'artillerie,8 mitrailleuses et un matériel important. Quant au 321 R.I., il a capturé 1 000 prisonniers et pris un important butin dont 20 canons, 30 Minenwerfer et 15 mitrailleuses. A propos des pièces abandonnées par les Allemands, un officier d'artillerie écrit dans ses « Carnets de guerre » le 12 février 1917 :« Belle journée presque printanière. Calme sur le front. Je vais reconnaître au ravin du Loup des batteries allemandes abandonnées. Il y a des canons de 150 et des Minnenwerfer. On va tâcher de les utiliser, bonne plaisanterie dont les Kaiserliches apprécieront la finesse ». 

    1916 : Bezonvaux dans la bataille de Verdun

    Attaques françaises à objectifs limités : front les 24 octobre ( matin ), 3 novembre et 16 décembre 1916, (la carte ci-dessus et celle de l'article suivant ne tiennent pas compte des légères modifications intervenues entre le 3 novembre et le 14 décembre ) 


  • Si l'on considère maintenant le côté allemand, l'attaque française du 15 décembre 1916 a percé entre la 14.I.D., tenant le front entre la cote 347 et la tête du Fond du Loup, et la 39.bay.R.D., défendant le massif d'Hardaumont. Pour commencer, seule la ligne avancée est forcée : les assaillants sont même repoussés par une contre-attaque. Dans le Fond du Loup, certains sont faits prisonniers par des îlots de résistance ou des éléments en réserve sortis de leurs abris. Pourtant, l'attaque française progresse vers Bezonvaux et déborde les tranchées proches ainsi que les positions de soutien. Elle s'empare de nombreux prisonniers et récupère des canons. A ce moment, les Allemands manquent de renforts pour contre-attaquer fortement. Néanmoins, les éléments des I.R. 56 et 57 qui tiennent les ravins (Fond du Loup, ravin d'Hassoule) se défendent pied à pied ; dans la division correspondante, la 14.I.D., des artilleurs défendent eux¬mêmes leurs pièces. Après la prise de l'ouvrage de Bezonvaux, la vague des assaillants qui avance sur la pente au nord de celui-ci dépasse une galerie dans laquelle se trouve l'état-major du Ill./I.R. 56. Une grenade est lancée dans son entrée, mais les Français ne s'arrêtent pas et les quelques officiers de cet état¬major profitent de l'obscurité pour éviter la capture. Dans le secteur de la 39.bay.R.D., la position de soutien d'artillerie va devenir la 1''' ligne : pourtant, à 15 heures, cette division reçoit l'ordre de tenir une ligne passant par les ouvrages existant sur la croupe d'Hardaumont ; mais, il est déjà trop tard. Entre-temps, les 5.I.D. et 21.R.D. ainsi qu'une quantité de batteries lourdes sont alertées et doivent intervenir ; toutefois, ces formations sont trop en arrière pour le faire avant la fin de la journée. La 21.R.D. reçoit l'ordre de relever la 39.bay.I.D. Au cours de la journée, en raison de l'attaque et des bombardements, il est impossible au I./E.Fda.R. 45 de rester à l'est de Bezonvaux. Avec beaucoup de difficultés en raison du terrain chaotique, les canons sont sortis de la boue par les chevaux aidés par les servants. Leur évacuation s'effectue avec d'autres pertes en hommes et en chevaux.

    La perte de l'ouvrage de Bezonvaux, les échelons hiérarchiques allemands ne l'apprennent que dans la soirée. Le général Chasles von Beaulieu, qui commande le groupement Hardaumont rassemblant les 14.I.D. et 39.bay.R.D., ordonne à la première division de couvrir la position d'artillerie et d'infléchir son aile gauche à hauteur du Fond du Loup pour soutenir la seconde en la flanquant. Celle-ci doit tenir une ligne au nord-est de l'ouvrage de Bezonvaux et la prolonger de chaque côté pour établir la liaison avec les divisions voisines. Le 16, le commandement du groupement Hardaumont estimé que la position de couverture de l'artillerie doit être tenue, sauf pour la 39.bay.R.D. dont les restes commencent déjà à se replier vers celle du bois des Fosses (Fosses-Wald-Stellung), située entre Ornes et Bezonvaux. Ce mouvement est d'ailleurs ignoré de l'état-major du groupement et des divisions voisines. Dès 9 heures du matin, le village de Bezonvaux tombe aux mains des Français et ceux-ci continuent en direction du Nord-Ouest. Pendant ce temps, l'aile gauche de la 14.I.D. est encerclée ; elle est détruite en dépit d'une résistance acharnée. Vers midi, les parties de la division situées plus à l'ouest de la position de couverture de l'artillerie peuvent se replier vers la position du bois des Fosses. Le mouvement est exécuté à la faveur d'une tempête de neige. Pendant ce temps, d'autres éléments français nettoient complètement le bois de Chaume et capturent de nombreux Allemands. Vers midi aussi, Beaulieu qui examine la situation prescrit de reformer un front continu depuis l'ouest d'Ornes jusqu'à l'aile droite de la 4.I.D. du groupement Vaux, à l'est de la ferme de Méraucourt. L'ensemble du groupement Hardaumont se retrouve alors dans la position du bois des Fosses. La première ligne entre le nord de Bezonvaux et la Croix de la Vaux se fixe dans des trous d'obus, les éléments de tranchée étant rares et partiellement détruits. Le R.I.R. 80 est engagé en première ligne dans la nuit du 16 au 17. Préalablement, il a été remis à hauteur grâce à un renfort de 350 hommes provenant du dépôt de recrues de sa division : la 21.R.D. Le Ill./R.I.R. 80 se met en place dans la position du bois des Fosses et partiellement le long du talus de la voie ferrée métrique, pendant que deux compagnies s'installent dans la position d'Ornes (Ornes-Stellung), au nord¬ouest de ce village, à l'est d'une compagnie de l'I.R. 369. Pendant ce temps, les positions d'artillerie de la zone Ornes-Maucourt sont reculées. Il ressort des deux jours de lutte que les Allemands ont été surpris par le procédé d'attaque français. En collant aux barrages, les vagues d'assaut sont arrivées de suite à la lutte rapprochée, souvent même avant que leurs adversaires aient eu le temps de sortir de leurs abris, où les grenades incendiaires ont créé la panique et vaincu les résistances ébauchées. Les percées réalisées d'emblée dans les parties peu résistantes du front ont permis de déborder et de manoeuvrer par les ailes les résistances frontales intermédiaires. En outre, si le 24 octobre l'attaque française est parvenue au contact des batteries ennemies, le 15 décembre elle réussit par son avance - en particulier dans la région de Bezonvaux - à entamer sérieusement et à disloquer la ligne d'artillerie. En ce qui concerne les pertes allemandes, une source 28 les évalue, pour la période du 11 au 20 décembre, à 14 000 hommes, dont 13 500 pour les15 et 16 : ce nombre ne paraît pas correspondre à la totalité des tués, blessés, disparus ou prisonniers. La même source affirme que celles des Français du16 novembre au 20 décembre auraient atteint 21 000 (celles de la 37e D.I. opposée à la 14.I.D. étant particulièrement importantes).

    1916 : Bezonvaux dans la bataille de Verdun

    Attaques françaises de l'automne 1916 : ligne atteinte le 3 novembre et percées des 15-16 décembre. 


  • Globalement, l'activité allemande devant Verdun s'apaise un moment après l'opération française des 15-16 décembre. Si la situation demeure « calme »pour plusieurs mois sur la rive gauche de la Meuse, ce n'est pas le cas sur la rive droite. Certes, la région de Bezonvaux n'est plus caractérisée par des engagements majeurs ; pour autant, la tranquillité est loin d'y régner : initialement, une opération est attendue de la part d'un adversaire favorisé par sa situation dominante au Nord et ses lignes s'appuyant sur d'anciens retranchements ; aussi, dans les jours suivant le 15, l'artillerie française exécute des tirs sur les lignes allemandes et les regroupements ; en retour, l'artillerie allemande bombarde énergiquement les concentrations de celle d'en face. Même si le secteur reste animé, aucune tentative allemande importante n'a lieu avant le début de mars 1917. En tout état de cause, les divisions qui montent en ligne dans ce secteur ne sont pas, d'une manière générale, des unités de faible valeur : au contraire, on y relève beaucoup d'unités classées parmi les meilleures.

     Bezonvaux 1917-1918 : La guerre continue

    Secteur de Bezonvaux : les quartiers Marceau, Hassoule et Chauny ; le quartier village, la partie orientale du quartier Chauny et le quartier Fort ne figurent pas sur ce plan. 

    LES EVENEMENTS JUSQU'EN AOÛT 1917

    A la fin de l'année 1916, Bezonvaux n'est plus dans l'ensemble qu'un amas de pierres, de poutres et de tuiles ; toutefois, des pans de murs effrités par la mitraille se dressent encore ; quelques constructions fortement endommagées et sans toitures sont encore debout, notamment l'église : ce qui reste de son clocher est encore identifiable. Pour les Français, le village est à peu près au centre du secteur portant son nom et couvrant la zone allant des Chambrettes à Vaux, avec des variations des délimitations suivant les périodes. II est organisé en sous-secteurs appelés quartiers. L'intérêt de cette étude est concentré sur la zone constituant le coeur du secteur : les quartiers Hassoule, avec le ravin d'Hassoule et le bois des Caurrières (celui-ci est hors de la limite communale de Bezonvaux, mais en bordure de celle-ci), et (Bezonvaux-)Village. De chaque côté se trouvent des quartiers pas toujours inclus dans le secteur de Bezonvaux et n'entrant pas dans le cadre de cette étude : au Nord-Ouest Marceau, au Sud Chauny (correspondant au massif d'Hardaumont) et Fort. Au nord et nord-ouest de la localité, il y a une position française continue, la première ligne allemande se situant à une centaine de mètres en face. De là, elle va longer la lisière nord du bois des Caurrières pour aller englober la ferme des Chambrettes. Autour de Bezonvaux et à l'ouest de la route Ornes-Damloup, le front n'est pas hermétiquement tenu. Il est composé de petits postes organisés sur trois lignes dans la profondeur, en profitant du terrain qui s'élève du Nord¬Est au Sud-Ouest ou d'Est en Ouest. La ferme de Méraucourt, en ruines, est considérée comme étant dans une zone abandonnée aux Allemands ; en fait, elle est dans le no man's land, le dispositif allemand se situant à hauteur de la voie métrique. En tout état de cause, les positions conquises par les Français constituent un secteur difficile à organiser, le terrain ayant été transformé en un véritable champ d'entonnoirs et les communications vers l'arrière étant très précaires. Les divisions françaises qui ont mené l'attaque des 15-16 décembre ont éprouvé des pertes et sont fatiguées, d'abord par le combat, ensuite par les travaux d'organisation des restes de tranchées conquises qu'il a fallu réaliser immédiatement. La pluie persistante et l'abaissement de la température qui provoque des gelures des pieds rendent indispensables leur prompte relève. Ne sont immédiatement disponibles que les unités ayant participé à l'opération en 2' ligne. La fin de décembre 1916 et le mois suivant sont donc consacrés à l'aménagement des positions, en dépit des conditions météorologiques défavorables. La 6 D.I. avait pour mission, pendant l'attaque, de dépasser si nécessaire la 133 D.I. ou de la relever quand elle aurait atteint ses objectifs : l'attaque ayant réussi, c'est la seconde hypothèse qui est réalisée à partir du 16 au soir. La 214 brigade est remplacée par la 12e. Elle occupe les nouvelles positions qu'elle doit organiser, tout en subissant les réactions de l'adversaire et en tenant contre tout retour offensif : le 119 R.I. relève des éléments du 321 R.I. et du 102e B.C.P. qui viennent de s'emparer de Bezonvaux. L'opération est peu aisée, car il y a peu ou pas de tranchées. Les bataillons sont disposés en profondeur : le 2 est retranché sur les lisières nord de l'agglomération ; les deux autres occupent plus en arrière d'anciennes tranchées allemandes presque entièrement nivelées et sans abris. Les réactions brutales de l'artillerie allemande lui causent des pertes sérieuses. Le 17, le 5 R.I. occupe un secteur agité, qu'il va défendre jusqu'au 12 janvier 1917, où il brisera plusieurs contre-attaques allemandes et amènagera le terrain qu'il tient. La relève de la 133 D.I. par la 6 s'achève dans la nuit du 18 au 19 décembre. La 37 D.I. est remplacée par la 21 D.I. dans la nuit du 17 au 18 décembre. Le 137 R.I., qui renforçait la 37 D.I., reste dans la zone bois des Caurrières-tranchées de Deux-Ponts, de Kaiserslautern et de la Chartonne. Le 18, dans le même secteur Bezonvaux-bois des Caurrières, le 65 R.I. relève des troupes qui ont attaqué les 15-16. Ce régiment est surpris par la rigueur de la température, l'absence totale d'organisation de ce secteur, le terrain chaotique et bouleversé. Son séjour en ligne va être pénible tant par les pertes que par les souffrances physiques. Il sera relevé le 11 janvier. Quant au 401 R.I., il l'est dans la nuit du 18 au 19 par le 28 R.I. Quelques jours après la bataille du 15 décembre 1916, la 154 D.I. va occuper le secteur des Caurrières et du Fond des Rousses : mise en ligne le 26 à la place de la 21e D.I., elle sera remplacée le 19 janvier 1917. Elle y subit toutes les réactions qui suivent l'opération : bombardements, contre-attaques incessantes qui partent du bois de Chaume et auxquelles elle résiste. Au sein de cette division, le 413e R.I. en réserve au moment de l'attaque des 15-16 décembre tient le front Bezonvaux-Caurrières pendant trois semaines (il quittera Verdun entre le 17 et le 19 janvier 1917). Cette période est très pénible : le froid, la boue et des bombardements incessants dans ce secteur inorganisé lui causent des pertes importantes (1 000 hommes environ), à la mesure de celles occasionnées dans toute la division.Au cours de cet hiver, c'est donc le sort commun de toutes les unités installées dans les tranchées du secteur Bezonvaux-bois des Caurrières de souffrir énormément des conditions climatiques ; Jean Norton Cru en porte témoignage pour la 133e D.L29 qui est à nouveau en ligne du 10 janvier au 8/9 février 1917 :

    « Vers le 10 janvier 1917, la 133 division où j'étais sergent chef de section prend à Verdun un secteur entre Bezonvaux et la ferme des Chambrettes, terrain conquis par elle 25 jours auparavant ... au cours de six jours en ligne je perdis ma section entière, un quart des hommes étant tués ou blessés, les trois-quarts évacués pour gelure ... On réparait, avec largesse, mais la division précédente restait démolie et la nôtre l'était déjà à moitié à la première relève ».

    Une anecdote : le 3 janvier, un Allemand de la 14.I.D. se rend au 414 R.I. dans le bois d'Hassoule. Il est resté caché dans un abri pendant 18 jours, jusqu'à épuisement de ses vivres. Le 11 janvier, avec l'arrivée depuis la veille de la 133 D.I., le 119 R.I. est relevé du quartier Village qu'il tient depuis le 16 décembre 1916. L'occupation du terrain a été pénible et le ravitaillement est difficile. Le temps particulièrement pluvieux et froid a été la cause de nombreuses évacuations pour pieds gelés. Pendant ces 25 jours, le régiment a organisé la défense sous un bombardement violent et systématique qui lui a causé des pertes. En particulier, le 2 bataillon est cité pour avoir organisé en une semaine à compter du 16 décembre un point d'appui suffisamment solide, avant d'être relevé par un autre bataillon du 119e. Le lendemain, pour la même raison, le 24 R.I. qui tient depuis la mi-décembre le quartier au nord de l'étang de Vaux, sur le plateau d'Hardaumont, estrelevé. Au cours de la période écoulée, il a effectué des patrouilles jusqu'à la voie métrique, vers le bois de la Plume, pour chercher le contact avec les Allemands qui, dans ce coin, demeurent invisibles. A cette date, le 321e R.I. est en ligne dans la partie ouest de son secteur d'attaque du 15 décembre, la zone d'Hassoule. Une épaisse couche de neige couvre le sol. Un bataillon est accroché aux pentes nord du Fond des Rousses, un autre est en soutien, échelonné sur le plateau entre le Fond du Loup et le ravin d'Hassoule (le 3 bataillon est en réserve à Belleray). Les compagnies de première ligne sont mal protégées contre le froid, de jour en jour plus rigoureux. D'un emplacement situé au nord de la tranchée Bochemar, les lance-mines allemands harcèlent les positions adverses. L'artillerie allemande, très active, arrose sans répit, au moyen d'obus toxiques, le Fond des Rousses, le plateau au sud et le ravin de la Fausse-Côte. Il y a des combats à la grenade, en particulier à la Barricade (un poste d'écoute placé à quelques mètres de la première ligne allemande, au nord-ouest de Bezonvaux). Les pertes sont importantes : six sous-lieutenants sont tués successivement. En dépit de la fréquence des relèves intérieures, les gelures de pieds aggravent fortement les pertes par le feu. Lorsque le régiment quitte le secteur le 9 février, après un séjour de presque un mois, il a payé un lourd tribut. Le 14 janvier, le 28 R.I. est relevé du secteur qu'il occupe : ouvrages de Bezonvaux et d'Hardaumont, ravins du Pré-Sud, du Muguet et de la Plume. Le 401 R.I. qu'il avait remplacé le 16 décembre 1916 s'était établi en fin de progression dans les entonnoirs creusés par les obus, alors que les projectiles allemands continuaient de s'acharner sur l'ouvrage d'Hardaumont. Le 28e R.I. avait dû organiser ce chaos : cette tâche avait nécessité de nombreuses corvées, effectuées dans la boue, dans la neige au cours du mois de janvier et sous les bombardements. Par relèves, les bataillons avaient effectué des séjours un peu en arrière, dans des abris souterrains creusés par les Allemands dans le ravin de la Plume et formant, selon l'appellation française, le camp de Cologne. A Hardaumont, c'est le 32 B.C.P. qui succède au 28 R.I. Revenant à Verdun pour occuper et organiser ce secteur, il y connaît la neige, le gel, les ravitaillements pénibles et aléatoires, les travaux épuisants. Ensuite, à sa troisième montée en ligne, il remplit la même mission dans le secteur de Bezonvaux : les conditions sont alors plus dures que celles endurées dans celui d'Hardaumont. Au cours de cette période, une patrouille de reconnaissance effectuée par deux chasseurs permet la capture d'un prisonnier dans un réseau de fils de fer en avant des lignes allemandes. L'historique de l'unité mentionne un seul tué à Bezonvaux (sans date). Le 17 janvier, la 126e D.I. monte en ligne entre la ferme des Chambrettes et le bois des Caurrières (inclus), à gauche de la 133e D.I. ; elle va y rester jusqu'en mars. Son 255 R.I. tient ce bois et, le lendemain, son 112 R.I. occupe les tranchées en avant de celui-ci qui est toujours un secteur de combat et pas encore un véritable secteur de défensif. Il doit donc fournir un travail sérieux. Toutefois, l'artillerie allemande rend pénible l'organisation du terrain et les aménagements sont presque entièrement détruits au fur et à mesure de leur réalisation. Le ravitaillement des premières lignes est difficile. Le 20, un petit poste de la 1ere/112e R.I. est enlevé à 18 heures et les assaillants arrivent jusqu'à la seconde tranchée. Une contre-attaque les rejette. Le 21, après un bombardement, une nouvelle tentative se produit mais échoue. Cette activité entraîne des pertes pour ce régiment : 141 hommes dont 24 tués rien que la période du 18 au 26. Le 30, deux jours avant d'installer son P.C. aux Carrières-Sud, le chef d'escadron Alexis Callies 3 commandant le 1/58e R.A.C., écrit ce qui suit dans ses carnets de guerre à propos de la 133e D.I. :

    « Mardi 30 janvier (1917) La division qui occupe notre secteur, La Gauloise (ancienne division Passaga, commandée par le général Valentin) s'enorgueillit d'être division d'attaque et d'avoir la fourragère. Aussi rechigne-t-elle au travail et le secteur est-il remarquable comme inorganisation. C'est charmant pour les camarades qui prennent la suite. Elle envisage du reste froidement la possibilité d'un repli sur la ligne d'artillerie en cas d'attaque allemande ... ».

    Du côté des Allemands précisément, les deux divisions disponibles alertées le 15 au soir et deux autres remplacent les cinq attaquées. Leur mission n'est pas de contre-attaquer, mais simplement de tenir la ligne sur laquelle ces dernières se sont retirées. Pour monter une contre-offensive dans le prolongement des événements, les divisions relevantes auraient besoin de disposer d'une artillerie intacte et installée, ce qui n'est pas le cas le 16. Au cours de la période fin décembre 1916-janvier 1917, leur situation n'est pas meilleure que celles de leurs adversaires même si une certaine agressivité se manifeste de leur part alors qu'ils cherchent simultanément à améliorer leurs défenses. En effet, le terrain occupé est défavorable : il est bouleversé, troué de cratères pleins d'eau, et les éléments de tranchée sont peu profonds. A l'avant, il est impossible d'aménager des abris et, comme il pleut en permanence (en janvier, il neige et la contrée est recouverte d'un tapis blanc), les hommes restent les pieds dans l'eau et la boue : celles-ci parviennent à passer par dessus les bords des bottes en raison du manque de consistance dans lequel elles s'enfoncent. Les déplacements sont également très pénibles. Bien sûr, beaucoup souffrent de gelures aux pieds et les évacuations sont nombreuses. Une partie particulièrement dangereuse de la première ligne allemande est la « sape de Bezonvaux » (Bezonvaux-Sappe), saillant constitué par un tronçon de tranchée creusé à l'emplacement d'un ancien cheminement servant pour les liaisons. Ce saillant est situé au nord de Bezonvaux, à une distance d'environ 500 mètres du village auquel sont adossées les positions françaises. Ses ruines sont transformées en un point d'appui, avec des barricades pour bloquer les rues ; en particulier, une barricade à l'Est constitue un objectif pour les patrouilles allemandes. L'infanterie française est jugée peu active ; en revanche, son artillerie se manifeste en permanence. Pour couronner le tout, l'alimentation laisse à désirer ; les rations sont mesurées et il n'y a plus de supplément. La viande, les portions de gras et les pommes de terre deviennent rares ; en revanche, les légumes secs et l'orge perlé sont fréquents. Il arrive que, pour améliorer l'ordinaire, les cuisiniers prélèvent des morceaux sur les carcasses de chevaux tués dans les environs d'Ornes. En outre, comme le ravitaillement en eau est difficile, les hommes s'en procurent en en recueillant dans les trous d'obus ou en faisant fondre la neige. Il s'ensuit que certains contractent des affections intestinales. Le 17 décembre 1916, la 21.R.D. est au nord de Bezonvaux ; son R.I.R. 80 est au nord-est du village, au sud de la route Ornes-Maucourt, en liaison avec l'I.R. 14 de la division voisine qui est à l'est de Bezonvaux. Celle-ci (la 4.I.D.) se tient à l'est de la route Ornes-Damloup, son front étant matérialisé par la voie métrique passant à l'est de Bezonvaux. Elle reste dans ce secteur jusqu'en avril 1917. .Quant au I./E.Fda.R. 45, ses batteries sont entre-temps amenées jusqu'à Senon et Haucourt-la-Rigole, dotées de nouvelles pièces et réengagées. Elles prennent position au nord de Maucourt, à hauteur du bois des Hayes et dans celui du Breuil. Le 20, la 10.E.D. prend le secteur Ornes-Bezonvaux, entre la route Ornes-Bezonvaux et le bois des Caurrières, où elle reste jusqu'au 19 avril 1917. Dans chaque régiment, deux bataillons sont en ligne, une partie des compagnies dans les premières positions, le reste en soutien un peu en arrière. Les relèves ont lieu tous les quatre jours. Autant que cela est possible, des améliorations sont apportées aux positions. Dans le secteur de l'I.R. 370 subsistent d'anciens emplacements de batteries lourdes et deux canons sont encore en place. A la gauche de la 10.E.D., vers l'Est, se trouve la 192.I.D. qui alterne avec la 4.I.D. ; à la différence de la région plus à l'Ouest, ce secteur situé dans la plaine de la Woëvre et dominé par les Hauts-de-Meuse est sauf exceptions peu actif, comme le montre cette appréciation des services français de renseignement :

    « La 192 D. est restée plus d'une année dans un secteur parfaitement calme (Est de Bezonvaux, décembre 1916-décembre 1917) ... La 192 D. se fixe, en décembre, à l'Est de Bezonvaux ... Elle occupe ce secteur jusqu'en décembre 1917, en gardant pendant cette longue période une attitude entièrement passive ».

    Le 22 décembre, dans des circonstances mal établies, une batterie lourde allemande procède à des tirs courts qui tombent sur ses propres troupes, leur occasionnant des pertes. Le 5 janvier 1917, la compagnie d'assaut créée au sein de la 10.E.D. par prélèvements sur ses régiments, effectue un coup de main à droite de l'I.R. 370. Neuf Français appartenant à la 6 D.I. sont capturés. Le 10, une patrouille de la 4./I.R. 370 réussit à s'infiltrer dans les lignes françaises jusqu'au village de Bezonvaux. Elle est repérée et doit se replier en laissant deux tués. Le 23 est attestée la présence de 150 prisonniers français contraints à des travaux dans le secteur de ce régiment. II s'agit de représailles à l'emploi de prisonniers allemands dans les positions françaises. A compter de février, la région de Bezonvaux ne se calme pas. L'activité des adversaires se manifeste alternativement d'un côté puis de l'autre. Toutefois, les Allemands sont nettement plus agressifs que les Français. Le 4, le 173' R.I, qui tenait le secteur de la ferme des Chambrettes, passe au bois des Caurrières. Son séjour y est marqué par des bombardements d'une extrême violence par obus de gros calibres et projectiles de Minenwerfer. Faisant suite à ces bombardements, les Allemands effectuent quotidiennement des attaques et des coups de main : en dépit des pertes, le régiment repousse les assaillants et maintient ses positions. Le 5, un détachement de l'I.R. 370 conduit par un officier parvient jusqu'à la barricade à la sortie nord-est du village, engage un combat par le feu avec les Français et leur inflige des pertes. Le lendemain a lieu un coup de main allemand. Vers 13 h 30-13 h 45, 20 à 30 hommes exécute une action sur le petit poste du Verger de Bezonvaux, tenu par des chasseurs de la 133e D.I. L'opération réussit en dépit du barrage fourni par deux batteries du 1e`/58e R.A.C. jusqu'à 14 h 37 (700 coups) : un sergent, 1 caporal et 6 hommes sont enlevés. Le 10, cette division étant partie, le secteur Bezonvaux-Caurrières est pris en compte par le 12' R.I., qui alterne avec le 6e R.I. Un travail d'aménagement est entrepris, gêné par de violents bombardement d'obus et de projectiles d'engins de tranchées. Le régiment subira ultérieurement trois attaques (4 et 10 mars, 14 avril). Le 14 février, une patrouille de sous-officiers de 370 effectue une reconnaissance dans le « carré de haies"  (Heckenviereck) ; elle n'obtient aucun résultat alors qu'un obus lui tue un homme et blesse un autre. En dehors de ces deux faits, le mois est caractérisé par une activité intense de l'artillerie française. A cette époque, le temps est relativement doux et, en raison du dégel, des cadavres se découvrent partout. Le 16, un incident particulier est noté pour l'I.R. 370 : deux prisonniers russes échappés du champ de tir de Wahn, près de Cologne, sont repérés devant un réseau de barbelés, sur le front de ce régiment, alors qu'ils essaient de gagner les lignes françaises. L'un des deux est tué, l'autre capturé. Le 23, un petit poste du 6e R.I. subit un coup de main en plein jour. Les guetteurs se replient sur leur soutien et une contre-attaque immédiate, menée par une demi-section de la 7e compagnie, permet de réoccuper le poste. Puis, les trois jours suivants sont marqués par des reconnaissances allemandes qui tentent, en vain, de pénétrer dans Bezonvaux ; la 5e/6e R.I. leur interdit énergiquement l'accès. En particulier, dans la soirée du 24 se déroule un important coup de main contre le village. Il est opéré par une compagnie constituée avec des hommes choisis au sein du III.ILR.14 ; elle est renforcée par trois mitrailleuses. Après une courte préparation d'artillerie, jugée ultérieurement insuffisante, l'assaut est mené en deux vagues. Un premier réseau est franchi, mais l'attaque est bloquée devant un second resté intact. Les Français (selon les estimations allemandes, une ou deux compagnies avec quatre ou cinq mitrailleuses) ouvrent un feu nourri et lancent des grenades. Ils prennent de face et sur les deux flancs les assaillants. La seconde vague essaie de déborder par la gauche et de pénétrer à la lisière de la localité ; elle en est empêchée par un renfort français qui est engagé. Le commandant de la compagnie attaquante, reconnaissant qu'une pénétration plus avant est impossible, donne l'ordre de repli. Celui-ci, appuyé par les mitrailleuses, s'effectue convenablement et en emmenant six blessés : il n'y a pas d'autres pertes. Le mois de mars est relativement tranquille dans les environs immédiats de Bezonvaux. Pourtant des batteries de 58 ripostent aux Minenwerfer allemands et l'artillerie française demeure très active. Le 6e R.I. pousse ses travaux d'aménagement en réalisant différentes lignes de tranchées, en posant des réseaux et en creusant des boyaux qui commencent à permettre une circulation plus discrète et plus sûre. Ailleurs, c'est moins calme. Le 4, sur le front Bezonvaux-Chambrettes, les Allemands attaquent vers 16 h 30. Ils ont un double avantage : ils bénéficient d'une supériorité en artillerie ; de plus, ils sont servis par les places d'armes que constituent les bois de Chaume et des Fosses. Ils pénètrent dans la tranchée Bochemar, s'emparent de la première ligne française au nord du bois des Caurrières, y pénètrent jusqu'au poste du chef de bataillon et occupent la ferme des Chambrettes. Une contre-attaque française, effectuée le 5 au petit jour, rétablit la situation sans permettre la reprise de la tranchée Bochemar. Cette opération appelée du côté allemand « Petits Balkans » (Kleiner Balkan) implique deux divisions. L'objectif de la première (7.R.D.), en ligne dans le secteur Louvemont-ferme des Chambrettes, est d'observer ce qui se passe dans le ravin du bois des Fosses, de se renseigner sur les intentions futures des Français et de ramener des prisonniers. Pour l'autre grande unité (28.I.D.), il s'agit d'avoir des vues dans le Fond des Rousses et de capturer des prisonniers. Dans ce second secteur de l'opération, les forces allemandes engagées comprennent le I.fFüs.R.40, le II./Gr.R.109 et le III./Gr.R.110. Leur dotation est de 32 mitrailleuses, 24 lance-mines légers et 48 lance-grenades. Il y a en plus 150 pionniers des 2. et 3.fPi.Btl. 4 ainsi que la 4.f Pi.Btl. 30 (compagnie relevant directement de l'état¬major de la 5e armée). L'appui d'artillerie est donné par le Fda.R. 94 et le Fussart.R. 88 avec 2 batteries. La préparation comporte 70 000 coups. Les deux divisions remportent un succès : elles font entre 420 et 600 prisonniers, dont 1 ou 6 officiers, et récupèrent 16 mitrailleuses. Les pertes allemandes sont modérées : 36 morts et 112 blessés. A l'ouest de Bezonvaux, une division française, la 74e, a été très secouée par cette attaque. L'artillerie française soumet alors la 28.1.D., qui occupe les anciennes positions de son infanterie, à un bombardement violent. Le 5, des détachements du I.11.R. 370 en train de procéder à des travaux de terrassement sont surpris par un bombardement français : il y a 4 morts et 18 blessés dont 7 graves. Le 6, en réponse à un harcèlement constant de l'aile droite de l'I.R. 370 par .des crapouillots français depuis le début du mois, ceux-ci, dont l'emplacement a été repéré, sont soumis à un tir important : c'est le jour où la 126e D.I. relève la 74e. Le 10 à 4 heures, une attaque allemande sur le bois des Caurrières et le front de la 123e D.I. (qui est à la droite de la 126e) est exécutée à la faveur du brouillard : un petit poste avec 2 caporaux et 6 hommes est enlevé. Le 11, le Gr.R. 109 remonte en ligne et, le lendemain, il est en position entre Ornes et Bezonvaux, à l'est du bois des Caurrières et du Fond des Rousses ; la « sape de Bezonvaux >» se trouve approximativement au centre de son dispositif. A la droite de cette unité est installé le Gr.R. 110 de la même division, qui tient le secteur de la Croix de la Vaux. Le 21, une opération est déclenchée deux heures après la transmission du mot code "sous-marin » (U-Boot), correspondant au nom d'une tranchée de ce secteur. Elle porte sur un saillant situé à la cote 332, entre 500 mètres et 1 kilomètre au nord¬ouest de Bezonvaux. Ce sont deux bataillons du Gr.R. 109, mis au repos et entraînés sur un terrain d'exercices, qui attaquent à la gauche de la 7.R.D. et à l'aile droite de la 28.I.D. La préparation de l'artillerie et des lance-mines n'est pas suffisante. L'attaque ne réussit pas ; toutefois, les deux divisions françaises qui sont en face ayant été affaiblies, elle apporte un peu de calme dans cette zone, sauf dans les environs de la Croix de la Vaux qui restent animés. Le lendemain, au cours d'un barrage exécuté par le 1e/58e R.A.C., des coups courts sont observés sur le village de Bezonvaux. A cette époque, un P.C. de bataillon y est attesté. Le 247e R.I. tient le secteur des Caurrières du 25 mars au 16 avril, période pendant laquelle de fréquents bombardements s'abattent sur les lignes avancées. D'ailleurs, en avril, l'activité des Allemands s'accroît de nouveau. Le 6, le 1er/6e R.I. repousse au bois des Caurrières un coup de main préparé par un tir violent de Minenwerfer. Le 10, un groupe de choc composé de 10 hommes du Gr.R. 109 attaque une position à l'est de la Croix de la Vaux : l'opération a le nom de code de « temps d'avril » (Aprilwetter). Un prisonnier est capturé. Le 14, les Allemands effectuent sans résultat un coup de main ; ils sont repoussés et le reste de la journée est calme. Le 15, au cours d'une relève, des fractions du 3e/6e R.I. contribuent, avec le 12e R.I., à repousser une nouvelle tentative. Le 22, le régiment remonte en ligne dans le quartier Marceau voisin. Tout le secteur est fréquemment bombardé ; les projectiles de lance-mines tombent en abondance. Les 25-26, les bombardements sont particulièrement violents et, le 26, des projectiles à gaz s'ajoutent aux explosifs ordinaires. Le 28, il y a un nouveau coup de main allemand qui ne réussit pas. Le 3 mai, le 247 R.I. revenu en ligne est relevé par le 12 R.I. Il remonte dans le même secteur le 13 mai jusqu'au 30 et à nouveau du 6 au 13 juin. Dans la nuit du 3 juin est signalé le coup de main de l'I.R. 183 appelé «printemps » (Frühling). Il a pour objectif une position aménagée avec des fascines et deux abris situés au sud de l'ouvrage de Bezonvaux. Le but est de ramener des prisonniers et des prises. La résistance française fait échouer l'entreprise. Du 11 au 13, le 412' R.I. relève le 247 dans la secteur de Bezonvaux. En 1er ligne, le 1er bataillon tient le quartier Hassoule et le 3 le quartier Village. En 2 ligne, le 2 bataillon occupe le quartier Chauny. Le séjour de cette unité dans ce secteur est caractérisé par une activité adverse extrêmement violente. Les positions françaises sont établies à contre-pente, à moins de 200 mètres de celles des Allemands qui tiennent la région au nord du bois des Caurrières. Ceux-ci, abondamment pourvus de lance-mines, gros et petits, exécutent de fréquents tirs de harcèlement qui, durant plusieurs heures, bouleversent les tranchées françaises, détruisent les abris ainsi que les réseaux de fils de fer et causent de très fortes pertes. Tous les deux ou trois jours, après un déluge de projectiles de lance-mines, des groupes de choc (Stossgruppen) prononcent avec autant de hardiesse que d'énergie une attaque sur les tranchées adverses et essaient d'enlever des hommes. Ces événements ne sont pas étrangers à la présence dans la région Ornes-Bezonvaux de la 28.I.D. et de l'existence, derrière les positions qu'elle défend, d'un centre d'entraînement pour les troupes de choc (Stosstruppen), sans doute animé par la compagnie d'assaut divisionnaire. Compte tenu de sa tenue au feu et de ses capacités tactiques, cette division badoise est considérée ultérieurement comme une des meilleures grandes unités allemandes, bien que, contrairement à la plupart d'entre elles, elle n'ait combattu que sur le front occidental. A compter du 12, le 6 R.I. occupe le bois des Caurrières avec ses positions s'étendant vers le nord, en direction de la ferme des Chambrettes. Dans la nuit du 20 au 21, des patrouilles de son 3 bataillon, protègeant des travailleurs, livrent un combat acharné jusqu'au corps à corps, avec des groupes d'Allemands supérieurs en nombre. Elles subissent des pertes et, après le repli des travailleurs, parviennent à regagner les lignes françaises sans laisser de prisonniers aux mains des Allemands. A compter du 23, c'est le 247e R.I. qui occupe le quartier Village. Celui-ci est beaucoup moins agité que le plus à l'est du secteur, le quartier Marceau, où le régiment était en ligne précédemment ; cela n'empêche pas qu'il soit parfois soumis à de violents bombardements. Dans la nuit du 23 au 24, vers 2 heures, les Allemands font irruption sur le front du 3/412 R.I., relativement large, qui ne constitue pas une ligne tenue dans sa totalité. Précédés par un tir très intense de torpilles, plusieurs groupes adverses atteignent les tranchées françaises en différents endroits. Un officier, le lieutenant Journois, qui observe ce qui se passe en étant monté sur le parapet à proximité d'un poste, est fait prisonnier par un groupe d'attaquants ; il se débat et crie : « Les Boches m'emmènent. Tirez !Tirez ! ». Il continue de se débattre et parvient à faire lâcher prise à ses agresseurs puis à revenir dans la tranchée. Les Allemands sont repoussés et regagnent leurs positions, poursuivis par les tirs des mitrailleuses. Le lendemain matin, les défenseurs découvrent un cadavre resté dans les fils de fer français : il est vêtu d'un bourgeron et d'une cotte en toile bleue, sans aucun signe distinctif ; il est armé seulement d'un poignard et d'un sac de grenades. Le 25, après cinq mois d'efforts et de souffrances, le 6 R.I. est relevé par le 411e R.I. Il quitte le bois des Caurrières sans avoir perdu ni un seul pouce de terrain, ni un prisonnier et en laissant une organisation solide là où il n'avait trouvé que des trous d'obus. Le 26, après être resté 13 jours en première ligne dans le quartier Hassoule, le 1/412 R.I. y est relevé par le 3 bataillon. Juillet est caractérisé par plusieurs actions des Stosstruppen dans toute la région de Bezonvaux : elles ont lieu en particulier les 1e et 3, ainsi que pendant toutes les nuits des 4 au 24 au cours desquelles les Français les repoussent inlassablement. Le 1ef, des groupes de choc parviennent à capturer 3 prisonniers à la 9 compagnie du 3/412 R.I. Mais, le 3, une embuscade permet de s'emparer d'un caporal du Gr.R.109, lequel dirigeait une patrouille devant les lignes françaises. Dans la nuit du 3 au 4, alors que la 5 D.I. remplace la 123, les bataillons du 412 R.I. sont relevés par ceux du 129 qui en met deux en ligne : un au quartier Village et un au quartier Hassoule (jour et nuit, celui-ci doit remettre en état les tranchées que l'artillerie allemande cherche à niveler et être prêt à contre-attaquer). Un du 276 R.I. est établi dans le Fond du Loup, à peu de distance de Bezonvaux, en réserve du 129. Malgré les bombardements incessants et violents, pendant les 20 jours de son séjour en ligne, ce régiment ne ralentit pas les travaux d'organisation du terrain. L'artillerie française est également en action : les tranchées adverses disparaissent dans le feu et la fumée. Le 4, le 12 R.I. est relevé : du 10 février au 30 juin, il a perdu 11 officiers et 1 200 hommes. Le 11, le 247 R.I. subit un coup de main dans la zone des Ravines. Ce régiment est relevé les 12-13. A la mi-juillet, trois divisions allemandes tiennent le front entre la Meuse et Bezonvaux : les 28.R.D., 228. et 28.I.D. Le 15 a lieu l'opération « anniversaire « (Geburtstag), conçue comme une percée rapide dans les lignes françaises du secteur de la « sape de Bezonvaux », en direction du village. Elle échoue en raison des mau¬vaises conditions météorologiques et de la vigilance des Français. Dans la nuit du 18 est prévue une action dont le nom de code est « Jean » (Johannes) : les Minenwerfer de l'I.R.183 bombardent le ravin du Pré-Sud avec des projectiles à gaz ; toutefois, les autres détails concernant cette opération sont inconnus. Le 22 à 5 heures 25, un tir de torpilles d'une violence inouïe s'abat sur le quartier Hassoule, pendant qu'un feu roulant par obus de gros calibres martèle le quartier Village, le Fond des Rousses, le secteur voisin des Chambrettes et les observatoires de l'arrière. Ce bombardement forme un véritable rideau, un encagement d'une intensité extraordinaire. D'abord surpris, les hommes du 3/29 R.I., qui sont en ligne dans le ravin d'Hassoule, se précipitent à leur emplacement de combat, juste à point pour recevoir les premiers grenadiers qui envahissent une de leurs tranchées. Un combat au corps à corps s'engage. Dans la tranchée des Zouaves, le lieutenant commandant l'élément qui la tient résiste et contre-attaque à la grenade. Dans le saillant du Verger, au nord du village, plusieurs Allemands sautent sur un petit poste de la 9' compa¬gnie qui résiste. En une dizaine de minutes, la tranchée est nettoyée ; il ne reste plus aucun assaillant et la ligne est entièrement rétablie. Malheureusement, la concentration formidable du tir sur ce quartier a occasionné des pertes, en raison notamment de l'effondrement de plusieurs abris. Toutes les commu¬nications avec l'arrière sont coupées ; pendant quelques heures, seuls les téléphonistes réparant les lignes et le brancardiers ramenant les blessés se risquent dans le Fond des Rousses, notamment au niveau de la Gabionnade. Le 129 R.I. est relevé du secteur de Bezonvaux dans la nuit du 24 au 25.

    Le 247 R.I. reprend le secteur de Bezonvaux le 4 août, la 153 brigade auquel il appartient étant rattachée à la 42 D.I. qui, à partir du 6, est responsable de l'ensemble Douaumont-Bezonvaux. Cette division participera à des actions à l'ouest de ce village (le 20 au bois des Fosses, le 26 dans celui de Beaumont), jusqu'à sa relève le 29. Le 14, l'artillerie déploie une grande activité. On sent qu'une attaque est prochaine. Les 15 et 16, le bombardement continue avec intensité. Le 16 à 19 heures, une attaque allemande se déclenche : menée par la 28.I.D., elle part du sud-ouest d'Ornes en direction du bois des Caurrières. Elle parvient à percer sur la gauche la première ligne occupée par le 162 R.I., cause des pertes au 247e Ri.. et permet aux assaillants d'occuper les tranchées des Zouaves et des Arvernes. Une compagnie du 276e R.I. part en renfort, puis plus tard les 2e et 3/129 B.I. Vers 21 heures, les Allemands sont bloqués après qu'ils aient réussi à conquérir une bande de terrain large de 2 kilomètres et profonde de 400 mètres. Les pertes françaises totales se montent à 16 officiers et 700 hommes (tués, blessés, disparus), auxquelles s'ajoutent des pertes en matériels : 9 mitrailleuses, 13 mortiers de tranchées, 40 fusils¬mitrailleurs Mle 1915, etc. En outre, les Allemands, qui ont détruit 41 abris, 37 mortiers de tranchées et un dépôt de munitions, ont récupéré des ordres montrant que leurs adversaires préparent une opération importante, retardée du 15 au 18 en raison du mauvais temps. Pendant ce temps, le 3e bataillon et la compagnie hors-rang du 129e sont placés en réserve dans le tunnel de Tavannes. Le 2e bataillon monte, en une seule étape, à Hassoule en étant bombardé par obus à gaz depuis la chapelle Sainte-Fine ; à 7 h 30, le 17, il arrive à destination : les éléments de tête franchissent un violent tir de barrage et occupent la tranchée Sabathé dans le bois des Caurrières. Les hommes sont harassés par une nuit de fatigue ; pourtant, ils doivent encore tenir toute la journée sous le pilonnage ennemi. Puis, ce 2d/1 29 Rd., couvert par le groupe franc du 247e R.I., reçoit la mission de contre-attaquer et de rétablir la ligne. A 17 heures, après un court bombardement, ce bataillon part à l'attaque et l'adversaire se replie dans ses anciennes tranchées, poursuivi par les assaillants. Une patrouille de la 7e/129e dépasse même l'ancienne première ligne allemande et rentre au complet dans les lignes françaises. Dans la nuit, le 3e/129e R.I. vient relever, devant le village de Bezonvaux, un bataillon du 247e R.I. C'est une relève très pénible : les hommes, soumis au bombardement par obus toxiques, doivent garder le masque durant trois heures dans la nuit, ajoutant encore aux fatigues de la progression-dans les boyaux et tranchées. Le 19, le 247e R.I. est entièrement relevé.

     Bezonvaux 1917-1918 : La guerre continue

    Bezonvaux vu par un observateur allemand : croquis réalisé par le sergent-chef de réserve Schärfer 7.Gr.R. 109, 30 juin 1917 


    20 AOÛT : LA SECONDE BATAILLE OFFENSIVE DE VERDUN

    Depuis la fin de 1916, le front de Verdun est à peu près dégagé sur la rive droite de la Meuse, quoique les Allemands possèdent encore les observatoires de la côte du Talou, au nord de Vacherauville. Mais, sur la rive gauche, solidement installés à la cote 304 et au Mort-Homme, ils ont entre leurs mains une base de départ inquiétante d'où ils peuvent lancer une action dangereuse le long du fleuve ainsi qu'entre celui-ci et l'Argonne. Une opération de dégagement est donc projetée sur cette rive tandis qu'un alignement sur celle de droite complétera heureusement la victoire des 15-16 décembre. La deuxième bataille offensive de Verdun va donc être menée à cheval sur la Meuse; d'Avocourt à Bezonvaux. Sur la rive droite, il est prévu que le mouvement offensif s'appuie à l'Est sur un môle fixe. Celui-ci est constitué par la région de Bezonvaux, zone où les lignes françaises connaissent un changement de direction important : venant d'Ouest en Est depuis la Meuse jusqu'à ce village, elles descendent ensuite vers le Sud en direction de Damloup. En conséquence, le front Croix de la Vaux-Bezonvaux n'est pas concerné directement par l'opération. La 153 brigade, créée le 15 mars 1917 et incluant progressivement les 247e, 276e, 412e et 129e R.I., est chargée de ec secteur passif placé à droite du dispositif d'attaque. Comme on l'a vu précédemment, ces unités occupent depuis ce printemps la région Chambrettes-Bezonvaux. Après une période de repos en juillet, la brigade remonte en ligne. L'organisation défensive de son front est minutieusement établie par la 42e D.I. à laquelle elle est subordonnée et qui monte en ligne le 6 août pour tenir le secteur Douaumont-sud de Bezonvaux. Une partie de l'artillerie affectée à cette division est d'ailleurs en place à l'arrière du front tenu par la brigade : elle est évaluée à 9 batteries de 75, 2 de 90, 3 de 155 court et 24 pièces de 58. L'ordre transmis par la 42 D.I. prévoit l'accumulation d'obstacles passifs, la consolidation de l'appui d'angle de Bezonvaux et des barrages par feux de mitrailleuses ainsi que par grenades V.B. En outre, le plan d'engagement de la division en date du 4 août prescrit que, 20 minutes après le déclenchement de l'attaque (H = 20 août à 4 h 30) jusqu'à la fin de la progression, les mitrailleuses de la 153e brigade exécuteront un barrage fixe sur les ravins des Lièvres, du Pré et de la Chartonne. Le 20 août au matin, les tirs de l'artillerie française terminés, l'offensive projetée sur les deux rives de la Meuse se produit, l'aile droite de l'opération se trouvant immédiatement à la gauche du quartier Hassoule. Après le déclenchement de l'attaque, la 153e brigade n'est pas inquiétée à l'ouest de Bezonvaux, sauf par l'artillerie adverse. Dans l'ensemble, la réaction allemande est assez faible. Pourtant, il y a un véritable pilonnage du ravin d'Hassoule ét de la partie orientale du bois des Caurrières ; l'artillerie allemande devient plus active sur le 129 R.I. et les bombardements par lance-mines deviennent plus fréquents. Le quartier Hassoule, que tient un bataillon du 151e, rattaché momentanément au 129e R.l., est constamment bouleversé par les nombreux projectiles qui l'écrasent, venant de toutes les directions. Les pertes deviennent sensibles. En outre, dans le Fond des Rousses, l'artillerie lourde allemande établit un barrage assez dense. Une contre-batterie s'avère nécessaire.

    Bezonvaux 1917-1918 : La guerre continue
    L'attaque Française de la 128e D.I le 8 septembre 1917 : le secteur du 167e R.I et ses positions successives. 

    LES ACTIONS JUSQU'EN DECEMBRE

    Dans les semaines qui suivent l'offensive du 20 août, la zone Douaumont-Bezonvaux ne revient pas immédiatement à la situation normale. Déjà, du 18 au 20 août, des coups de main allemands s'étaient produits chaque soir dans la zone tenue par le 129e R.I. ; les 22, 23, 25 et 26, ils se renouvellent jusqu'à trois et quatre fois en des points différents : ils sont systématiquement repoussés. En ce qui concerne ce régiment, ses patrouilleurs ne restent pas inactifs et fouillent consciencieusement, chaque nuit, le terrain compris entre les lignes devant le quartier Village. Plus au Nord-Ouest, la 128 D.I. monte en ligne le 29 dans le secteur Marceau qu'elle va tenir jusqu'au 12 septembre. Une nouvelle attaque française, conçue le 30 août et ayant pour but d'enlever tout le plateau des Caurrières, doit avoir lieu ultérieurement. Quant aux Allemands, ils s'efforcent de reprendre du terrain sur la rive droite de la Meuse. En outre, pour améliorer le commandement dans une partie de ce front officiellement calme mais restant animé, l'état-major de la 5e armée allemande finit le même jour de réorganiser ce qu'il a entrepris le 22 juillet : en modifier le découpage et les rattachements hiérarchiques. A cette date, l'état-major de corps d'armée N° 63 (bavarois) a été fusionné avec celui du commandement du secteur Vaux, dont les deux divisions ont pris le nom de leur sous-secteur : !a 192.I.D. devenue la Division Dieppe, la 19.E.D. la Division Etain. Le 30 août se produit une transformation plus importante. La zone de Bezonvaux (de l'ouest d'Ornes jusqu'au sud de Vaux) est divisée en deux groupements, prenant place à l'est de celui de Meuse-Est : le groupement Ornes (état-major du XI.A.K.) avec les sous-secteurs Vaux et Dieppe (tenus respectivement par les 28. et 192.I.D.), le groupement Vaux (état-major de corps d'armée N° 63, bavarois) avec les sous-secteurs Damloup et Etain (228.l.D., 19.E.D.). Pour revenir du côté français, la 163e D.I. succède à la 153e brigade. Le Zef septembre, le 142e R.I. prend la place des unités occupant la zone de Bezonvaux : ses 2e et 3e bataillons sont en ligne et son 1 est en soutien. La nuit suivante, plus à l'Ouest, le 129e R.I. est relevé. Son secteur continue d'être dur et dangereux. Accrochés à une pente abrupte, le dos au Fond des Rousses ravin profond et marécageux, ses deux bataillons en ligne doivent tenir dans des conditions difficiles. Une passerelle étroite et peu commode passage unique et précaire permet de franchir le Fond des Rousses à hauteur du P.C. d'Hassoule (sinon, il faut faire un détour jusqu'à l'ouest du village). S'en écarter, c'est courir le risque de l'enlisement dans la boue. En outre, des barrages d'artillerie fréquents et même des tirs d'interdiction rendent liaisons, ravitaillements et relèves particulièrement pénibles. Le 4, des groupes d'Allemands essaient de pénétrer dans les lignes françaises. Les sentinelles donnent l'alerte et, après un vif combat à la grenade, les assaillants se retirent sans résultat. L'artillerie française soumet alors les lignes allemandes à des tirs de destruction. Le lendemain, deux reconnaissances commandées par deux sous-lieutenants appartenant aux 6 et 10 compagnies du 142e, pénètrent dans les tranchées allemandes et les trouvent inoccupées. Mais, l'artillerie adverse se manifeste énergiquemement avec ses pièces lourdes : un capitaine et une quinzaine d'hommes sont tués près du P.C. Roye. La lutte d'artillerie se poursuit avec une intensité croissante. Le 6, le Gr.R. 109 procède à un coup de main dans son secteur. Il s'agit de prendre une barricade dans le bois des Caurrières. Une préparation d'artillerie est déclenchée à la tombée de la nuit et l'opération est déclenchée à 23 heures. Les quelques Stosstrupps engagés arrivent jusqu'à la deuxième tranchée ; pourtant, 4 Français seulement sont capturés. Jusqu'à présent les Allemands ont profité de la situation des unités françaises tenant la pente nord du Fond des Rousses situation qu'ils connaissent, pour y faire irruption par le débouché du ravin au nord de Bezonvaux, après avoir neutralisé par le bombardement et les gaz les défenseurs de cet endroit difficile. Pour améliorer l'occupation de cette zone, une opération prévue avec un régiment de la 69 D.I. et trois de la 128 se déroule alors du 7 au 10 septembre, sur le plateau des Caurrières, entre deux positions défensives : à l'Est le secteur Bezonvaux-Vaux tenu par deux régiments de la 163 D.l., les 415 et 142e R.I., à l'Ouest la zone au nord d'Haudromont incombant à la 40e D.I. La préparation française qui commence dans la nuit du 5 au 6 est formidable, mais la contre-préparation adverse paraît plus puissante, provoque des pertes et nivelle les boyaux ainsi que les tranchées. Le 8 après 5 h 10, les 69e et 128 D.I. sortent de leurs tranchées. La région de Bezonvaux n'est concernée que par la participation à cette action du 167e R.1., appartenant à la dernière des deux divisions. Le rôle dévolu à ce régiment est délicat : à l'extrême droite des troupes engagées, il doit couvrir sur un front de 1 500 mètres, orienté vers le Nord-Est, le 168e qui fonce droit devant lui (c'est-à-dire vers le Nord). Les deux bataillons d'attaque (2e bataillon à gauche, 3e à droite) s'ébranlent comme à la parade ; ils s'emparent de la première tranchée allemande (tranchée de Bagdad), puis à 7 h 30 la seconde (tranchée Bochemar) est occupée. La résistance allemande est forte, des mitrailleuses prennent en enfilade les assaillants et des réseaux sont intacts. En outre, l'aviation allemande intervient et mitraille les vagues d'assaut. Néanmoins, le 3e bataillon, qui doit pivoter sur sa droite en avançant sa gauche de quelques centaines de mètres, atteint rapidement ses objectifs. Le 2e bataillon parvient à avancer encore un peu, mais échoue ensuite devant la tranchée du ravin des Lièvres. Sa 7e compagnie, qui arrive à percer jusqu'à la tranchée d'Athènes, va être encerclée et se défendre jusqu'au dernier homme. Entre-temps, une contre-offensive allemande en direction de Bezonvaux échoue sous les feux français vers 10 heures. Au début de l'après-midi, la droite française se replie légèrement sous la pression de détachements adverses lancés le long des ravins des Lièvres et du Pré. A 15 h 30, le général Passaga, commandant le 32' C.A., donne l'ordre de tenir sur la ligne atteinte, dans certains cas en l'améliorant, en particulier en reprenant la tranchée Bochemar. En fait, à partir de 17 h 30 une contre-attaque allemande (la septième) rejette l'extrême droite française sur sa ligne de départ, élimine les éléments qui résistent et capture des prisonniers. Dans la nuit, des renforts du 142e R.I. qui tient Bezonvaux arrivent en même temps que des approvisionnements en munitions, grenades et artifices. Toutes les unités concernées des 69e et 128 D.I., soumises aux tirs des batteries allemandes implantées dans la Woëvre, sont très éprouvées. La journée du 8 coûte au 16T R.I.79 tués, 407 blessés et 306 disparus, pour un bilan de 200 Allemands prisonniers. Les débris du régiment tiennent encore la position le 9. Dans la nuit du 10 au 11, ils sont relevés par le 142 R.I. et ramenés en 2 ligne au quartier Chauny. A noter que le 9, le général Riberpray commandant la 128e D.I. est tué dans le bois des Caurrières, dans le secteur central de sa division tenu par le 168 R.I. Après cette affaire, la région de Bezonvaux demeure mouvementée. La période à compter du 10 septembre et incluant le mois d'octobre voit les Allemands fournir des efforts pour reprendre le terrain perdu sur la rive droite de la Meuse. La 78.R.D., dirigée sur le front de Verdun et mise en réserve lors de l'offensive française du 20 août, est engagée au nord des Caurrières. Le 11 septembre se déroule une attaque sur les positions tenues par les 1 et 3/142 R.I. Elle échoue grâce à la riposte des grenadiers français. Le pilonnage s'accentue. Tranchées et boyaux disparaissent ; les hommes se glissent de trous d'obus en trous d'obus pour se rapprocher de la ligne allemande et échapper ainsi à l'écrasement. Les 12 et 13, la 163e D.I., dirigée le 31 août vers Verdun et mise par éléments successifs à la disposition du 32 C.A., relève entièrement la 128 dans le secteur de Bezonvaux où elle va repousser différentes actions. Le 13, la 78.R.D. exécute une tentative qui n'a pas de suite ; le lendemain, elle en exécute une autre. Le 24 à 5 h 30, ses trois régiments, précédés d'une partie du 5e bataillon d'assaut (St.Btl. 5), attaquent sur un front de 2 kilomètres entre la corne nord-ouest du bois des Fosses et la lisière est du bois de Chaume (ravin de la Charbonnière). L'offensive cherche à atteindre la cote 353 au nord des Chambrettes. Sur ses flancs, elle est prolongée par des actions secondaires au sud de Beaumont et vers Bezonvaux. Il faut noter que la 7./R.I.R. 258 qui attaque à la Croix de la Vaux perd 600/o de son effectif entre 5 h 30 et 5 h 45 : parmi les assaillants figure le sergent-chef Ettighoffer, chef d'un détachement de choc ; il tirera de son expérience au cours de cette opération, pendant laquelle il est blessé, des éléments pour un passage de son livre « Fantômes au Mort-Homme r>34 Des Stossgruppen de la 3./St.Btl. 5 agissent aussi dans la zone de la Croix de la Vaux : ils y perdent 7 tués et 6 disparus. En début d'après-midi, un coup de main vise directement Bezonvaux ; il échoue. Sur cette période, le général Boichut, qui commande la 163e D.I. à compter du 16 juin 1917, a laissé un témoignage personnel":

    « En septembre 1917, commandant d'une division d'infanterie, Verdun m'a de nouveau attiré comme un aimant et c'est dans les ruines de votre palais épiscopal, où tombent les obus et que frappent les balles d'avion, au collège Margueritte, que je place en passant mon premier poste de commandement, en attendant de le porter au ravin de Bezonvaux. M'est-il permis de rappeler là encore, un épisode de guerre ? C'est là que je vois sortir d'un abri pas bien sûr, c'était la dalle d'une pierre tombale, un bloc de boue : l'aumônier volontaire d'un de mes régiments. II ne pouvait bien entendu habiter sous l'église, nivelée évidemment. II s'appelait l'abbé Saliege ».

    A la même époque, un autre aumônier fait également preuve d'une attitude admirable dans le secteur de Bezonvaux : il s'agit de l'abbé Ulrich, aumônier volontaire du 162 R.I.3s A partir du 25, le 415 R.I., qui a précédemment (du 5 au 16 septembre) occupé la zone d'Hardaumont, s'installe dans celle de Bezonvaux. A sa gauche, le lendemain, la 15 D.I.C. s'établit vers le bois des Fosses et celui des Caurrières. Dans les derniers jours de ce mois, glissant vers l'Est, le 142' arrive dans le secteur relativement calme de l'étang de Vaux. Il est relevé le 3 octobre par le 2 Zouaves, la 163 D.I. laissant la place à la 37. Dans le camp d'en face, le 27, la G.E.D. est dirigée sur le groupement Ornes. Un nouvel effort est prononcé par les Allemands le 1 octobre sur la droite du 32 C.A. entre le bois de Chaume et Bezonvaux. Lorsqu'elle est relevée les 3 et 4, la 163e D.I., soumise à un bombardement continuel et très violent, a subi des pertes élevées ; rien qu'au 415 R.I., elles s'élèvent au total à 32 tués dont un officier, 305 blessés dont 3 officiers, 110 disparus dont 2 officiers. Le 5, l'I.R. 183 mène une action au sud-est de Bezonvaux. L'objectif est une position près de la cote 355, à proximité de l'ouvrage, en vue de capturer des prisonniers. L'opération, connue sous le nom de code de « 123 », échoue en raison de la résistance française. A cette époque, le mauvais temps sévit. La pluie qui tombe à compter du 8 inonde tranchées, boyaux et trous d'obus. Les hommes, qui n'ont pas d'abris pour se garantir des intempéries et se reposer, sont dans l'eau et la boue jusqu'à mi-jambes. Beaucoup souffrent de gelures des pieds. Le 11 à 5 h 40, les Allemands, précédés par des éléments de la 4./St.Btl. 5, attaquent la tranchée des Zouaves au nord du bois des Caurrières, tenue par le 5' R.I.C., et l'est de ce bois. Sous l'effet du barrage de l'artillerie française auquel s'ajoute le feu des mitrailleuses et fusils-mitrailleurs ainsi que des tirs de grenades V.B., les assaillants sont arrêtés. A droite, un régiment de tirailleurs de la 37 D.I. également attaqué cède du terrain puis rétablit la situation. Les 12 et 13, aucune nouvelle tentative est prononcée ; en revanche, l'artillerie allemande se manifeste en permanence, parfois violemment. A partir du 13, le 3 Zouaves tient le secteur Bezonvaux-Vaux, terrain qu'il a conquis en décembre de l'année précédente (il le quittera le 5 novembre). Dans la nuit du 13 au 14, le 1/3 Tirailleurs relève un bataillon du 2 Tirailleurs dans le quartier Hassoule. Le 2 bataillon reste en réserve au ravin du Bazil et l'état-major occupe le P.C. Alsace (Carrières-Sud). La nuit suivante, ce 2 bataillon termine la relève du 2 Tirailleurs et occupe le quartier Village à la droite du 1 bataillon. Le 4 est en réserve près du P.C. Alsace, dans le centre de résistance (C.R.) Montmorency. Le paysage est un champ d'entonnoirs boueux et le séjour est particulièrement difficile. Le secteur reste constamment agité ; l'artillerie allemande très active bouleverse fréquemment les positions, tout en se livrant sans cesse sur les lignes de communication fort précaires à d'incessants harcèlements par obus explosifs ou toxiques. Les premières positions du régiment, accrochées aux pentes du mouvement de terrain bordant au nord le Fond des Rousses, sont presque totalement isolées de l'arrière, une épaisseur importante et infranchissable de boue couvrant le fond de ce ravin. Seul un étroit passage, constitué par quelques fascines, invisible la nuit et souvent détruit par le bombardement, permet à certains de franchir ce fossé. Pour d'autres, c'est l'enlisement. Les ravitaillements sont difficiles et le mauvais temps est la cause de nombreuses évacuations pour des gelures graves aux membres inférieurs ou des « pieds de tranchées ». En face, l'infanterie adverse est auda¬cieuse, entreprenante et tenace. Le 17, après un violent bombardement, une tentative visant la tranchée du Calvaire échoue sous le feu français. Mais, le bombardement préparatoire a causé des pertes sensibles :18 tués et 59 blessés. Dans les nuits du 18 et 19, la 60' D.I. entrant en ligne, le 5 R.I.C. est relevé par le 248 R.I. Du 20 au 23 octobre, les Allemands exécutent encore de larges coups de main dans le Fond des Rousses, à l'ouest du village, mais ne réussissent pas. Ainsi, le 21 à 3 h 15, ils exécutent une forte action sur tout le front de ce sous-quartier. Après une puissante préparation d'artillerie et de lance-mines, ils tentent à trois reprises de sortir de leurs positions et d'aborder les lignes françaises. Les barrages de 75 et de grenades V.B. enrayent les mouvements. Une nouvelle attaque est lancée à 4 h 15. Les vagues d'assaut arrivent au contact du 1/3 Tirailleurs. Bloqués à coups de grenades, ceux qui les composent s'enfuient en voyant surgir des trous d'obus, la baïonnette haute, les tirailleurs des 1 et 3 compagnies, au moment même où une autre section de la première de ces deux compagnies livre, à la tranchée de la Barricade, un furieux combat. Sur le front du 2e/3e Tirailleurs, l'attaque est également brisée par des feux de mitrailleuses, ceux des fusils-mitrailleurs de la 5 compagnie et des salves de V.B. A la tranchée du Calvaire complètement bouleversée, les défenseurs sont hors de combat ou enterrés ; les assaillants réussissent à y prendre pied et enlèvent un lieutenant blessé. Le sous-lieutenant commandant l'unité voisine, apercevant des adversaires avançant vers lui, fait tirer sur eux alors qu'ils ne sont plus qu'à une vingtaine de mètres. Une contre-attaque immédiate rétablit la ligne française. L'opération allemande a été sérieuse : baptisée « colchique » (Herbstzeitlose), elle a été menée par le R.I.R. 245 en vue de provoquer des pertes chez l'ennemi et d'évaluer ses forces, notamment en lui faisant des prisonniers pour les faire parler : les Allemands annoncent effectivement un bilan de 9 captifs. Leurs propres pertes sont sévères. Le lendemain, l'artillerie allemande bombarde les pistes et les boyaux ; puis, dans la nuit, elle tire sur les positions. Le 23 encore, les Allemands exercent une nouvelle pression sur la crête des Caurrières à la fin de la nuit ; les Français contre¬attaquent et reprennent le terrain perdu. A 7 h 40, c'est un vrai pilonnage. La tranchée de la Barricade, littéralement nivelée, est évacuée. Sur tout le front des 2 et 4e/3e Tirailleurs (ce dernier bataillon vient de relever le 1 dans le quartier Hassoule), l'ennemi passe à l'attaque. Presque partout il est repoussé sans avoir pu aborder les positions et sans que les sections de réserve, rassemblées dès le début du bombardement dans les boyaux et tranchées de soutien, aient à intervenir. A la tranchée du Verger, les défenseurs doivent sortir pour refouler les attaquants à la baïonnette. Ceux-ci font irruption dans celle de la Barricade où ils ne trouvent guère que des tués, des blessés graves et des ensevelis. Trois sections disponibles de la 14 compagnie se portent en avant à découvert et contre-attaquent. Après quelques minutes d'un combat à la grenade, les assaillants sont repoussés. L'opération, baptisée « voyage de permission » (Urlaubsreise), a été menée par le II./G.I.R. ainsi que le R.I.R. 245 ; son bilan aurait été de 5 prisonniers.

    Le 24, un bataillon du 3 Zouaves relève le 2e/3e Tirailleurs à Bezonvaux. Les 25 et 26, dans la nuit, les troupes allemandes en ligne devant le village essaient encore d'aborder les positions françaises vers la gauche du 4/3 Tirailleurs. La 15/3 Tirailleurs repousse facilement ces tentatives. Le 27, le P.C. de ce régiment est violemment bombardé ; un lieutenant est tué et un médecin blessé. Le 29, le 4/3 Tirailleurs est relevé par un autre bataillon du 3 Zouaves. Le même jour, le II./G.I.R. 7 attaque les positions françaises de la Croix de la Vaux et à l'ouest de celle-ci. L'entreprise est renforcée par deux sections de lance-flammes, quelques détachements du St.Btl. 5 et la (G.)Pi.K. 301. Les Français sont repoussés et ces positions sont réoccupées par les Allemands qui capturent 206 prisonniers, avec un butin de 3 mitrailleuses et un fusil-mitrailleur. Ensuite, pendant quelques jours, le 3e Tirailleurs occupe le quartier Hardaumont-Vaux ; le 6 novembre, avec l'arrivée d'une nouvelle division, il est relevé par des éléments du 152e R.I. et du 1 3 groupe de chasseurs. Pendant ce dur mois d'octobre, il a perdu 63 tués dont 4 officiers, 280 blessés dont 3 officiers et 81 disparus ; 352 militaires ont été évacués pour cause de pieds gelés et 6 ont été intoxiqués par les gaz. Il faut ajouter que toutes les relèves évoquées précédemment s'effectuent dans des conditions extraordinairement difficiles. Le sergent Martin du 3e Zouaves raconte:

    « A la fin d'octobre 1917, le 3 Zouaves était au secteur en avant de Bezonvaux La boue, surtout dans les relèves et en secteur, était un fléau pour nous. A la relève descendante, plusieurs camarades furent enlisés. L'un d'eux que l'on s'efforçait en vain de dégager finit par dire à notre aumônier qui dirigeait le sauvetage : « Laissez moi ; quand il fera jour, je me dégagerai seul ». Paroles terribles pour qui sait que l'enlisement s'accroît sans cesse d'heure en heure. Ces paroles voulaient dire : « Laissez moi, je suis résigné à mourir ».

    La 164 D.I., qui entre en ligne à partir du 5 novembre, est engagée entre le bois des Caurrières et le fort de Vaux : elle tient une zone réorganisée et comprenant les quartiers Hassoule, Village et Chauny (Hardaumont-Vaux) ; son P.C. est au point de rencontre des ravins du Bois triangulaire, de La Caillette et du Bazil (P.C. Normandie), c'est-à-dire hors du territoire de la commune de Bezonvaux ; celui de son 152 R .1. (le « 15-2 ») est dans les Carrières-Nord et le poste de secours de ce régiment aux Carrières-Sud. La division exécute une série de coups de main et repousse de fortes attaques. Le 133 R.I., détaché à la division voisine (60 D.I.), résiste le 16 novembre à une attaque sur le bois de Chaume. Durant cette période, la 164 D.I. perd 33 officiers et 1 727 hommes, dont 10 tués à Bezonvaux pour le 59 B.C.P. En ce qui concerne le 152, son historique" décrit avec beaucoup de détails les conditions difficiles de son séjour dans les environs de Bezonvaux :

    "Lorsqu'au début de novembre 1917, le 15-2 fut appelé à occuper le secteur de Bezonvaux, la lutte était encore chaude et journalière sur la rive droite de la Meuse. Le secteur de Bezonvaux offrait à l'ennemi l'occasion d'écraser, sans danger de riposte sérieuse, la garnison qui l'occupait. Dans ce secteur inorganisé, inorganisable, où les lignes consistaient en des trous d'obus, où les hommes vivaient dans la boue liquide, à 50 mètres à ,peine d'un ennemi solidement retranché, dans ce secteur perché à gauche sur la crête d'Hassoule, encaissé à droite dans le fond de Bezonvaux, séparé de ses bases de ravitaillement par un formidable ravin qu'enfilaient les mitrailleuses et que le bombardement avait transformé en une succession d'immenses entonnoirs, dans ce secteur où il était impossible de faire le moindre mouvement, et où à tout instant on était menacé d'être attaqué et culbuté dans le cloaque bourbeux du Fond des Rousses, le 15-2 fit preuve d'une endurance, d'une ténacité, d'un courage qu'il n'a pas dépassé dans ses plus belles heures...
    ... grâce à l'impulsion énergique du colonel Barrard, le 15-2 a travaillé, le 15-2 a vécu dans l'enfer de Bezonvaux, comme il avait travaillé et vécu dans les secteurs les moins agités ... Pendant plusieurs semaines, grâce ... à son esprit d'organisation, à sa volonté de fer; grâce au dévouement acharné de tous, le régiment a accompli à Bezonvaux une belle et rude tâche. Si de jour tout le monde se terre, de nuit, par contre, l'immense ruche s'anime ... extraordinaire animation que prenait, à la tombée de la nuit, l'immense plateau qui conduisait au Fond des Rousses ... le bombardement fait rage et balaie méthodiquement le plateau. Echelonnés depuis la carrière d'Alsace jusqu'au P.C. d'Hassoule et de Bezonvaux, les pionniers travaillent sans arrêt à la création des pistes que doivent emprunter les relèves, les coureurs et les corvées de ravitaillement. Piste refaite sans cesse et sans cesse détruite à travers les entonnoirs jointifs. Ils travaillent également tous les soirs, sous une véritable grêle d'obus, à refaire l'unique et fragile passerelle qui traverse le ruisseau de Bezonvaux, et que le Boche détruit systématiquement tous les jour ... le 15-2 resta six semaines en ligne devant Verdun sans être relevé ... Verdun avait d'ailleurs coûté au 15-2 en tués, blessés, évacués pour pieds gelés, presque autant de pertes qu'une attaque de grand style ».

    En face, l'activité est encore intense : elle va durer ainsi pendant quelques temps. Apparemment, les Allemands, sachant que le front sur la rive droite de la Meuse est un peu dégarni, cherchent à faire craindre une attaque de ce côté. L'opération « Udine » est menée par un détachement de l'I.R.183 : elle a lieu le 14 novembre contre une position installée à la cote 355 près de l'ouvrage de Bezonvaux. Elle provoque des pertes chez les défenseurs mais les assaillants ne font pas de prisonniers. Le 1 décembre, des unités de lance-mines, notamment la G.M.W.K. 7, procèdent à des bombardements massifs des positions françaises dans le secteur de la Croix de la Vaux à partir de 8 h 45. La cible est particulièrement le 21152e R.I. Dans son secteur, 3 groupes représentant 70 à 80 adversaires exécutent ensuite, à la faveur du brouillard, un coup de main sur la tranchée de la Barricade. Deux de ces Stossgruppen sont arrêtés par les feux des mitrailleuses et des fusils¬mitrailleurs, les barrages de U.B. ainsi que les défenses accessoires. Le troisième, en dépit du tir d'une mitrailleuse, s'avance jusqu'au poste de liaison avec le 1/152 R.I.: un sergent blessé et un homme sont emmenés par les Allemands. Le 2e/152 subit encore deux coups de main dans la nuit du 4 au 5. Le 5, c'est le 1 bataillon qui en contient plusieurs. Le 7, alors que les 1 et 2 bataillons ont été relevés, le 3/152 R.I., qui est toujours dans la zone de la Croix de la Vaux, est soumis à un violent bombardement. Outre les projectiles de l'artillerie, ce bataillon reçoit ceux lancés par des unités de Minenwerfer, notamment la G.M.W.K. 7, qui procèdent au pilonnage massif des positions françaises. Ce 3/152 R.I. subit une attaque sur la tranchée Vercingétorix qu'il rejette avec des pertes. Il est relevé dans la nuit du 9 au 10. Si l'on considère l'ensemble de la 164e D.L, sa relève s'effectue par fractions du 6 au 20. Son séjour en ligne a été un calvaire, comme en témoigne l'abbé Pernet, caporal au 152e R.I.:

    « Le 5 novembre 1917, nous allons en ligne à Bezonvaux par des pistes où l'on enfonce dans la boue : nous passons la nuit dans de petits abris plein de boue. Le 9 au soir, nous montons en 1èf ligne. Nous sommes de sentinelle toute la nuit dans la boue jusqu'aux genoux. Aucun repos ; il fait froid, la pluie tombe sans arrêt et les obus aussi. Le 9 il pleut, le 11 il pleut. Le 12 novembre, notre trou d'obus est repéré par un avion ; les 130 tombent presque sur nous ; chaque éclatement nous couvre de boue. Mon équipement et ma capote ne sont qu'un bloc de boue. A cause de cette boue, nous ne pouvons creuser ni tranchées ni abris. Nos outils ne peuvent être utilisés, car on ne peut en détacher la boue qui y adhère ; il faut creuser avec les mains. Je n'ai plus aucune force physique et morale et nous sommes tous à peu près dans la même situation. Le soir du 12 novembre 1917, nous sommes relevés de première ligne et retournons dans un abri à 500 mètres en arrière. On y trouve 20 centimètres d'eau. Le lieutenant de ma section pleure de découragement. Je vais à son aide et je coupe la partie inférieure de sa capote. Puis c'est le tour de la mienne et de celle de tous les habitants de l'abri. C'est un soulagement de 25 kilos environ. Ce n'était qu'un bloc de boue. Tous les soldats du bataillon suivent notre exemple. Ce bloc boueux nous empêchait de marcher. Lorsque l'un ou l'autre tombe dans un trou, il faut se mettre â six pour le retirer. Je me souviens d'une corvée de ravitaillement où chacun avait, en plus J'une quinzaine de boules, et autant de bidons, un grand bidon de café de 20 litres. Nous avions à parcourir de 200 à 300 mètres. Nous avons mis plus d'une heure à les faire. Nous placions le bidon en avant de nous (de 30 à 50 centimètres), nous retirions une jambe de la boue avec un grand effort ; nous la déplacions vers le bidon. Nous faisions le même mouvement pour l'autre et nous recommencions. 11 va sans dire que nous désirions la mort comme une délivrance ».

    Le 12, la 33 D.I. s'installe dans le secteur bois de Chaume-Bezonvaux (exclu) où elle va subir de fréquentes actions locales. Les 16-17 décembre, la 25 D.I. monte en ligne à sa droite, remplaçant la 164 ; elle trouve de dures conditions : son secteur est dénué d'abris, les tranchées sont détruites, le froid est intense (- 18° certains jours et beaucoup d'hommes vont souffrir de leurs pieds gelés), la neige recouvre le sol, le ravitaillement est difficile. De plus l'artillerie allemande, active, gêne considérablement les travaux. Sur la première position occupée par le 16e R.I., les Allemands exécutent des coups de main, auxquels il est répondu par des actions de même nature. Sur la présence en ligne de ce régiment, un témoin, l'homme politique Marcel Déat alors sous-lieutenant à la C.M. 1, raconte ce qui suit:

    « ... reconnaissance d'un nouveau secteur, moins tranquille : cette fois nous sommes immédiatement à gauche de Bezonvaux et du fort de Vaux. Nous allons relever les chasseurs à pied', qui occupent la position de soutien, derrière le bois d'Hassoule, en avant duquel, sur une position précaire, un des bataillons est accroché. il s'en faut de bien peu qu'en revenant, nous ne soyons « nettoyés », mes agents de liaison et moi, par une rafale qui fait exploser sous notre nez un dépôt de grenades. Le soir nous sommes en place. Il y a des abris où l'on se chauffe, trop bien, car il faut souvent en sortir pour surveiller ce qui se passe et il fait plutôt froid dehors. Toutes les deux ou trois nuits, le bataillon de première ligne essuie un coup de main : pluie d'obus, de bombes de gaz, encagement hermétique, ruée d'équipes qui lancent des caisses de cheddite dans les entrées des abris, rafle de prisonniers. II y a eu comme cela quelques coups récents plutôt pénibles. Nous y allons voir à notre tour. Le ravin est un petit marais putride, qui sent le cadavre et les gaz, et qui rejoint l'étang de Vaux. On y vit sur ce bout de terrain en état d'alerte permanent. Nous n'éviterons pas notre incursion à grand orchestre. Une de nos sections entre en action, mais il y a quand même quelques prisonniers en première ligne ... Les nuits de relève, nous contemplons le plus étrange des paysages de neige, criblé de petits trous noirs : on dirait un coin de lune au e ciel de terre "

    Bezonvaux 1917-1918 : La guerre continue

    les officiers du 2e/3e Tirailleurs à Verdun, lors d'une descente des lignes : en bas, à gauche, le sous-lieutenant Jean Moras tué à Bezonvaux le 16 octobre 1917.

    Le 15, dans les environs de la Croix de la Vaux, se déroule l'action « construction de positions » (Stellungsbau), destinée à récupérer des prisonniers : le résultat est inconnu. La semaine suivante, le 22, toujours dans le même secteur, a lieu un coup de main infructueux du III./G.I.R. 6 contre la seconde ligne française : « la fête sportive de Tempelhof » (Sportfest Tempelhof) ; les groupes de choc regagnent leurs lignes avec des pertes et sans prisonniers. Le 25, un puissant tir d'artillerie s'abat sur le bois des Caurriéres que défend le 98e R.I. Les obus ne tombent pas que sur les tranchées au contact de l'adversaire : de 17 à 19 heures, il est impossible de circuler entre le P.C. du colonel et ceux des commandants de bataillon. Dans la nuit, les rafales d'artillerie fauchent les pistes et gênent les ravitaillements. Les deux bataillons en Ligne sont complètement isolés. Le 26 à 14 heures, le même régiment est attaqué par deux bataillons précédés de leurs Stossgruppen, accompagnés de sapeurs du génie et appuyés directement par des mitrailleuses. Le 3e/98e R.I. est l'objectif de l'opération. Il est entouré par un tir de barrage comprenant des projectiles de tous calibres ; ceux des Minenwerfer lourds écrasent les tranchées françaises. L'opération qui est observée, du côté allemand, par deux ballons et quatre avions, dure au plus 10 minutes. Le 98e R.I. avoue [es pertes suivantes : sa 10e compagnie a 26 hommes hors de combat et la C.M. 17 ; la 11e perd la moitié de son effectif ; au total, 2 officiers sont tués et 3 blessés. Selon la version allemande de cette opération, baptisée Brandebourg » (Brandenburg), celle-ci est menée par la G.E.D., soutenue par des éléments de la 2./St.Btl. 5 et une section de lance-flammes. Elle est organisée contre les positions françaises au sud de la Croix de la Vaux pour récupérer des prisonniers et identifier les unités en ligne. Elle réussit et 100 prisonniers sont ramenés dans les tranchées allemandes. Il y a des pertes de ce côté, dont 4 tués et 4 disparus pour le St.Btl. 5.

    Dans la nuit du 29 au 30, sur le front tenu par le 105e R.I., des patrguilleurs ennemis vêtus de blanc tentent de s'approcher pour surprendre des sentinelles. Accueillis par le tir de fusils-mitrailleurs puis contre-attaqués, ils sont repoussés en perdant l'officier qui les commande, lequel est fait prisonnier. En guise de conclusion à la présence de la 25e D.I. dans le secteur de Bezonvaux, on peut citer ce qu'a écrit l'abbé Lestrade, aumônier divisionnaire :

    "Ce fut très dur, soit à cause de l'hiver, soit à cause des coups de main des Allemands sur nous. Il n'y eut pas de semaine sans un ou deux coups de main, surtout à gauche de Bezonvaux, au secteur d'Hassoule. Dans tout le secteur, le spectacle était épouvantable. Je doute que jamais œil humain ait pu contempler une horreur comparable au bois Fumin à cette époque. C'était un véritable charnier. Dans un même trou d'obus, on trouvait six bottes avec leurs tibias, des crânes ayant encore le passe-montagne. Parfois, on rencontrait des corps entiers qui, demeurés sur le sol sepuis les attaques du fort de Vaux en juin 1916, s'étaient complètement momifiés. 

     

     

    Bezonvaux 1917-1918 : La guerre continue

    L'aspirant Ivan Duranthon du 3e Zouaves, qui a participé aux combats de son régiment dans le secteur de Bezonvaux et, bien que bleessé deux fois, sortira vivant de la Grande Guerre ( Cliché datant sans doute de 1918; C.Duranthon )